Il aura fallu plus de deux ans pour que la nouvelle réglementation européenne des cryptomonnaies – baptisée « MiCA » – soit adoptée, et certains eurodéputés comme Ernest Urtasun (Verts), co-rapporteur de la commission des affaires économiques et monétaires sur les transferts de crypto-actifs, évoquent « la fin du Far West non réglementé de la crypto ». Dans cette tribune pour Forbes France, Janet Ho, Head of Policy (Europe) chez Chainalysis, nous décrypte les nouvelles règles qui seront imposées au commerce des cryptomonnaies d’ici 2024.
Le mois dernier (20 avril), le Parlement européen a adopté le règlement MiCA (Markets in Crypto Assets Regulation), le premier encadrement des crypto-actifs qui introduit de nouvelles exigences fondamentales sur tous les aspects du domaine prudentiel, d’intégrité du marché et de protection des consommateurs. Avec le règlement MiCA, la régulation des crypto-actifs dans l’Union Européenne (UE) ne se concentrera plus uniquement sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Les nouveaux cadres apportés par cette réglementation
Bien que le processus législatif arrive à son terme environ deux ans et demi après la première proposition du règlement MiCA par la Commission, le chemin est encore long. Le règlement MiCA sera publié au Journal officiel de l’UE en juin et entrera en vigueur en juillet de cette année. À partir de là, certaines règles s’appliqueront dans les 12 à 18 prochains mois. Les exigences relatives aux stablecoins seront mises en œuvre en premier lieu en juillet 2024, tandis que le reste des mesures du règlement MiCA seront appliquées en janvier 2025.
Les propositions adoptées sont essentiellement les mêmes que celles qui figuraient dans le texte de l’accord provisoire politique en juin dernier, à l’exception de modifications linguistiques et juridiques. En résumé, les principales exigences portent sur l’obligation pour les entreprises qui émettent des crypto-actifs ou des stablecoins de produire un livre blanc contenant des informations sur leur mode de fonctionnement, leurs droits et obligations, leur capital, leurs risques, ou encore les messages publicitaires.
Par ailleurs, les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASPs) qui ont l’intention de servir des clients de l’UE devront obtenir une licence auprès des autorités nationales compétentes avant d’exercer leur activité. Ils devront également disposer d’un bureau physique au sein de l’UE mais aussi se conformer à plusieurs réglementations en matière de gouvernance et d’exigences de capitaux minimums.
Les prochaines étapes de la législation
Désormais, ce sont l’Autorité bancaire européenne (ABE/EBA) et l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF/ESMA) qui sont chargées de finaliser certaines normes techniques de réglementation (communément appelées « texte de niveau 2 ») ainsi que les orientations avant leur mise en œuvre.
En particulier, l’ABE devra fournir davantage de détails opérationnels sur le fonctionnement des stablecoins – les jetons se référant à un ou des actifs (ART) et les jetons de monnaie électronique (EMT) mentionnés dans le règlement MiCA. Une concertation immédiate sur ces modalités sera essentielle au bon fonctionnement de cette réglementation, d’autant plus que les clauses relatives aux stablecoins sont parmi les plus strictes et ont suscité de nombreuses discussions au cours des négociations.
Le 17 mai, l’ABE organisera une consultation publique afin de délibérer sur les critères de stablecoins considérés comme « d’importance significative » – c’est-à-dire les stablecoins ayant une large base de clients, une capitalisation boursière élevée ou un grand nombre de transactions. Dans le règlement MiCA, l’ABE disposera d’un nouveau mandat avec des fonctions de supervision (par exemple, les inspections sur place) pour les émetteurs de stablecoins d’importance significative.
Il sera essentiel que l’ABE poursuive ces discussions, notamment sur la manière dont le plafond des transactions en stablecoins fonctionnerait. La même chose s’appliquera à l’AEMF concernant le processus d’agrément de licences et les prestataires de services sur crypto-actifs d’importance significative. En effet, les critères qui définissent un prestataire de services sur crypto-actifs d’importance significative (ayant une moyenne quotidienne de plus de 15 millions d’utilisateurs actifs au cours d’une année), les exigences en matière de l’environnement et de développement durable, sont indispensables pour apporter de la clarté aux acteurs du marché qui ont l’intention d’opérer dans l’UE, et de se conformer aux règles.
Le début d’une nouvelle ère ?
Bien que l’application de la MiCA prenne encore du temps, certains gouvernements commencent déjà à réfléchir à la forme que pourrait prendre la MiCA 2.0. Il s’agit en particulier de traiter certaines questions en suspens au cours de la phase de négociation, telles que la DeFi (finance décentralisée), qui est actuellement exclue de la réglementation.
Par exemple, en France, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a récemment identifié un certain nombre de scénarios réglementaires possibles de la DeFi. Le document de réflexion indique notamment que « dès lors qu’un service décentralisé prétend créer ou utiliser un crypto-actif ayant pour référence une monnaie officielle”, ce crypto-actif doit obligatoirement être considéré comme un EMT au sens de la MiCA et faire l’objet d’une réglementation à l’avenir.
La régulation des crypto-actifs est loin d’être terminée et d’autres obstacles pourraient se présenter. Néanmoins, l’Europe reste un leader mondial en matière de réglementation des cryptomonnaies et a certainement apporté des éclaircissements aux entreprises sur la manière dont elles doivent procéder sur ce marché. Avec MiCA, les organisations n’auront plus à naviguer entre 27 régimes réglementaires différents.
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