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Apple : Pourquoi Les Analystes Ont-Ils Du Mal À Cerner Cette Entreprise ?

Apple
Christopher Dilts/Bloomberg via Getty Images

« Même s’il existe de nombreuses preuves que les prophètes n’existent pas, il y aura toujours des pigeons qui paierons pour que les prophètes existent » – J. Scott Armstrong, « The Seer-Sucker Theory » (La théorie du prophète et du pigeon).

Les analystes de Wall Street, les pronostiqueurs bien rémunérés qui font souvent les gros titres avec leurs prévisions, jouissent d’une influence considérable sur l’avenir des entreprises et de leurs actionnaires. Alors, pourquoi, en tant qu’investisseurs particuliers, devons-nous écouter attentivement ce qu’ils ont à dire ?

Regardez Apple : les analystes tels que Toni Sacconaghi de Bernstein et Katy Huberty de Margan Stanley ont une influence surdimensionnée lorsqu’il s’agit d’orienter le cours des actions avec leurs rapports. Avant même que l’entreprise ne fasse part de ses résultats le 1er mai dernier, l’action d’Apple avait chuté de plus de 3,5 % le 20 avril, après que Katy Huberty ait déclaré que les ventes d’iPhones seraient décevantes.

Comme expliqué dans Barronla note de Katy Huberty « vient perturber davantage une série de nouvelles de plus en plus mauvaises : l’iPhone X ne se vend pas aussi bien que prévu, l’entreprise rencontre des difficultés pour augmenter son approvisionnement en écrans OLED et la demande pour ses produits s’est affaiblie en Chine ».

Toni Sacconaghi a revu à la baisse ses estimations d’exportation de téléphones de 52 à 51 millions d’unités. Alors que Wamsi Mohan, analyste pour Bank of America Merrill Lynch, a écrit une note adressée à des clients : « À notre avis, les investisseurs s’attendent déjà à un deuxième semestre plus faible, mais la différence pourrait en surprendre quelques uns ».

Alors que s’est-il passé lorsqu’Apple a fait part de ses résultats le 1er mai ?

Les exportations d’iPhones étaient de 52,2 millions, iPhone X en tête, les revenus en Chine ont augmenté de 21 % et Apple a annoncé une augmentation des dividendes de 16 %, ainsi qu’un programme de rachat de parts de 100 milliards de dollars. L’action est passé de 166,90 $ le jour de la publication du rapport de Katy Huberty, au nouveau record de 190,37 $ la semaine dernière.

Les analystes gagnent des millions de dollars par an. Les sociétés pour lesquelles ils travaillent disposent des algorithmes et des modèles prédictifs les plus performants, pour finalement obtenir des prédictions inexactes. Mais cela n’empêche pas les marché de boire leurs paroles. Les analystes sont adeptes de la pensée de groupe, ainsi, lorsqu’un analyste change ses notes ou une cible de prix, les autres suivent rapidement. Cela peut parfois arriver lorsqu’une entreprise surprend tout le monde avec un chiffre d’affaires record ou autres. À ce moment-là, le marché évalue quasi instantanément l’influence de la nouvelle sur le cours de l’action.

Spence Jakab, anciennement analyste pour Crédit Suisse et actuellement rédacteur pour le Wall Street Journal, a écrit sur la profession : « les analystes sont, tout du moins en groupe, comme le fermier qui ferme la porte une fois que le cheval est dans le pré ».

Lorsque l’action chute après la publication de rapports d’analystes, les marchés peuvent surréagir face à des données trompeuses ou tout simplement fausses. Ces chutes peuvent mal passer auprès d’investisseurs à long terme, et elles peuvent avoir lieu tous les trimestres. Les analystes publient leurs estimations de revenus et l’action de l’entreprise peut être affectée. Les perspectives à long terme sont limitées, et l’on reproche rarement aux analystes le manque de justesse de leurs estimations.

Il serait peut-être intéressant de miser sur l’inverse des rapports d’analystes. Le trimestre dernier, un célèbre investisseur qui est manifestement en désaccord avec les analystes, Warren Buffet, a augmenté les parts de Berkshire Hathaway dans Apple avec 75 millions d’actions supplémentaires : « Passer du temps à déterminer combien d’iPhone X seront vendus au cours du trimestre n’a pas de sens, explique Warren Buffet au micro de CNBC. Personne n’achète une ferme en se demandant s’il va pleuvoir l’année prochaine. On achète parce qu’on pense que c’est un bon investissement sur les dix ou vingt années à venir ».

