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Future of World | Ukraine, Moyen-Orient : qui seront les bénéficiaires des grands conflits actuels ?

guerre UkraineUkraine’s national flag. Photographer: Taylor Weidman/Bloomberg

En 2024, la guerre en Ukraine continue de redessiner la géopolitique mondiale, avec des conséquences visibles sur les économies et les relations internationales. Ce conflit, combiné désormais à la guerre au Proche-Orient , ne se limite plus à une simple rivalité régionale. Son impact dépasse largement les frontières de l’Europe de l’Est, touchant de plein fouet les marchés mondiaux, les approvisionnements en matières premières, et créant une résurgence de la course aux armements, qui fait des États-Unis les grands gagnants, mais pas uniquement. Qui seront les principaux bénéficiaires économiques de ce grand basculement à venir ? Revue de détail.

L’inflation mondiale et les tensions sur les matières premières

L’une des conséquences immédiates et les plus visibles du conflit en Ukraine a été la flambée des prix des matières premières. Dès l’invasion russe en février 2022, les marchés de l’énergie ont été sévèrement impactés. L’Ukraine, étant un corridor crucial pour le transit du gaz naturel russe vers l’Europe, a vu ces flux fortement perturbés. À son apogée, cette crise énergétique a poussé les prix du gaz à des niveaux records en Europe, forçant les gouvernements à prendre des mesures d’urgence pour protéger les consommateurs et éviter une récession économique majeure. L’impact des différents boucliers tarifaires érigés par les pays européens est ainsi au cœur de l’actualité française, puisque la trajectoire budgétaire de l’hexagone a été impactée négativement de manière fondamentale, et promet ainsi des débats enflammés dans les semaines à venir.

En parallèle, l’inflation mondiale a atteint des sommets. Aux États-Unis, l’inflation a culminé à 9,1 % en juin 2022, un niveau inédit depuis les années 1980. En Europe, les taux ont suivi une trajectoire similaire, notamment dans les économies les plus dépendantes de l’énergie russe, comme l’Allemagne et l’Italie. La combinaison de la hausse des coûts de l’énergie, des ruptures d’approvisionnement en matières premières agricoles (l’Ukraine et la Russie étant parmi les plus grands exportateurs de céréales), et de la perturbation des chaînes logistiques a créé un cocktail économique explosif, poussant l’inflation à des niveaux qui ont ébranlé la stabilité des ménages et des entreprises.

Mais les impacts ne s’arrêtent pas là. La guerre en Ukraine a également exacerbé la compétition pour les matières premières critiques nécessaires à la transition énergétique. Le lithium, le cobalt, le nickel et d’autres métaux stratégiques, essentiels pour la fabrication de batteries et de technologies vertes, sont devenus des points de tension entre les grandes puissances. Les pays cherchent désormais à sécuriser leurs approvisionnements en établissant des partenariats stratégiques, notamment en Afrique et en Amérique latine, contribuant à une fragmentation accrue des chaînes d’approvisionnement mondiales.

La résurgence de la course aux armements

Le contexte de guerre a par ailleurs redonné un élan à la course aux armements. Selon une analyse du journal Le Monde, la guerre en Ukraine a servi de catalyseur à une refonte complète des flux d’armement à l’échelle mondiale . Les dépenses militaires, qui avaient légèrement stagné au cours de la dernière décennie, ont repris une trajectoire ascendante dès 2022. Cette hausse est particulièrement notable aux États-Unis, où l’industrie de la défense est sortie comme l’un des principaux bénéficiaires de la guerre en Ukraine. Avec des entreprises comme Lockheed Martin et Raytheon Technologies qui voient leurs carnets de commandes exploser, les États-Unis ont renforcé leur rôle de premier fournisseur d’armement au niveau mondial.

L’Europe n’est pas en reste. La guerre a forcé les États européens à réévaluer leurs priorités en matière de défense, ce qui a conduit à une augmentation significative des budgets militaires. L’Allemagne, par exemple, a annoncé un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour moderniser ses forces armées, une décision sans précédent dans l’histoire récente du pays. Cette tendance s’étend à l’ensemble du continent, créant des opportunités pour les industries de défense européennes. Le secteur de la défense du vieux continent connaît actuellement un boom durable, tiré par la nécessité de rééquiper les armées avec des systèmes de défense modernes, notamment des drones, des systèmes anti-missiles, et des véhicules blindés .

