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Le monde du travail se retourne : les seniors deviennent stratégiques

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Le monde du travail se retourne : les seniors deviennent stratégiques

On les appelle « seniors », comme si l’expérience était un marqueur d’obsolescence. Et pourtant : ils sont aujourd’hui près de 18 millions en France à avoir franchi le cap des 50 ans. Une population en constante augmentation, dont la moitié composera la population active européenne d’ici 2030. Le sujet n’est pas marginal. Il est structurel.

Une contribution de Blandine Mercier, fondatrice d’Hello Masters

 

Les seniors restent les grands incompris du marché du travail. Trop chers, trop capés, trop rigides, pas assez digitaux… Les clichés ont la peau dure. Résultat : après 55 ans, le retour à l’emploi prend en moyenne plus de 600 jours. Un chiffre qui dit tout du mur qu’ils rencontrent.

Ce n’est pas une problématique économique. C’est une discrimination systémique, un âgisme ordinaire que nos organisations n’osent pas nommer.

Se priver de talents expérimentés, c’est passer à côté de savoir-faire rares, d’une capacité de leadership apaisé, d’une vision stratégique et d’une aptitude naturelle à la transmission. Ce n’est pas un sujet RH. C’est un enjeu de performance.

Et non, ce n’est pas une guerre des âges. Reconnaître la valeur des profils expérimentés ne revient pas à ignorer les galères des jeunes générations, confrontées à la précarité et au déclassement. L’enjeu n’est pas de hiérarchiser les difficultés. C’est de construire des écosystèmes professionnels dans lesquels l’expérience nourrit l’audace et l’innovation s’enracine dans la transmission.

À condition de sortir de certains stéréotypes.  Le « trop cher » d’abord : mais comparé à quoi ? À un junior non opérationnel pendant six mois ? Parlons valeur, pas coût. Le « pas digital » ensuite : ce sont les mêmes profils qui ont vécu l’arrivée du PC, du web, du mobile, du cloud, des réseaux sociaux… et aujourd’hui de l’IA générative. Ce ne sont pas les plus jeunes, mais les plus curieux qui innovent.

Pour répondre à ces enjeux, nous devons changer le design du travail. Après 50 ans, on ne veut pas forcément refaire la même chose dans les mêmes conditions. On veut du sens, des missions ciblées, des formats agiles (temps partagé, conseil, mentoring), et une vraie place dans la dynamique intergénérationnelle.

Ce mouvement est déjà en marche. Selon une étude Malt & BCG, les experts expérimentés cumulent en moyenne 2,7 missions en parallèle. Le travail devient un portefeuille d’activités. Les seniors deviennent consultants, formateurs, entrepreneurs, administrateurs. Ils incarnent une nouvelle forme d’agilité.

La transition démographique, elle, ne fait que commencer. Derrière les discours sur la silver economy, une réalité s’impose : il n’y aura pas assez de Lucas et Emma pour remplacer les Michel et Sylvie qui partent. Alors, qui aura encore de l’expérience à bord pour piloter la complexité croissante des enjeux ?

Il y aura des gagnants : ceux qui auront su valoriser ces profils, anticiper leur succession, leur offrir une vraie trajectoire. Et des perdants : ceux qui continueront à les écarter, et se retrouveront sans boussole face aux défis à venir.

 

La vraie question n’est pas : « Pourquoi recruter un senior ? », mais bien : « Peut-on sérieusement s’en passer ? ».

 


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