« Le patriotisme, c’est l’amour des siens. Le nationalisme, c’est la haine des autres. »
Cette citation de Romain Gary prend une résonance toute particulière au moment où Donald Trump, l’architecte de la politique America First, va réintégrer la Maison-Blanche. Alors que le monde s’est habitué à un échange sans frontières et à une interdépendance économique croissante, le retour d’un Trump plus expérimenté, aguerri et potentiellement plus méthodique pourrait entraîner une révision complète de l’ordre établi. Les barrières protectionnistes, que certains croyaient appartenir au passé et qui se dressent à nouveau depuis une décennie, son à nos portes, menaçant les échanges mondiaux dans une ère où la globalisation se mue en fragmentation.
À quoi pourrait alors ressembler le monde sous « Trump II » ? Ce que l’on peut en dessiner est une doctrine inédite, brutale, où l’économie, les alliances et les rivalités géopolitiques seront repensées sous l’angle d’un pragmatisme nationaliste sans compromis.
Une doctrine économique réinventée : le pragmatisme nationaliste
Contrairement aux Républicains « conventionnels », Donald Trump ne suit pas les orthodoxies habituelles de son parti. Lors de son premier mandat, il a marqué son mandat d’une baisse massive d’impôts, mais sans la rigueur traditionnelle concernant le déficit public. Il n’est pas non plus attaché à la règle d’or d’une dette publique contenue, et sa volonté d’ériger de nouvelles barrières commerciales pour protéger l’économie américaine semble un des piliers sur lequel il veut redéfinir l’ère post-globalisation. La question se pose : un second mandat pourrait-il ressembler au premier, avec ses décisions souvent impulsives et erratiques, ou bien Trump a-t-il acquis la courbe d’expérience nécessaire pour ajuster son casting et asseoir une vision plus disciplinée ?
La clé de ce second mandat réside en partie dans la capacité de Trump à manipuler l’appareil d’État comme peu de présidents avant lui. Avant même son installation dans le bureau ovale en janvier, il devrait opérer une vague sans précédent de nominations, un renouvellement profond de l’administration américaine selon le spoils system, incluant non seulement les directeurs, mais également les cadres intermédiaires, jusqu’au niveau N-20, renforçant ainsi son influence dans une volonté de maîtriser le complexe administratif. Avec un Sénat et un congrès dans lesquels il a la majorité, il se retrouverait avec une capacité de manœuvre sans précédent. De surcroit, Elon Musk pourrait même jouer un rôle dans cette administration. Connu pour ses idées libertariennes, Musk a fait montre d’une certaine affinité avec les idéaux de déréglementation et d’un gouvernement allégé, alignés avec la vision de Trump. Si Musk, entrepreneur et magnat influent, devait occuper un rôle stratégique, cela pourrait ouvrir la voie à des décisions qui favorisent l’entreprise au détriment de la régulation, redéfinissant les lignes directrices de la relation entre la puissance publique et le secteur privé.
La posture de Trump face aux conflits mondiaux : une paix instable ?
La question des conflits internationaux reste l’un des dossiers les plus sensibles pour tout président américain, et Trump ne fait pas exception. Parmi ses promesses emblématiques, on retrouve son engagement à « en finir rapidement » avec la guerre en Ukraine, en passant un accord avec Vladimir Poutine. Le monde entier scrute avec scepticisme ce « deal » annoncé, qui pourrait effectivement raccourcir le conflit mais aussi enflammer des foyers de tensions encore plus larges. Si un compromis avec Poutine venait à voir le jour, il reste à savoir quel prix en paieront les États d’Europe de l’Est et comment cette décision affecterait la stabilité de l’OTAN, déjà mise à rude épreuve.
