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Future of World | l’engouement autour de l’hydrogène vert va-t-il se dégonfler ?

hydrogène
Renewable Clean Gas Storage Tanks of Hydrogen .Net zero concept

La question se pose : cette ruée vers ce « nouvel or noir » que serait l’hydrogène vert constitue-t-elle une véritable rupture technologique ? Ou assistons-nous à un énième épisode de frénésie technologique, promis à retomber une fois l’euphorie dissipée ? Si la transition énergétique fait naître des rêves de nouvelles énergies vertes, certaines de ces promesses se sont révélées coûteuses et inadaptées. La bulle du solaire thermique dans les années 1970 ou encore celle du biocarburant à base d’algues en sont des exemples récents. Si l’hydrogène vert semble aujourd’hui susciter une effervescence mondiale, n’est-il qu’une « mode » vouée à un destin similaire ou bien est-il le tournant décisif que l’on espère ?

La promesse de l’hydrogène vert est immense. Il est présenté comme l’énergie de demain, capable de décarboner les secteurs industriels les plus polluants tout en offrant une flexibilité qui échappe aux énergies renouvelables traditionnelles comme le solaire et l’éolien. Contrairement à l’hydrogène dit « gris » produit à partir de sources fossiles, l’hydrogène vert est issu de l’électrolyse de l’eau en utilisant de l’électricité renouvelable. Ce procédé permet d’obtenir une source d’énergie sans émissions directes de CO₂, en phase avec les objectifs de réduction des émissions mondiales de carbone. Selon un rapport récent de Bloomberg, le marché mondial de l’hydrogène vert pourrait atteindre 700 milliards de dollars d’ici 2050 si la production et l’infrastructure suivent.

Cette technologie est soutenue par un nombre croissant de gouvernements et de multinationales. En Europe, le « Green Deal » prévoit une augmentation de la capacité de production d’hydrogène vert à 40 GW d’ici 2030, et l’Allemagne, pionnière en matière de transition énergétique, a déjà alloué plus de 9 milliards d’euros pour accélérer le développement de cette filière. Aux États-Unis, des entreprises comme Plug Power, spécialisée dans la production d’hydrogène vert, ont vu leur valorisation boursière exploser, et la loi sur la réduction de l’inflation (IRA) apporte des incitations fiscales pour rendre cette source d’énergie plus compétitive.

Pour les secteurs de l’industrie lourde, du transport de marchandises, et de l’aviation, où l’électrification est complexe et coûteuse, l’hydrogène vert offre un horizon d’opportunités qui pourrait bien transformer le paysage énergétique. À l’échelle mondiale, la production d’hydrogène pourrait permettre de réduire les émissions de CO₂ de 6 gigatonnes par an, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).

Les défis et les limites de l’hydrogène vert : entre coût et faisabilité

Toutefois, malgré ses attraits, l’hydrogène vert n’est pas sans contraintes. Le principal frein reste le coût de production, qui demeure prohibitif par rapport aux autres sources d’énergie. La production d’hydrogène vert coûte actuellement entre 3 et 6 dollars par kilogramme, contre 1 à 2 dollars pour l’hydrogène gris, ce qui rend sa compétitivité faible dans un contexte de marché non subventionné. Même avec les aides publiques, la question de la rentabilité reste ouverte.

Le stockage de l’hydrogène, un autre défi majeur, se révèle complexe et coûteux. L’hydrogène est une molécule extrêmement volatile, qui doit être comprimée à haute pression ou refroidie à des températures cryogéniques pour être stockée en grande quantité. Cela nécessite des infrastructures lourdes, et donc des investissements significatifs. En parallèle, son transport nécessite des pipelines spécialisés, car les infrastructures existantes, notamment celles utilisées pour le gaz naturel, ne sont pas adaptées à ce type de gaz.

Par ailleurs, les besoins en électricité renouvelable pour produire de l’hydrogène vert à grande échelle sont colossaux. Selon l’AIE, pour que l’hydrogène vert représente 20 % de l’énergie consommée dans le monde d’ici 2050, il faudrait que la production d’électricité renouvelable triple, ce qui impliquerait des coûts et des défis environnementaux et logistiques majeurs. La question de l’efficacité énergétique entre également en jeu : l’électrolyse consomme environ 50 kWh d’électricité pour produire un kilogramme d’hydrogène, ce qui en fait un procédé énergivore.

Le potentiel de l’hydrogène vert : une carte à jouer pour la transition écologique ?

Face à ces défis, l’hydrogène vert possède malgré tout un potentiel unique pour transformer l’industrie et décarboner les secteurs les plus polluants. Son utilisation dans la production d’ammoniac vert, un composant clé des engrais, pourrait réduire les émissions de l’agriculture, un secteur qui représente aujourd’hui environ 9 % des émissions mondiales de CO₂. Dans le secteur aéronautique, Airbus travaille sur des avions propulsés par l’hydrogène, et l’ammoniac pourrait être utilisé comme carburant dans les cargos maritimes, offrant ainsi des solutions à des industries en quête de solutions de décarbonation.

L’aviation, l’industrie chimique, et le transport maritime représentent des terrains d’expérimentation où l’hydrogène vert pourrait, si les coûts de production diminuent, constituer un levier de transformation durable. Le soutien massif des gouvernements et l’implication des grandes entreprises augmentent les chances d’atteindre une échelle de production où les économies d’échelle permettraient une réduction substantielle des coûts. L’Agence internationale des énergies renouvelables (IRENA) projette que le prix de l’hydrogène vert pourrait tomber à 1,5 dollar par kilogramme d’ici 2030, ce qui en ferait une alternative viable aux carburants fossiles dans plusieurs secteurs.

Toutefois, pour réaliser ce potentiel, certaines conditions sont nécessaires. Premièrement, les gouvernements doivent continuer à investir dans les infrastructures dédiées et adopter une réglementation cohérente pour stimuler la demande. Deuxièmement, l’innovation dans les technologies de stockage et de transport doit avancer rapidement pour contourner les contraintes techniques actuelles. Troisièmement, une intégration plus fluide avec les sources d’énergie renouvelables est indispensable pour maintenir des coûts de production compétitifs et stables.

De fait, l’hydrogène vert pourrait bel et bien représenter une des pierres angulaires de la transition énergétique globale. Son potentiel pour décarboner des secteurs entiers et son caractère polyvalent en font un candidat de choix pour la transition écologique. Toutefois, le chemin pour en faire une alternative économiquement viable est encore semé d’obstacles techniques et financiers.

Pour éviter que l’engouement actuel ne se transforme en bulle, des garde-fous sont nécessaires. Un soutien politique soutenu, une réglementation stable et des incitations fiscales sont indispensables pour sécuriser le développement de cette filière. Par ailleurs, l’innovation devra jouer un rôle central dans la réduction des coûts et l’optimisation des infrastructures. Si ces conditions sont réunies, l’hydrogène vert pourrait devenir un pilier de notre avenir énergétique.


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