Un nouveau basculement géoéconomique : le cas de la Chine et de la Russie

Si la guerre en Ukraine a transformé les dynamiques militaires, elle a également bouleversé les flux financiers et commerciaux. Un effet indirect mais tout aussi important de ce conflit est l’alignement stratégique renforcé entre la Russie et la Chine. À mesure que l’Occident intensifie ses sanctions économiques contre Moscou, le Kremlin s’est tourné vers Pékin pour maintenir son économie à flot. Le commerce bilatéral entre la Russie et la Chine a ainsi explosé, atteignant un niveau record en 2023. La Russie exporte désormais massivement ses hydrocarbures vers la Chine, tandis que cette dernière lui fournit des technologies et des biens manufacturés, en contournant les sanctions occidentales.

Ce rapprochement sino-russe a des implications profondes pour l’ordre économique mondial. En effet, ces deux pays cherchent activement à contourner le dollar américain, qui a longtemps dominé les échanges commerciaux mondiaux. Le yuan chinois et le rouble russe sont de plus en plus utilisés dans leurs transactions bilatérales, illustrant une volonté claire de diminuer la dépendance à l’égard de la monnaie américaine. Ce mouvement s’inscrit dans une tendance plus large de dédollarisation, soutenue par d’autres nations comme l’Inde et certains pays du Moyen-Orient, qui cherchent à diversifier leurs réserves monétaires.

L’essor des cryptomonnaies dans un contexte de défiance

Dans ce contexte de recomposition géoéconomique, les cryptomonnaies gagnent en importance. Le bitcoin et d’autres actifs numériques sont de plus en plus adoptés comme alternatives aux monnaies traditionnelles. En Russie, par exemple, le recours aux cryptomonnaies a été encouragé par les sanctions qui ont coupé une partie du pays du système financier international. Les autorités russes, autrefois réticentes, voient désormais dans les cryptomonnaies un moyen de contourner les restrictions et de faciliter les échanges avec leurs partenaires commerciaux en Asie et au Moyen-Orient.

Le rôle des cryptomonnaies pourrait encore croître, en particulier dans les régions touchées par les conflits. Dans les territoires palestiniens, le blocus économique imposé par Israël a poussé certains acteurs à utiliser le bitcoin pour réaliser des transactions internationales, contournant ainsi les restrictions bancaires. De même, au Liban, confronté à une crise financière sans précédent, une partie de la population s’est tournée vers les cryptomonnaies pour préserver leurs économies.

Une recomposition géopolitique au Moyen-Orient et en Afrique

Enfin, la guerre en Ukraine, combinée aux récents affrontements à Gaza, accentue les recompositions géopolitiques au Moyen-Orient. Si ces conflits renforcent l’alliance entre certains pays arabes et Israël, ils ravivent aussi les tensions avec l’Iran, un acteur central dans la région. Les sanctions économiques contre Téhéran n’ont pas empêché ce dernier de s’affirmer comme un fournisseur d’armes influent, notamment auprès des groupes armés en Syrie et au Liban.

L’Afrique, qui dépend fortement des importations de céréales et de produits pétroliers, a été durement touchée par la guerre en Ukraine. Selon une note de la Ferdi, les importations de blé en provenance de la Russie et de l’Ukraine, qui représentent une part importante des approvisionnements alimentaires de nombreux pays africains, ont été perturbées, aggravant la crise alimentaire dans certaines régions du continent. L’Égypte, par exemple, qui est le plus grand importateur de blé au monde, a vu ses coûts d’importation exploser, exacerbant les tensions économiques internes. En outre, les hausses des prix de l’énergie ont également accru la pression sur les pays importateurs de pétrole, entraînant une augmentation du coût de la vie, une baisse de la croissance économique, et parfois même des tensions sociales.

Mais au-delà de ces répercussions économiques immédiates, l’Afrique est devenue un enjeu clé dans la recomposition des alliances internationales. Dans cette nouvelle guerre froide, le continent est de plus en plus courtisé par des acteurs mondiaux cherchant à renforcer leur influence géopolitique. La Russie, la Chine, et même la Turquie sont en pleine offensive diplomatique et économique, tandis que les puissances occidentales, notamment la France et les États-Unis, tentent de préserver leurs positions historiques.

Ces conflits mondiaux et régionaux redéfinissent les alliances stratégiques, tout en remodelant les flux commerciaux et financiers. Les grands bénéficiaires des guerres actuelles ne se limitent plus aux traditionnelles puissances occidentales, mais incluent des grandes entreprises, des acteurs régionaux et des économies émergentes qui redéfinissent l’avenir du monde multipolaire qui se dessine. La question clé est de savoir si ces nouvelles configurations économiques et militaires ouvriront la voie à une paix durable ou à une ère d’instabilité accrue.

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