OPINION// Parmi les effets que la crise du Covid-19 aura générés, l’on retiendra un bondissement historique dans la consommation mondiale des services du numérique, non sans faire apparaître des risques sous-jacents : saturation du réseau, cyber-attaques, et impact environnemental en première ligne. Si tous les secteurs sont concernés, les plus stratégiques d’entre eux, tels que l’Aérospatial et la Défense, le sont tout particulièrement. Face à ces menaces, le Li-Fi peut apporter des réponses concrètes, et l’Europe a les moyens d’en être le fer de lance, à condition de s’emparer du sujet à temps.
Contrairement au Wi-Fi ou à la 5G, le Li-Fi n’utilise pas de radiofréquences, mais la lumière d’un ampoule LED (visible ou infrarouge), pour transmettre des données directement à un système embarqué, tel qu’un ordinateur ou un téléphone portable. Les caractéristiques du Li-Fi présentent en ce sens des atouts intéressants, d’autant plus que cette technologie s’appuie sur une portion du spectre visible, dont la bande passante est 2000 fois supérieure à celle de bande radio, utilisée par la 4G et la 5G.
Une solution hautement sécurisée et meilleure pour l’environnement
Le Li-Fi est actuellement considéré comme le réseau le moins aisé à brouiller et pirater. Contrairement aux ondes radio, la lumière a en effet cet avantage de résister aux interférences et de ne pas traverser les murs. La sécurité et la discrétion qu’offre le Li-Fi sont des caractéristiques auxquelles les entreprises à haute valeur stratégique, et plus particulièrement le secteur de la défense, prêtent un intérêt majeur. L’armée américaine est ainsi la première à sauter le pas en avril 2021, en investissant 4,2 millions de dollars pour équiper ses postes de commandement de cette technologie. D’autres armées se montrent également intéressées, et suivront sans aucun doute dans cette voie.
Rajoutons enfin que coupler internet à un éclairage LED -peu énergivore- permettrait de réduire significativement la facture des utilisateurs (entre 15% et 60% selon EDF Entreprises). Il s’agit d’un critère mis en avant notamment pour des activités aérospatiales, où la réduction de la consommation énergétique est un enjeu majeur pour l’ensemble de la filière. Installer du Li-Fi à bord de plateformes aériennes permet par exemple de limiter l’emport de câbles, donc d’alléger celles-ci et de réduire leur consommation de carburant in fine.
Dans l’aéronautique civile, cette technologie offre une connexion internet de haute qualité aux passagers. Du côté du spatial, la lumière est également envisagée pour effectuer des communications inter et intra-satellitaires – voire satellite-Terre par émission de laser optiques, comme le propose la société française Cailabs.
Concernant la Défense, les perspectives d’application sont multiples : assurer une bonne connectivité à bord d’avions, de frégates ou de postes de commandement avancés, établir des communications sécurisées de bâtiment à bâtiment (terrestre, marin ou sous-marin), gérer un convoi de véhicules autonomes, géolocaliser du personnel, améliorer la maintenance des appareils navigants… ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres. La quantité d’applications possibles dans ces secteurs équivaut à celle des solutions à proposer, ce qui est un signe encourageant l’essor du marché du LiFi dans ces secteurs.
L’Europe a encore toutes ses chances pour créer les futurs champions mondiaux du Li-Fi
Dans un rapport publié en février dernier, la société Emergen Research estimait le marché mondial du Li-Fi à hauteur de 6,9 milliards de dollars en 2028 – dont 9% dédié au secteur aérospatial et défense-, contre 214 millions actuellement. Un marché non négligeable donc, mais qui reste encore en phase de structuration. A ce jour, on recense un peu moins d’une quarantaine de producteurs de Li-Fi, dont plus de la moitié sont européens – les Français n’étant pas en reste avec des sociétés comme Oledcomm, Lucibel, Lifineo.
L’Europe dispose d’un écosystème riche et propice au déploiement de cette solution sur notre territoire, tant au niveau de la recherche (CEA Leti en France, Institut Fraunhofer en Allemagne) que de l’industrie. En atteste la création de la LCA en 2019, première alliance mondiale entre des centres de recherche d’excellence, des producteurs de Li-Fi et de grands équipementiers européens tels que Nokia ou Orange. Car si ces acteurs ont conscience du potentiel de ce marché, ils perçoivent néanmoins la nécessité de mieux faire connaître cette technologie afin d’en favoriser l’adoption.
Bien que peu de solutions soient aujourd’hui commercialisées, la course mondiale aux brevets est pourtant là. Le nombre des dépôts annuels s’est accéléré depuis 2016, or la majorité proviennent des Etats-Unis et d’Asie – le japonais Panasonic étant le premier détenteur de brevets Li-Fi au monde, soit 60 au total.
Si elle veut être en ligne avec sa politique de souveraineté en matière de numérique – auquel la Défense est intrinsèquement liée-, l’Union Européenne a un donc rôle clé à jouer dans cette course. Elle le fait déjà, en finançant depuis 2019 les programmes de recherche ELIoT et ENLIGHT’EM, visant à intégrer la communication optique dans les systèmes IoT (essentiels dans le domaine spatial, l’industrie 4.0, et les futures villes intelligentes).
Des débuts encourageants donc, mais l’UE doit continuer à soutenir ses efforts de développement d’un écosystème européen du Li-Fi. Car avec l’apparition prochaine de la première standardisation mondiale sur cette technologie – attendue pour mai 2022 – on peut en effet s’attendre à une baisse des coûts d’accès à la technologie, et à une accélération de la structuration d’un marché global.
Les industriels européens ont donc une carte à jouer dans cette course, à condition qu’ils sachent en saisir les opportunités. Pour ce faire, ils peuvent s’appuyer sur des acteurs locaux comme Starburst, dont le rôle est de leur apporter des éclairages sur la manière d’intégrer les nouvelles technologies de rupture et de les aider à se positionner sur ces marchés naissants. Entre soutiens publics et privés, l’Europe a donc toutes ses chances pour créer les futurs champions mondiaux du Li-Fi.
Tribune rédigée par Claire Barthe, Consultante Stratégie & Innovation chez Starburst
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