Avec 124 000 visiteurs la semaine dernière, Vivatech s’approche du score de 182 000 visiteurs du CES il y a 5 mois. Alors, comment prévoit-on de changer le monde, de ce côté-ci de l’Atlantique ?
Dès l’arrivée par le Hall 1, le visiteur est prévenu : la voiture volante la plus aboutie est slovaque, mais ni électrique, ni autonome, donc très différente des 19 projets recensés dans un récent rapport du MIT. Nul doute que les clients de l’AEROMOBIL, titulaires d’un permis de conduire et d’une licence de pilote, et prêts à débourser 1 million et demi d’euros, ne seront pas légion.
Le Français HOVERTAXI est lui électrique, mais nécessite toujours un pilote. Au coût énergétique du kilogramme transporté, on peut douter de l’avenir de ces taxis volants non autonomes (sauf peut-être en reconversion pour les jockeys ;-)).
Airbus et RATP ont en revanche annoncé pendant VivaTech un partenariat sur des navettes autonomes. Le fabricant qui a livré l’année dernière 356 hélicoptères pour 5,9 milliards d’euros et l’opérateur qui gère des pics de trafic à 20 000 passagers par heure sur la ligne 13 ont dû mesurer le chemin qui les sépare de la navette volante CDG – La Défense à 100€ le trajet, mais aussi le potentiel disruptif de la technologie pour leurs métiers. Leur réponse écosystémique montre qu’a priori, même s’ils risquent d’avoir besoin d’un peu plus d’ADN différent, ils ne ferment aucune porte, .
Au contraire de la voiture autonome présentée sur le stand Citroën qui conserve un volant, suivant en cela la doctrine du groupe PSA : l’autonomie des véhicules individuels ne saurait dépasser le niveau 3, car les niveaux 4 et 5 coûtent beaucoup trop cher pour le client habituel. Sauf que le client habituel laisse sa voiture au parking 96% du temps, alors qu’une voiture autonome peut faire le taxi en l’absence de son chauffeur. Nouveau modèle d’affaire, promu par Tesla: votre voiture vous rapporte quand vous ne vous en servez pas, sur le modèle d’AirBnB.
Cette agilité est le fondement de la quatrième transformation digitale : l’entreprise devrait repenser sa proposition de valeur grâce à l’innovation, plutôt que limiter l’innovation à son modèle d’affaire existant.
Dans le cas du Luxe, l’expérience Client est un élément clé de la proposition de valeur, largement démontré par l’affluence sur les stands LVMH ou RICHEMONT de Vivatech. Cependant, Louis Vuitton ne s’est pas arrêté là et présentait son sac à main à écrans. De l’expérience Client à l’expérience Utilisateur, il y a un grand saut que le groupe a déjà franchi en rachetant les hôtels Belmond fin 2018, accompagnant ainsi le déplacement de l’intérêt du public de la Propriété vers l’Usage. Mais remplacer une part importante de la surface réservée au fameux Monogram, signe identitaire s’il en est, par un écran personnalisé, change la proposition de valeur. Ce sac en effet affiche le reflet animé de sa détentrice, et, rendant la marque presque subliminale, lui fait courir le risque d’être dévalorisée dès l’arrivée des concurrents, qu’on ne pourra pas accuser de copie. Ce sera alors un nouveau métier, encore à inventer, que de sublimer les images personnelles affichées sur ces écrans avec « la patte » Louis Vuitton, qui pourra ensuite être proposée sur tous les écrans qui nous entourent. Dématérialiser le Luxe pour le fondre dans l’image de l’Utilisateur, ainsi faut-il peut-être lire la transformation digitale du secteur, particulièrement sous les projecteurs à Vivatech quand ses quatre leaders (les KHOL : Kering, Hermes, L’Oreal, LVMH) pèsent un quart du CAC40.
D’autres secteurs voient arriver beaucoup plus rapidement la transformation digitale de leur proposition de valeur : radicale pour BAYER quand le robot VITIROVER annonce explicitement sur son stand remplacer le glyphosate, plus subtile quand DIVERSEY présente sur le stand SODEXO sa laveuse de sol autonome. Cette dernière n’a pas besoin d’opérateur humain, mais coûte deux à trois fois plus cher que sa version « manuelle ». Peu d’économies donc pour les SODEXO et autres ISS de la place, mais un vrai transfert de valeur vers leur fournisseur de matériel, les obligeant à redéfinir rapidement la proposition de valeur délivrée par leurs employés. Car le coup est parti, les 700 machines autonomes vendues par DIVERSEY en deux ans ne doivent pas être sous-estimées, comme a pu l’être par le géant Nokia les 1.39 million d’iPhones vendus en 2007 par Apple…
Du temps, les salons de massage peuvent espérer en avoir quand Capsix Robotix propose un robot masseur pour les entreprises, en pariant sur un élargissement significatif du marché dont ils pourraient devenir le segment haut de gamme. Mais que penser de SES IMAGOTAG, qui porte l’expérience online au cœur des magasins avec ses étiquettes écrans ? Les différences entre commerce physique et e-commerce sont de plus en plus ténues, absence de caissier, robot porteur d’un côté, commande vocale, livraison en ½ heure de l’autre, c’est la personnalisation extrême des produits qui risque in fine de rendre impossible la mission de distribution en magasin. Reste que la présence physique est une source incomparable de données personnelles, et probablement l‘avenir du commerce. A condition que les commerçants sachent ré-enchanter les visites de leurs clients.
Si les startups veulent changer le monde, elles sont à Vivatech hébergées par de grands groupes qui veulent bien au contraire le voir perdurer. Il fallait donc passer sous le radar au Parc des Expositions pour déceler les innovations susceptibles de provoquer les ruptures que l’on sent pourtant bien arriver. Une diplomatie très « Ancien Monde » assez éloignée des messages « cash » du « Nouveau Monde » au CES…
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