Blockchain, cryptoactifs, web3, les buzzwords abondent pour décrire non plus un phénomène, mais la transformation imminente, au travers de technologies et de services, de secteurs entiers.
Hier encore le sujet semblait anecdotique, davantage réservé aux couvertures de Wired ou Bloomberg, plutôt qu’aux comités de direction. Il faut croire que les temps changent, et notamment en France. C’est ce que nous apprend une étude publiée ce mois-ci par PWC, portant sur 140 entreprises en France et dans le monde. Pauline Adam-Kalfon, associée responsable de l’activité Blockchain et Crypto, souligne qu’il n’est désormais plus question de quelques projets avec des moyens modérés, mais bien d’un raz de marée blockchain et crypto qui recouvre entreprises traditionnelles et pure players, PME et grands groupes, entreprises françaises et internationales. En France, 56% des entreprises déjà engagées dans des projets prévoient d’augmenter leur budget. Et pour cause, pour 61% d’entre elles, ces projets sont déjà rentables. Celles qui n’initient pas de projet en interne privilégient les partenariats et envisagent le cas échéant de procéder à des acquisitions. Bref, les lignes bougent fortement avec une blockchain que certains considéraient jusqu’alors comme au mieux marginale, au pire gadget. Tout porte aujourd’hui à penser qu’elle façonnera en profondeur les transformations à venir des organisations, et ce bien plus vite qu’on ne le croit, à la faveur de 3 facteurs structurants.
Un fort volontarisme des acteurs publics et privés
Au-delà des chiffres, des acteurs majeurs se sont engagés dans des projets structurants impliquant la blockchain. Citons la Banque de France, la Caisse des dépôts, et avec elles un certains nombre de banques telles que la Société Générale, la Crédit Agricole ou encore la BPCE. En 2021 seulement, des projets innovants furent menés, permettant d’esquisser différents cas d’usage de monnaies numériques de banque centrale. Au-delà du secteur bancaire et plus largement financier, des initiatives structurantes dans le luxe (Kering, LVMH), le gaming (Ubisoft, Sandbox) et le retail (Casino) laissent entrevoir de nouvelles offres. La blockchain, un temps cantonnée à des enjeux de sécurisation (pour certifier l’authenticité d’un produit) ou de certification (en suivant toute la chaîne logistique), sert désormais à offrir des produits et des expériences nouvelles, à repenser les métiers et les business modèles.
Cela les entreprises et leurs dirigeants l’ont bien compris. L’étude PWC souligne qu’une part prépondérante du sponsorship des projets blockchain en France comme dans le monde vient du COMEX. Cette volonté des dirigeants d’intégrer la blockchain dans les activités de leur entreprise se traduit par un investissement de moyens et de temps croissant.
Plusieurs dizaines de milliards investis
Depuis quelques années, les fonds se mobilisent fortement pour soutenir l’innovation dans le domaine de la blockchain, aux Etats-Unis et en Asie mais aussi dorénavant en Europe. Interrogé dans l’étude PWC, Ivan de Lastours, en charge des sujets blockchain à la BPI, fait remarquer qu’il existe plus de 1500 fonds spécialisés à date avec déjà des leaders du secteur qui gèrent sous cette thématique plusieurs milliards ( A16Z, Pantera, Alameda Research, etc.). Plus proches de nous France, plus de 15 fonds d’investissements se sont déjà positionnés sur des start-up web3, et des VC spécialisés apparaissent tels que Shift Capital, Fabric Ventures, Leadblock Partners (entre Paris et Londres). L’émergence d’investisseurs spécialisés concoure à la structuration d’un éco-système de start-up de plus en plus nombreuses, qui aspirent à s’inscrire dans les pas des Ledger et autres Sorare.
Un contexte réglementaire, comptable et fiscal en cours de clarification
Dans l’étude PWC, Pauline Adam-Kalfon souligne avoir été marquée durant ces douze dernier mois par « la forte accélération des projets blockchains et l’intégration des crypto- actifs par les entreprises françaises et internationales mais également la prise en compte de manière systématique des problématiques juridiques, comptables et fiscales liées aux projets blockchain. Cela illustre sans nul doute le gain de maturité des projets et annonce des perspectives d’industrialisation à venir, en ligne avec l’élan de clarification de l’environnement réglementaire mondial. »
En matière de réglementation, 2022 sera une année charnière, avec l’adoption de deux règlements européennes sensés permettre la construction d’une Europe numérique compétitive et innovante : le Régime Pilote DLT, qui réglementera la cotation et la négociations d’instruments financiers basés sur la blockchain, et MiCA (Market in Crypto-Assets) qui définira de nouvelles règles sur les crypto-actifs pour les prestataires de services. Ces réglementations sont attendues de pied ferme par les acteurs du secteur, d’autant que l’Union Européenne tâtonne, et trahit – par ses tergiversations (on songe notamment au récent débat concernant le Proof of work) – une compréhension parfois limitée des enjeux liés au web3. Le secteur se développera d’autant mieux que la règlementation sera claire et ouverte, permettant – comme c’est le cas en Angleterre ou aux Pays-Bas par exemple – aux acteurs de se développer. L’enjeu n’est pas seulement économique et financier. C’est aussi un enjeu de souveraineté.
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