Steve Huffman avait 21 ans lorsqu’il lança en 2005 Reddit, un réseau social qui aujourd’hui fait partie des plus populaires au monde. Pour Forbes France, ce dernier nous partage sa vision concernant l’état actuel des réseaux sociaux, les pistes envisagées pour assurer la pérennité de Reddit et les opportunités que le Web3 peut offrir.
Nous nous sommes rencontrés en mars dernier lors de la Paris Blockchain Week, au Carrousel du Louvre à Paris en mars dernier… Pourquoi Reddit est-il intéressé par la blockchain ?
Nous avons une équipe en interne qui travaille sur ces sujets depuis longtemps et les valeurs de cet écosystème sont alignées avec celles que nous défendons en matière de décentralisation et de transparence. Mais notre volonté n’est pas de s’adresser uniquement aux “crypto-enthousiastes” mais plutôt de viser une adoption plus massive du mouvement Web3.
Nous avons donc lancé il y a tout juste un an notre propre plateforme d’achat et de vente de NFT et nous comptons déjà plus de 9 millions d’utilisateurs. C’est plus qu’OpenSea, la plateforme la plus connue en la matière. Nous avons aussi créé une collection d’avatars en NFT qui a connu un très grand succès. Appelés Vaults, ces avatars ont été imaginés par des artistes qui ont pu grâce à notre plateforme vendre leurs créations.
Croyez-vous à l’avènement du métavers ?
Je crois aux promesses d’Internet à ses débuts qui visaient le fait de connecter les gens à travers le monde. Cela peut se faire dans le monde en 2D – comme sur nos espaces d’échanges sur Reddit – mais aussi dans des mondes en 3D comme World of Warcraft ou encore Fortnite. Cela peut également passer par le biais de casques de réalité virtuelle car je pense que cela fait aussi partie d’Internet. En réalité, Reddit était déjà un métavers avant l’heure mais avec une interface utilisateur volontairement minimaliste.
Les cryptomonnaies, qui font partie de cette mouvance Web3, amènent aussi leur lot de dérives et sont de plus en plus pointées du doigt…
Oui, la blockchain et les cryptomonnaies sont à mon sens révolutionnaires mais comportent aussi des risques, notamment en matière de blanchiment d’argent. Leur réputation est entachée à cause d’entreprises avec très peu d’éthique et notre rôle est justement de montrer ce que cette technologie peut apporter de positif pour l’avenir.
Les plateformes comme nous ne cherchent pas à faire de l’argent à partir de fraude et il est vrai que certains profitent de la blockchain pour s’adonner à des pratiques illégales. Nous faisons tout en notre possible – en lien avec les autorités compétentes – pour prévenir ces risques. Plusieurs bonnes et mauvaises régulations ont été adoptées pour mieux encadrer les pratiques mais on en est encore loin. Ma plus grande inquiétude serait que les États se mettent à tout simplement interdire alors qu’il faudrait plutôt mieux encadrer.
Plusieurs fronts antitrust se manifestent à travers le monde – et notamment en Europe – pour limiter le monopole des grandes plateformes… Est-ce que ces réglementations ont un risque d’entrave à la liberté d’expression de votre point de vue ?
Je ne crois pas que la liberté d’expression ou d’opinion soit liée aux considérations antitrust. Je reste un « tech-idéaliste » et je suis ravi de célébrer toutes les mesures antitrust en cours. Les nouvelles règles adoptées en Europe sont là pour protéger le consommateur. C’est nécessaire mais aussi complexe car il faut veiller à ce que cela n’entrave pas l’innovation.
La Commission européenne a également conseillé aux grandes plateformes de confier l’activité de modération à une autorité indépendante et neutre. Êtes-vous d’accord avec cette idée ?
De mon point de vue, le plus important reste que la modération ne soit pas uniquement assurée par les utilisateurs, ni non plus seulement via un algorithme basé sur la popularité du contenu qu’il analyse. Il faut à la fois qu’une détection automatique du spam ou des contenus obscènes – comme la pédopornographie par exemple – soit prévue ainsi qu’une supervision humaine. Peu importe si un acteur tiers et indépendant entre en compte dans cette démarche.
Le modèle économique des réseaux sociaux n’est pas au beau fixe en ce moment et toutes les plateformes sont à la recherche de revenus supplémentaires comme les offres payantes (ex : Twitter Blue)… Quelle analyse en faites-vous ?
Le marché de la publicité digitale devrait atteindre les 850 milliards de dollars en 2023. Et sa croissance est directement corrélée à l’état de l’économie en général. Si les marchés grossissent, la publicité en bénéficie naturellement. Nous vivons donc actuellement un léger ralentissement qui est directement lié au contexte de récession et d’instabilité de ces derniers mois.
Toutes les plateformes désirent mieux prédire l’avenir de leur business en termes de chiffre d’affaires. C’est pour cela que certaines d’entre elles explorent de nouveaux modèles économiques et celui de l’abonnement s’avère assez efficace. Cette nouvelle tendance ne signifie pas que le marché publicitaire est en déclin, c’est surtout une prise de conscience sur la nécessité d’adopter une stratégie de diversification pour devenir plus résilient. .
Le gouvernement américain a récemment demandé à TikTok de se séparer de sa société mère Bytedance… Qu’en pensez-vous ? Est-il légitime qu’un État fasse ce genre de demande ?
Je suis plutôt favorable à la vente de TikTok mais je pense aussi que ce n’est pas le plus gros du problème. L’ampleur des réseaux sociaux à ce jour est sans précédent et certaines dérives leur échappent. Tout le monde fait des erreurs et je suis pour ma part ravi de voir que les gouvernements s’emparent plus sérieusement du sujet, sans être systématiquement sur le rejet ou l’interdiction qui porterait atteinte à la liberté d’expression. J’ai auparavant été plutôt critique à l’égard des pratiques chez Facebook et Twitter mais il faut aussi avoir en tête que ces grandes plateformes font la plupart de grands efforts.
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