Les analystes utilisent fréquemment ce que l’on appelle les « channel checks » afin d’évaluer l’offre et la demande. Ils visitent les Apple Stores et s’entretiennent avec des employés ou sondent les consommateurs. Ils peuvent également interviewer les fournisseurs de la marque, et en fonction des commandes de processeurs, ils extrapolent ces nombres sur toute la chaîne logistique.

Cette méthode de prévisions échoue systématiquement pour Apple. Le PDG de l’entreprise, Tim Cook, s’en est d’ailleurs plaint lors de la présentation des résultats de l’entreprise en janvier 2013, expliquant qu’Apple dispose d’une chaîne logistique très complexe, faisant interagir de nombreux fabricants et fournisseurs : « Je veux surtout insister sur le fait que même si une donnée en particulier était factuelle, il serait impossible de déterminer de manière précise ce que représente cette donnée pour l’entreprise en général, car la chaîne logistique est extrêmement complexe, et nous avons manifestement plusieurs sources. Les rendements peuvent varier, les performances des fournisseurs peuvent varier, l’inventaire de départ peut varier. Il existe donc une liste interminable de raisons expliquant pourquoi une seule donnée n’est pas un bon indicateur sur l’état de l’entreprise ».

Alors à qui profitent les rapports d’analystes (petit indice : pas aux investisseurs particuliers) ? Et pourquoi gagnent-ils autant d’argent ?

Il y a maintenant quelques années, une étude intitulée Inside the « black box » of sell-side Financial analysts (dans la boîte noire des analystes financiers sell-side), a été publiée par Lawrence Brown (Temple University), Andrew Call (Arizona State University), Michael Clement (University of Texas) et Nathan Sharp (Texas A&M). Elle a été menée auprès de 365 analystes. Selon l’étude : « La communication privée avec une équipe de management est plus utile aux prévisions de revenu des analystes et aux recommandations d’actions que leurs recherches ou les récentes performances concernant les revenus. De plus, publier des prévisions de revenu et des recommandations pour les actions inférieures au consensus consolide souvent la crédibilité des analystes auprès de leurs clients investisseurs ».

Dans la plupart des cas, ces clients ne sont pas des particuliers, mais des investisseurs institutionnels, comme des fonds spéculatifs, des fonds de pension ou des fonds communs. Un analyste a déclaré aux chercheurs que « l’un des plus gros aspect compensé par le buy-side pour les sociétés sell-side, c’est le moyen d’approcher l’entreprise : les expositions itinérantes, les conférence, la disponibilité des équipes de management ».

Les analystes ont alors une occasion de parler en privé avec des managers, mais cela leur permet-il d’avoir une vue d’ensemble des performances de l’entreprise ? S’il discutent avec le management durant seulement 30 minutes, peuvent-ils réellement recueillir des informations pertinentes ?

Et qu’en est-il du parti pris des analystes ? En tant que contributeur au U.S. News & World Report, Wayne Dugan explique : « Ce n’est pas compliqué de comprendre que les meilleur moyen pour un analyste de dégrader une relation avec une entreprise, c’est de donner l’ordre de vendre ses actions »

Et un analyste interrogé pour l’étude a avoué : « Lorsqu’une entreprise vous fait la tête, non seulement vous perdez une source d’informations, mais vous perdez également des revenus. L’entreprise ne viendra pas à votre conférence, alors cette dernière sera moins crédible, et les clients paient des sommes d’argent considérables pour accéder à des conférences fiables ».

De plus, les clients paient parfois pour obtenir des informations privilégiées qui ne seront pas communiquées aux investisseurs particuliers. En 2013, Citigroup a dû s’acquitter d’une amende de 30 millions de dollars après que l’un de ses analystes ait fait parvenir des informations confidentielles sur l’approvisionnement d’Apple à des clients institutionnels comme SAC Capital Advisors (un fonds spéculatif dirigé par Steve Cohen) ou T. Rowe Price.

Si vous êtes un investisseur particulier, il serait tout de même intéressant de se pencher sur les prévisions des analystes afin de mieux appréhender l’action. Cependant, il ne faut pas les prendre au pied de la lettre et toujours effectuer ses propres recherches avant de prendre une décision.

Malgré toute l’attention qu’elles recueillent, les prévisions des analystes ne sont pas une science exacte. Les analystes sont peut-être rémunérés pour leur prévisions, mais cela ne veut pas dire que vous devez être le pigeon.

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