2021 aura ressemblé à un éternel recommencement. Non, je ne veux pas parler de l’interminable crise sanitaire, mais des 3 grandes tendances qui auront marqué l’écosystème des startups et des nouvelles technologies, toutes des reprises plutôt que des tubes originaux : le quick commerce, le métavers et les SPAC.
Le quick-commerce nous promet des courses livrées en 10 minutes, avec des startups qui ont multiplié les levées de fonds et les campagnes de pub : 550 millions de dollars pour Getir en juin, 1 milliard pour Gorillas en octobre, 750 millions pour Flink en décembre…
C’est en fait le grand retour du “everything on demand” et du “Uber for X” de 2015-2016, quand de nombreuses startups ont essayé d’appliquer la recette Uber à toute une variété de produits et services. Pressing, vétérinaire, voiturier, réparateur, alcool, marijuana… tout devait devenir immédiatement disponible.
Le métavers, cet ensemble de mondes virtuels persistants et connectés, est quant à lui un standard des nouvelles technologies comme il y a des standards du jazz. Le mot est inventé par l’auteur de science-fiction Neal Stephenson en 1992, des casques de réalité virtuelle sont développés par Nintendo et Sega au milieu des années 1990, la plateforme Second Life fait les gros titres au milieu des années 2000, et la startup Oculus VR se fait racheter par Facebook en 2014 pour plus de deux milliards de dollars après avoir créé un casque de réalité virtuelle prometteur.
On pourra désormais y ajouter 2021, avec (entre autres !) le changement de nom de Facebook l’entreprise en Meta, des analyses pointues qui ont donné du corps au secteur à l’image de celle de l’investisseur Matthew Ball, et le succès foudroyant des NFT, ces images ou objets virtuels liés à des blockchains et que les propriétaires pourraient arborer demain dans le métavers.
Les SPAC, enfin, sont des sociétés cotées aux Etats-Unis qui lors de leur introduction lèvent des fonds servant à investir dans d’autres entreprises. Inventés dans les années 1990, les SPAC ont servi initialement à racheter des entreprises traditionnelles, mais depuis 2020 ils connaissent un regain d’intérêt pour fusionner/investir avec des startups pas encore cotées, et généralement moins matures que celles qui s’introduisent directement en bourse. C’est donc une nouvelle voie de financement et d’accès aux marchés boursiers qui a été dégagée pour les entreprises de la tech. De 59 créations de SPAC en 2019, nous sommes ainsi passés à 248 en 2020 puis 613 en 2021.
Mais la grande vague des SPAC ne correspond pas uniquement au réemploi d’une technologie financière ancienne désormais au service de la tech, c’est aussi le retour des promesses mirobolantes qui accompagnaient les introductions en bourse de la bulle internet des années 1990. Était alors raillée la mise en avant des “eyeballs” comme indicateurs clés, c’est-à-dire du nombre de visiteurs des sites pour masquer des revenus alors inexistants.
Une startup qui fusionne avec un SPAC n’a pas à établir toute la documentation d’une introduction classique, sous le regard inquisiteur du régulateur boursier. Une simple présentation aux investisseurs suffit, et comme ce sont souvent des entreprises aux revenus assez bas voire absents, on a plus affaire à des concours de projections optimistes au doigt mouillé – “regardez comme nous serons beaux en 2028 !” – qu’à une extrapolation mesurée de la trajectoire tangible des derniers exercices.
Au-delà du regard de long-terme que ces 3 tendances de 2021 nous obligent à adopter, elles permettent de rappeler deux caractéristiques essentielles de la révolution numérique.
Premièrement, qu’une vague d’innovation n’est jamais morte ! Elle influence la suivante même – et peut-être surtout – quand elle a échoué, car elle permet d’identifier les facteurs limitants, et donc de retenter l’aventure quand ceux-ci semblent levés.
Les casques de réalité virtuelle des années 1990 n’étaient pas convaincants, quand ils n’étaient pas nauséeux ? C’est le constat de l’avancée majeure des résolutions d’écran et des progrès des capteurs pour suivre les mouvements des utilisateurs qui a donné le coup d’envoi à la création d’Oculus.
Ensuite, ces tendances de 2021 nous rappellent que le progrès est un processus cumulatif, itératif et sélectif. Cumulatif car on s’appuie toujours sur des briques existantes – technologies, modèles économiques, usages… Si le quick-commerce peut se déployer aujourd’hui, c’est que les smartphones sont partout, que les consommateurs sont habitués à Uber et Deliveroo, et que ces mêmes précurseurs ont créé et affiné les “playbooks” de lancement d’un service sur un nouveau marché. Rôles opérationnels à prévoir dans l’équipe, critères de choix pour sélectionner la prochaine ville, recrutement des clients ET des coursiers par des incitations tarifaires et des campagnes marketing… d’Uber aux gestionnaires de trottinettes électriques, on a appris à faire.
Itératif et sélectif car il est difficile, si ce n’est impossible, de savoir quels usages feront le succès d’une vague d’innovation. En 2015, on réalisait qu’il était désormais possible de proposer tout service en quasi-instantané, par l’utilisation de smartphones côté demande et côté offre. Comment savoir ce qui pouvait faire sens, dans les envies des clients et dans le modèle économique des startups ? Et bien en testant, pardi ! Alors on a pu se moquer du pitch “Uber for X” repris en choeur par de nombreux entrepreneurs. Mais désormais, on l’a validé : la livraison de repas, par des restaurants ou des cuisines qui ne font que cela, ça marche.
Il adviendra la même chose pour les SPAC : est-il soutenable qu’autant de startups deviennent cotées par ce biais-là, quand elles n’auraient sans doute pas eu les arguments nécessaires pour mener une introduction classique ? Sans doute que non, mais après des désillusions ou scandales et une éventuelle intervention du législateur, on identifiera peut-être des cas plus spécifiques pour lesquels cela fait sens. Par exemple pour des startups créant des produits bien tangibles, comme des véhicules électriques ou des ordinateurs quantiques, avec des cycles de développement longs et des besoins en capitaux qui se chiffrent en milliards avant toute commercialisation.
Gageons que quel que soit le succès à moyen-terme de ces différentes tendances, et peut-être un essoufflement dès le début de 2022, leurs répercussions se feront sentir dans les prochaines années.
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