La souveraineté est un sujet qui fait débat depuis plusieurs années. Il est récemment revenu sur le devant de la scène lors de la Paris Cyber Week ou encore des Assises de la Sécurité. De même, la récente explosion du télétravail pose la question de la protection des données confidentielles. L’initiative Gaia-X est-elle le sursaut que l’Europe attendait pour enfin contrer les Etats-Unis et la Chine ?
Retrouver la souveraineté sur ses données
À l’heure actuelle, l’industrie du cloud est principalement détenue par les États-Unis et la Chine (Amazon, Microsoft, Google, Alibaba, Tencent, Baidu). Cette situation implique des problèmes de dépendance et de souveraineté pour les États européens : les données de leurs entreprises se retrouvent entre des mains étrangères peu sensibles au respect de la confidentialité. En effet, au nom du Cloud Act, les États-Unis sont en mesure de réclamer à leurs fournisseurs de services américains les données stockées sur leurs serveurs. Cette arme commerciale va de pair avec de graves problèmes en termes de sécurité des données. Et au-delà des enjeux sécuritaires, elle représente un risque économique et démocratique.
Un tournant est amorcé, et de nombreuses entités clament haut et fort qu’il est urgent de retrouver la souveraineté sur leurs données. Plus globalement, c’est une voix pour une Europe Numérique qui se crée. L’Europe ne peut plus se contenter du simple rôle de fournisseur de données. De plus, la législation européenne sur la protection des données personnelles (RGPD) repose sur des valeurs et des principes protecteurs qui ne sont pas alignés avec ceux des États-Unis ou de la Chine. Dans de nombreux pays, les données confidentielles sont exploitées comme de véritables marchandises. L’Europe a déjà pris la mesure et la pleine conscience de cet enjeu, mais son manque de confiance envers son berceau numérique a retardé ses chances de gagner la bataille.
Naissance d’une initiative commune
L’Union européenne, forte d’acteurs numériques soucieux de notre avenir, a franchi une étape cruciale en annonçant, le 4 juin dernier, un nouveau projet de cloud souverain. En dépit des échecs passés (dont le projet Andromède lancé en 2012) ; l’Europe entend rompre l’oligopole et reprendre son indépendance numérique. Le projet repose avant tout sur la création d’un cloud européen : Gaia-X.
Avec cette initiative, l’Europe ne veut pas reproduire les erreurs passées. En effet, il y a 10 ans, il était difficile d’identifier une solution technique capable d’héberger et de sécuriser des masses de données colossales. De plus, la multiplicité des idées couplée au manque d’investissements financiers ne permettait pas d’envisager un projet d’envergure. Heureusement, après ces débuts difficiles, le marché est devenu plus mature. L’Europe a désormais une meilleure visibilité sur les moyens techniques et financiers nécessaires pour déployer une solution souveraine durable et rentable. Avec Gaia-X, il ne s’agit plus de créer un énième acteur du cloud déconnecté des besoins du marché. Ce projet représente un point de départ pour fédérer différents acteurs dans le cadre de la construction d’une infrastructure européenne. Gaia-X devrait naître d’ici à 2021 pour offrir une alternative technique et juridique aux solutions américaines et chinoises.
Faire confiance aux acteurs émergents
Dans les prochains mois, les entités privées comme publiques devront avancer de concert pour poser un cadre clair à une solution souveraine. De son côté, l’État français doit faire confiance aux acteurs locaux qu’il a choisi pour porter ce projet d’envergure. Onze entreprises ont été sélectionnées côté français parmi lesquelles, Outscale (Groupe Dassault Systèmes) , OVH, Orange ou encore Scaleway. Jusque-là, l’Europe justifiait son absence de prise d’initiative concrète pour une infrastructure souveraine par un manque de maturité technologique et de moyens financiers. Mais les nombreuses tentatives de création d’un cloud souverain ont amené les décideurs à apprendre à faire confiance à l’expertise des acteurs européens. Ces derniers ont désormais l’expérience technologique et la situation financière nécessaires pour faire face aux géants technologiques. Espérons que l’Europe saura rattraper son retard…
Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions quant au succès du projet. Une chose est sûre : pour construire une alternative européenne solide aux solutions des géants américains et chinois, l’Europe doit faire front commun et capitaliser sur ses forces. Un pas prometteur vers l’indépendance de l’industrie numérique.
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