Les récentes avancées de l’intelligence artificielle (IA) ont franchi un nouveau cap. La semaine dernière, OpenAI a dévoilé ChatGPT-01, présenté comme la première IA capable de « raisonner » comme un être humain. Cette étape cruciale dans le développement de l’IA marque une nouvelle ère, où les machines ne se contentent plus d’exécuter des tâches programmées, mais commenceraient à « comprendre » et à interpréter le monde qui les entoure d’une manière similaire à la nôtre. Est-ce à dire que nous allons être remplacés par les machines ? Pas si sûr…
Cette annonce majeure ne manque pas d’alimenter les inquiétudes quant à l’avenir de l’emploi. En effet, si les machines peuvent désormais raisonner comme nous, quelles seront les implications pour les travailleurs humains ? Selon une étude de l’Université d’Oxford, près de 47 % des emplois aux États-Unis pourraient être automatisés dans les deux prochaines décennies. Ce chiffre est alarmant et reflète une tendance globale qui touche tous les secteurs. Prenons l’exemple du secteur financier. Les « robo-conseillers », des algorithmes sophistiqués capables de gérer des portefeuilles d’investissement, ont vu leur utilisation augmenter de 65 % depuis 2020. Dans le domaine de la santé, l’IA est désormais capable de diagnostiquer certaines maladies avec une précision supérieure à celle des médecins humains. Une étude publiée dans la prestigieuse revue scientifique « The Lancet » a montré que l’IA pouvait détecter les cancers de la peau avec une précision de 95 %, contre 86 % pour les dermatologues.
Même les professions créatives ne sont pas épargnées. Des algorithmes sont désormais capables de composer de la musique, d’écrire des articles de presse ou de créer des œuvres d’art. En 2018, une peinture créée par une IA s’est vendue pour plus 400 000 dollars chez Christie’s, illustrant l’intérêt croissant pour l’art généré par les machines. Paradoxalement, cette « œuvre » d’art élaboré par le collectif parisien Obvious répond aux canons du classicisme…humain. Ces exemples concrets montrent que l’IA , grâce à sa capacité de réplication, menace de perturber durablement de nombreux secteurs, ce qui accroît légitimement les craintes sur l’emploi et l’avenir du travail humain.
L’asymétrie géopolitique du développement de l’IA
Parallèlement à ces évolutions, une asymétrie notable se dessine entre les différentes zones géopolitiques en matière de développement de l’IA. Les pays disposant des capacités de calcul les plus avancées, comme les États-Unis et la Chine, bénéficient d’un avantage concurrentiel significatif. Selon un rapport de PwC, l’IA pourrait contribuer à hauteur de 15 700 milliards de dollars à l’économie mondiale d’ici 2030, mais cette croissance sera inégalement répartie. La Chine, par exemple, a annoncé son ambition de devenir le leader mondial de l’IA d’ici 2030. Elle investit massivement dans les infrastructures technologiques, les centres de recherche et l’éducation. Les États-Unis, quant à eux, continuent de dominer en termes d’innovation et de capital-risque, avec plus de 50 % des start-ups d’IA basées sur leur sol.
Cette concentration des ressources et des talents crée des frictions avec les régions moins développées technologiquement. L’Afrique, par exemple, ne représente que 1 % des investissements mondiaux en IA. Cette disparité risque d’accroître les inégalités économiques et de créer une nouvelle forme de dépendance technologique, où les pays moins avancés seront contraints de consommer des technologies développées ailleurs, sans capacité de participation ou de contrôle.Les gouvernements européens tentent de rattraper ce retard. L’Union européenne a lancé un plan visant à investir 20 milliards d’euros par an dans l’IA jusqu’en 2030. Cependant, ces efforts pourraient ne pas suffire face à la vitesse à laquelle progressent les leaders actuels du secteur.
L’irréductible humanité face à l’IA
Malgré ces avancées impressionnantes, l’IA ne pourra jamais remplacer ce qui fait notre singularité émotionnelle et notre besoin fondamental de contact humain. La technologie, aussi sophistiquée soit-elle, ne peut reproduire l’ensemble des nuances de l’expérience humaine. Une tendance émergente illustre ce phénomène : le désir croissant de se déconnecter de la technologie pour revenir à des interactions plus authentiques. En Espagne, par exemple, les applications de rencontre connaissent un désintérêt notable. Les célibataires préfèrent désormais la « drague Mercadona », une pratique consistant à faire ses courses entre 19h et 20h dans les supermarchés, en arborant un ananas dans le chariot pour signaler leur disponibilité. Ce retour à des méthodes traditionnelles de rencontre souligne un besoin profond de contact réel, loin des écrans et des algorithmes.
Dans le domaine de la création, l’IA a montré qu’elle pouvait produire des œuvres impressionnantes, mais elle ne peut pas remplacer l’âme de l’artiste. La musique, la peinture, la littérature sont des expressions de l’expérience humaine, nourries par nos émotions, nos souffrances, nos joies et nos rêves. Comme le disait si bien Marcel Proust : « La seule véritable exploration, ce n’est pas de chercher de nouveaux paysages, mais d’avoir de nouveaux yeux. » L’IA peut imiter des styles, reproduire des techniques, mais elle ne peut ressentir ni transcender. Les stratégies entrepreneuriales elles aussi nécessitent une part d’intuition et de prise de risque que l’IA ne peut reproduire. L’innovation naît souvent de l’audace, de la capacité à penser en dehors des sentiers battus. C’est cette étincelle créative, cette volonté de défier le statu quo qui permet de bousculer les marchés et de créer de nouvelles tendances.
Le futur sera humain parce qu’il doit l’être
Il est essentiel de reconnaître que l’IA est un outil, une création de l’esprit humain destinée à améliorer notre existence, non à la remplacer. Les craintes qu’elle suscite sont compréhensibles, mais il nous appartient de définir le rôle que nous souhaitons qu’elle joue dans notre société. L’éducation notamment sera un élément clé pour préparer les générations futures à coexister avec l’IA. Il ne s’agit pas seulement d’apprendre à utiliser ces technologies, mais aussi de cultiver les compétences proprement humaines : la pensée critique, la créativité, l’empathie. Ces qualités seront d’autant plus précieuses dans un monde où les tâches automatisables seront prises en charge par les machines.
Par ailleurs, il est impératif de mettre en place des cadres éthiques et réglementaires pour encadrer le développement et l’utilisation de l’IA. La question de la responsabilité, du respect de la vie privée, de l’équité doivent être au cœur des réflexions. En fin de compte, l’avenir de l’IA sera ce que nous en ferons. Elle a le potentiel de résoudre des problèmes complexes, d’améliorer la qualité de vie, de nous libérer des tâches répétitives. Mais elle ne doit pas nous faire oublier ce qui fait de nous des êtres humains.
Notre singularité émotionnelle, notre besoin de connexion, notre capacité à imaginer et à créer resteront toujours au cœur de notre existence. Le futur sera humain parce qu’il doit l’être. C’est en embrassant cette réalité que nous pourrons construire un avenir où l’IA sera une alliée, non une menace, au service du progrès et de l’épanouissement de chacun.
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