La rumeur court partout sur Internet et à la une des journaux américains : les scientifiques de la NASA auraient trouvé des preuves qu’il existe un univers parallèle.
Mais la réelle découverte est toute autre. Les scientifiques ont en fait trouvé des traces de particules fondamentales sous forme de signaux qui peuvent remettre en question notre compréhension actuelle de la physique. Il pourrait s’agir, tout simplement, des effets de l’interaction entre les particules et la glace. Contrairement à ce que dit le Daily Star, il n’y a aucune preuve qui montre qu’un « univers parallèle évolue juste à côté du nôtre, où les lois de la physique sont inversées. »
Et pour cause, voici ce qu’Ibrahim Safa de l’Université du Wisconsin-Madison, qui a été l’auteur principal d’un document de recherche sur l’expérience en question en Antarctique, pense de toutes ces rumeurs : « La NASA a découvert que vous ne devriez pas croire tout ce que dit le New York Post. »
Les très nombreux articles actuellement en ligne semblent avoir pour origine une histoire publiée il y a six semaines par le New Scientist, avec le titre alarmant : « Nous avons peut-être repéré un univers parallèle où le temps est inversé. » Elle est basée sur un article qui incite à la réflexion à propos de certains résultats d’études menées en Antarctique sur les rayons cosmiques (particules chargées à haute énergie) à l’extérieur de l’atmosphère terrestre. Tout ceci est relié à trois études :
- Le document de recherche original de l’Antarctic Impulsive Transient Antenna (ANITA) qui a trouvé ces « rayons cosmiques singuliers. »
- Un document de recherche publié en réponse au premier, qui avance que les résultats trouvés par ANITA pourraient fournir la preuve d’un « univers symétrique CPT », où le temps s’écoulerait à l’envers depuis le Big Bang et où l’antimatière dominerait. C’est de là que proviennent les allégations d’un « univers parallèle » puisque l’on peut lire dans le document : « Dans ce scénario, l’univers avant le Big Bang et l’univers après le Big Bang sont réinterprétés comme un univers/anti-univers créé à partir de rien. »
- Un article de recherche publié dans The Astrophysical Journal de l’Observatoire de neutrinos, IceCube, suggère que nous devons envisager des explications alternatives pour expliquer les données relevées par ANITA.
Cependant, la seule conclusion réelle est que le modèle standard concernant les neutrinos (particule élémentaire de masse) n’explique pas la détection de ce type de phénomène rare. « Les données relevées par ANITA sont intéressantes, mais nous sommes loin de prétendre qu’elles révolutionnent la physique, sans parler de notre vision de l’univers», a déclaré M. Safa.
Qu’est-ce que le projet ANITA ?
Il s’agit d’une expérience menée en Antarctique à partir d’un ballon stratosphérique, dont les antennes radio sont pointées vers la Terre afin de détecter les ondes radio émises par des neutrinos de très haute énergie lorsqu’ils frappent un atome dans la glace. En d’autres mots, il s’agit d’un radiotélescope, ANITA est le premier observatoire de la NASA pour les neutrinos de toute sorte ; d’où le lien avec la NASA.
Qu’a trouvé l’ANITA ?
En 2016, l’ANITA a détecté certains signaux que l’on peut qualifier « d’anomalie », c’est-à-dire des preuves de l’existence d’une particule de haute énergie provenant de la surface de la Terre, mais sans en être la source. Cela « semblait impossible », selon l’article du New Scientist, qui a poursuivi de la sorte :
« L’explication de ce signal nécessite l’existence d’un univers à l’envers créé dans le même big bang que le nôtre et existant parallèlement à celui-ci. Dans ce monde miroir, le positif est négatif, la gauche est droite et le temps passe à l’envers. »
C’est l’univers symétrique CPT. Le communiqué de presse relatif au document de recherche mentionne également que « d’autres explications concernant les signaux doivent être envisagées. » Les scientifiques de l’observatoire des neutrinos IceCube ont alors tenté de rechercher la source de ces signaux de neutrinos intenses.
Qu’est-ce que IceCube ?
Situé près du pôle Sud, il est composé de 5 160 détecteurs optiques enfouis dans la glace qui sont là pour détecter les neutrinos passants et réagissant avec les atomes d’hydrogène ou d’oxygène de la glace.
« Ce processus fait d’IceCube un outil remarquable pour le suivi des observations d’ANITA, car pour chaque anomalie détecté par ANITA, IceCube aurait dû en détecter beaucoup, beaucoup plus. Mais dans le cas présent, ça n’a pas été le cas », a déclaré Anastasia Barbano de l’Université de Genève en Suisse. « Cela signifie que nous pouvons exclure l’idée que ces événements proviennent d’une source ponctuelle intense, car les chances qu’ANITA détecte des données qu’IceCube n’aurait pas repérées sont minces. »
Quelles sont les conclusions de l’article académique ?
Les résultats de la vérification des données d’ANITA à l’aide d’IceCube, publiés dans l’article, sont résumés ainsi : « Une explication astrophysique de ces traces est improbable selon les hypothèses d’un modèle standard, quel que soit le spectre de la source. »
Traduction correcte : nous ne savons pas encore d’où proviennent ces signaux.
Traduction incorrecte : ces neutrinos à haute énergie proviennent d’un univers parallèle.
Voici ce qu’Alex Pizzuto de l’université du Wisconsin-Madison, l’un des chefs de file de cet article, a déclaré à propos de l’histoire de l’« univers parallèle » : « j’ai vu circuler beaucoup de titres du genre « la NASA détecte les univers parallèles ». J’ai passé les deux dernières années d’études à enquêter sur ces détections, et je voulais apporter quelques précisions. »
Ce à quoi M. Safa a ajouté : « Nous avons examiné les données trouvées par ANITA et il ne peut pas s’agir de neutrinos standard. Mais notre compréhension de la glace de l’Antarctique est imparfaite, il est possible qu’un nouveau phénomène physique soit à l’origine de ces résultats. Les tabloïdes : UNIVERS PARALLÈLE !!! » Il a également déclaré que, « bien que ces traces aient été passionnantes pour les physiciens qui tentent d’expliquer le phénomène, nous devrons attendre la prochaine série de tests, qui augmentera l’exposition et la sensibilité pour bien comprendre cette anomalie. » C’est là qu’intervient le pulseur de radiofréquences HiCal 2, qui aidera les scientifiques à caractériser les propriétés de la surface de la glace antarctique pour mieux interpréter les résultats. Il pourrait donc s’agir de glace, et non d’un univers parallèle.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Jamie Carter
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