Volkswagen est sur le point de faire un grand pas en avant avec ce que Martin Hofmann, le directeur des systèmes d’information du groupe du géant allemand de l’automobile, appelle « l’un des plus grands projets de cloud industriel de l’hémisphère occidental ».
Cette année, l’entreprise a testé son initiative de smart manufacturing, qui a été lancée en mars, dans trois de ses usines. En 2020, elle sera déployée dans 15 autres de ses 122 usines implantées dans le monde, dans le cadre d’une stratégie quinquennale visant à créer une base de production beaucoup plus agile, en combinant le cloud computing, des équipements chargés de capteurs, des données volumineuses et le Machine Learning. Martin Hofmann fait partie de l’équipe dirigeante du projet, qui comprend également Gerd Walker, responsable de la production du groupe Volkswagen.
Le cloud industriel est un élément clé du plan de Volkswagen visant à accroître la productivité de 30% d’ici 2025, et il est introduit à un moment où l’industrie automobile allemande connaît des changements considérables. En novembre, Daimler, propriétaire de Mercedes-Benz, a annoncé qu’il supprimerait 10 000 emplois, soit 3% de ses effectifs, d’ici 2022, et utiliserait les économies réalisées pour investir dans des modèles électriques. Cette annonce faisait suite à celle de l’unité des voitures de luxe Audi de Volkswagen, qui supprimera 9 500 emplois d’ici 2025, soit 1 employé sur 10, car elle s’oriente également vers les véhicules électriques.
Pour l’aider à s’adapter plus rapidement, Volkswagen, qui expédie près de 11 millions de véhicules par an, compte sur le cloud computing pour résoudre un gros problème. Selon Martin Hofmann, une « architecture spaghetti » de centaines de systèmes informatiques différents dans chacune de ses usines entrave certains efforts d’optimisation de l’efficacité. Si un meilleur processus de contrôle de la qualité dans un atelier de peinture est mis au point à un endroit, remarque-t-il, il ne pourra pas être facilement appliqué par d’autres en raison de la diversité des protocoles et des langages logiciels. Les « architectures spaghetti » technologiques rendent également plus difficile la maîtrise des coûts et l’accélération de la production de nouveaux modèles.
Le projet de cloud industriel de Volkswagen, développé en partenariat avec Amazon Web Services (AWS), résoudra ces problèmes en créant une plateforme de production numérique avec des interfaces communes pour tous les types d’équipements. Au fil du temps, toutes les usines de Volkswagen seront intégrées à la plateforme et les équipes de production pourront accéder à un app store pour partager des applications pouvant être mises en œuvre dans toutes ses usines.
L’AWS d’Amazon fournit une gamme de services liés au cloud pour le projet, dont le coût n’a pas été révélé, tandis que la société d’ingénierie industrielle Siemens travaille sur des systèmes permettant de contrôler les machines des usines de Volkswagen. À terme, Volkswagen espère pouvoir intégrer ses fournisseurs dans son cloud industriel, ce qui impliquera l’intégration d’environ 1 500 entreprises et de 30 000 sites supplémentaires.
L’objectif est de partager des données ainsi que des logiciels. Volkswagen est en train de créer un lac de données qui absorbera les informations provenant de systèmes et de capteurs dans toutes ses usines. Les données serviront à développer et à former des modèles de Machine Learning, pour des tâches telles que la maintenance prédictive pouvant être déployée au sein d’usines, ou pour optimiser les opérations entre elles. Une fois ses fournisseurs intégrés au cloud industriel, Volkswagen sera en mesure d’exploiter davantage leurs données pour améliorer l’efficacité de sa chaîne d’approvisionnement et de ses opérations logistiques.
C’est une vision convaincante, mais un sondage récent mené par le cabinet de conseil Capgemini, auprès de plus de 1 000 cadres supérieurs dans 13 pays, a révélé que seulement 14% des entreprises considéraient que leurs projets de smart factory avaient réussi ; près de 60% ont déclaré que leurs initiatives étaient en difficulté ou qu’il était trop tôt pour se prononcer sur leurs progrès.
Le plus gros défi, explique Jean-Pierre Petit, directeur de la fabrication numérique de Capgemini, dans un commentaire envoyé par mail à Forbes, est de « franchir le gouffre » d’un projet pilote initial dans une seule usine à des déploiements à grande échelle, c’est là que les véritables avantages de la numérisation se manifestent. En particulier, les projets de smart factory exigent des équipes informatiques qu’elles travaillent en étroite collaboration avec les groupes de « technologies opérationnelles » (OT) qui gèrent des machines et d’autres technologies dans les usines. Souvent, les équipes d’OT sont habituées à travailler de manière assez autonome et peuvent résister aux efforts de l’équipe du département informatique pour susciter le changement.
En travaillant en étroite collaboration sur le projet de cloud industriel de Volkswagen, Martin Hofmann et Walker envoient un signal fort à leurs équipes respectives quant à la nécessité d’une collaboration étroite. La décision de lancer des projets pilotes dans plusieurs usines cette année plutôt que dans une seule était également délibérée. « On peut mettre une tonne de diapositives [sur le cloud industriel], mais personne ne s’y intéresse », déclare Dirk Didascalou, l’un des cadres supérieurs d’AWS impliqués dans le projet. « Il faut qu’ils voient que ça marche d’abord ».
Les trois usines ont été choisies en partie pour souligner le fait que le cloud industriel de Volkswagen couvrira l’ensemble de ses activités. Les deux en Allemagne, à Wolfsburg et à Chemnitz, fabriquent respectivement des voitures et des composants. Une troisième, à Polkowice en Pologne, fabrique des véhicules utilitaires. L’année prochaine, l’objectif est de doter le cloud industriel d’au moins une usine pour chacune des 12 marques de Volkswagen, parmi lesquelles Porsche, SEAT, Scania et Audi. « Nous voulons leur offrir à toutes une vitrine », explique Walker.
Les travailleurs habitués aux systèmes anciens et peu flexibles prendront du temps à s’adapter à un monde dans lequel les services technologiques peuvent être exploités à la demande via le cloud. Mais Volkswagen considère ce changement comme essentiel si elle veut être concurrentielle sur un marché en pleine mutation. L’entreprise développe également un « cloud automobile » pour l’aider à fournir des logiciels et des services directement à ses véhicules, et la fonction informatique de Volkswagen a défendu des projets de cloud computing dans d’autres domaines, comme la gestion des ventes.
Si cela peut contribuer à la réussite du cloud industriel, l’équipe de Martin Hofmann renforcera encore sa réputation. Parallèlement aux mesures visant à renforcer les capacités internes de développement de logiciels de Volkswagen, le passage au cloud transforme d’ores et déjà la façon dont l’équipe du personnel informatique du groupe, composée de 15 000 personnes, est perçue au sein de l’entreprise. « Aujourd’hui, l’informatique n’est plus seulement une fonction de support », déclare Martin Hofmann. « L’informatique devient une force motrice ».
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