Après s’être demandé pendant des siècles si Mars abritait (ou avait déjà abrité) de la vie, l’humanité pourrait enfin obtenir de vraies réponses au début de la prochaine décennie. Avec le lancement prévu en 2028 de son rover ExoMars, baptisé Rosalind Franklin, l’Agence spatiale européenne (ESA) pourrait potentiellement détecter in situ une vie passée ou présente jusqu’à 2 mètres sous la surface martienne. Si c’est le cas, elle pourrait devancer la NASA d’au moins deux ans en matière d’astrobiologie.
La NASA compte sur une mission de retour d’échantillons collectés par son rover Perseverance pour tirer au clair la possibilité d’une vie à la surface de Mars. Mais au plus tôt, ces échantillons ne devraient pas arriver sur Terre avant 2033.
Jusqu’au lancement du rover Rosalind Franklin de l’ESA, qui a pris beaucoup de retard, tous les paris sont ouverts. Mais le rover de l’ESA a de nombreux atouts à faire valoir. Le cœur et l’âme du rover ExoMars est MOMA (Mars Organic Molecule Analyzer), construit dans le cadre d’une collaboration entre l’Allemagne, les États-Unis et la France.
Le rover de l’ESA devrait atterrir en octobre 2030. Contrairement aux rovers Perseverance et Curiosity de la NASA, le rover Rosalind Franklin dépendra principalement de l’énergie solaire pour faire fonctionner ses instruments pendant sa mission nominale d’environ sept mois. Par beau temps, le rover devrait pouvoir parcourir 70 à 100 mètres tout en prélevant des échantillons de sédiments souterrains. Il commencera à collecter des données dès que possible après l’atterrissage.
Mars a-t-elle déjà eu un océan ?
Le rover de l’ESA pourrait notamment répondre à la question de savoir si Mars a connu un océan septentrional, le seul dont on pense qu’il a existé sur Mars. En fait, le site d’atterrissage du rover de l’ESA dans la région d’Oxia Planum pourrait se trouver à l’extrême sud de cet ancien océan potentiel.
« Pour autant que l’on puisse en juger, toute la zone jusqu’au pôle Nord de Mars a dû être inondée par plusieurs dizaines de mètres d’eau », explique Jorge Vago, le scientifique du projet ExoMars, dans son bureau à l’ESTEC de l’ESA aux Pays-Bas.
Il y a environ quatre milliards d’années, il est probable que des colonies microbiennes vivaient dans une sorte de système hydrothermal sous la surface d’Oxia Planum. Comme on pense que Mars était très active sur le plan volcanique à l’époque, les cendres de ses volcans seraient tombées sur la surface de son océan. Lorsque Mars a perdu son eau et s’est asséchée, ces colonies microbiennes se sont transformées en microfossiles préservés par ces cendres sédimentaires. Les températures froides qui ont suivi sous la surface ont également contribué à leur préservation.
Une fois que Mars a perdu son eau de surface, elle est devenue très froide, explique M. Vago. En creusant à 30 centimètres sous la surface, la température est de moins 15 degrés Celsius.
Le MOMA doit d’abord vaporiser les composés qu’il recueille afin qu’ils puissent être détectés par le spectromètre de masse de l’instrument. Les spectromètres de masse mesurent la composition chimique et la masse de substances données à l’état gazeux. Pour ce faire, le MOMA utilisera la chaleur ou des impulsions laser ultraviolettes pour convertir les espèces chimiques des échantillons en phase gazeuse. Ces échantillons chimiques en phase gazeuse feront ensuite l’objet d’une analyse à bord afin de déterminer s’ils sont prometteurs pour la biologie, tant du point de vue de leur composition que de leur distribution.
Au lieu de la chaleur thermique, MOMA utilisera un laser pour séparer les composés organiques les plus importants des minéraux auxquels ils étaient liés à l’origine. Cela permettra à l’équipe d’éviter la contamination des échantillons par les perchlorates, des sels incolores et inodores, qui peuvent être un sous-produit indésirable du type de chaleur nécessaire pour effectuer ce type d’analyse d’échantillons.
« La probabilité que nous trouvions des molécules organiques est, je pense, de l’ordre de 100 % », déclare M. Vago. « La probabilité que nous trouvions quelque chose qui évoque la vie est d’environ 50 %. »
Quel est le plus grand défi scientifique du MOMA ?
« Analyser les résultats », a affirmé Fred Goesmann, chercheur principal de MOMA et spécialiste des planètes à l’Institut Max Planck de Gottingen, en Allemagne. « Si l’identification des molécules ne présente guère d’ambiguïté, la signification de la « détection de la vie » est délicate, explique-t-il. Les optimistes déclareront avoir vu des preuves de vie, tandis que les pessimistes chercheront soigneusement des explications non biologiques », explique M. Goesmann. « Nous avons besoin des deux côtés pour une interprétation cohérente, ajoute-t-il. »
Le MOMA apportera-t-il la preuve de la vie ?
Le mot « preuve » est un grand mot, annonce M. Goesmann. En ce qui concerne la sémantique lors d’une hypothétique conférence de presse postérieure à la détection, il estime qu’au lieu de dire « c’était/c’est la vie », les déclarations officielles devraient plutôt se lire comme suit : « Actuellement, la seule explication à nos résultats est la vie ; nous n’avons pu imaginer aucune autre façon de produire nos résultats. »
Le MOMA sera-t-il en mesure de faire la différence entre la vie passée et la vie présente ?
Selon M. Vago, la vie actuelle se reconnaîtrait à la quantité et au bon état de conservation des biomolécules. Lorsque les organismes sont métaboliquement actifs, ils peuvent réparer les dommages causés par les radiations, de sorte que nous aurions accès à une forte concentration de biomolécules.
Qu’en est-il de la vie passée ?
« Les microbes seraient morts il y a longtemps ; les membranes cellulaires se seraient rompues et leurs entrailles chimiques se seraient répandues dans les archives géologiques », explique M. Vago. Selon la manière dont ils ont été enterrés, ils peuvent être préservés, ajoute-t-il.
« Si nous trouvons par hasard des vestiges de vie antérieure, nous devons être en mesure de cocher un bon nombre de biosignatures indépendantes et de le faire de manière répétée avec différents échantillons », explique-t-il.
En résumé, il s’agit de constituer un corpus de biosignatures indépendantes.
« L’essentiel est de constituer un ensemble de preuves qui ne peuvent être expliquées par rien d’autre que la biologie », termine M. Vago.
Article traduit de Forbes US – Auteur : Bruce Dorminey
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