Du côté du Moyen-Orient, l’attitude de Trump II pourrait s’avérer tout aussi imprévisible. La promesse de sécuriser les intérêts américains sans trop d’ingérence semble paradoxale dans une région où l’instabilité reste un défi de premier ordre. Cependant, les relations tumultueuses avec la Chine continueront probablement de façonner la stratégie internationale de Trump, qui pourrait renforcer la ligne dure adoptée face à Pékin. Alors que la Chine poursuit sa montée en puissance économique, Trump II pourrait voir dans la polarisation croissante entre l’Est et l’Ouest une opportunité de fédérer ses alliés autour d’une nouvelle forme de nationalisme économique. Ce « monde apaisé » qu’il promet pourrait finalement se révéler plus fragmenté que jamais, chaque acteur mondial cherchant à sécuriser ses positions dans un jeu où les alliances changent rapidement.
L’économie selon Trump : protectionnisme et un effet « ciseaux » pour ses alliés
L’un des axes majeurs de la politique de Trump réside dans son approche des échanges commerciaux. Sa promesse de nouvelles barrières douanières, érigées pour « protéger les Américains », n’est pas sans conséquences pour les nations alliées. En Europe, à Taïwan ou au Japon, l’obligation de « payer » pour leur sécurité en vertu de la doctrine trumpiste pourrait exercer une pression financière insoutenable sur des budgets publics déjà fragiles. Cet effet « ciseaux » pourrait entraîner un ralentissement de la croissance économique, fragilisant davantage l’économie mondiale en y introduisant une volatilité accrue. Dans le cas de la France, une contribution supplémentaire au budget de l’Otan pourrait tout simplement plonger le pays dans une récession mécanique, à l’heure où la construction du budget s’assimile de plus en plus à une mission impossible pour le gouvernement Barnier.
Des exemples concrets illustrent déjà les contours de cette doctrine : Trump a annoncé vouloir revoir l’accord commercial avec le Japon pour que celui-ci prenne davantage en charge les coûts de la présence militaire américaine sur son sol. Par ailleurs, des menaces de sanctions douanières planent au-dessus des partenaires commerciaux majeurs de l’Amérique, si ces derniers ne se conforment pas aux nouvelles exigences de Washington. En forçant ainsi ses alliés à revoir leurs engagements, Trump entend réorienter les flux économiques mondiaux dans une direction qui privilégie l’Amérique, mais au risque de déclencher une guerre commerciale de grande envergure.
L’économie selon Trump s’articulera donc autour d’une promesse de protection accrue du marché américain, mais avec une pression indirecte qui risque d’affaiblir ses alliés traditionnels. La question demeure : cette pression constante exercée sur les échanges mondiaux aboutira-t-elle à un monde véritablement plus stable, ou bien à un paysage économique plus isolé, moins interconnecté et plus volatile ?
Un monde plus apaisé, mais à quel prix ?
Si la perspective d’un second mandat de Donald Trump suscite tant de questions, c’est que ce leader imprévisible pourrait redessiner l’ordre mondial d’une manière sans précédent. Ses décisions, souvent unilatérales et parfois imprévisibles, sont craintes par de nombreux dirigeants qui anticipent un repli stratégique. Paradoxalement, cette crainte pourrait produire un monde plus apaisé, non pas parce que Trump aura atteint un quelconque idéal de stabilité, mais parce que ses interlocuteurs redouteront de faire face à des répercussions soudaines et inattendues.
En définitive, le « monde de Trump II » s’annonce comme une phase d’instabilité larvée, où chaque pays sera tenté d’ériger ses propres barrières pour se prémunir des caprices de l’Amérique. La globalisation, longtemps perçue comme inévitable, pourrait entrer dans une phase de recul stratégique, avec un retour au protectionnisme à peine dissimulé sous des promesses de patriotisme économique. Reste à savoir si ce changement, impulsé par le retour de Trump, permettra de redessiner les contours d’un monde plus juste et équilibré, ou si, au contraire, il plongera l’économie mondiale dans une nouvelle ère de méfiance et d’autonomie contrainte.
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