Smartphones reconditionnés : lever les freins à l’achat grâce à l’émergence d’une filière française vertueuse

En 5 ans, les ventes de smartphones reconditionnés ont doublé en France, passant de 6,8 à 13,5 %¹. Des produits qui présentent de nombreux avantages, sur le plan économique comme environnemental. Un smartphone reconditionné coûte en effet en moyenne 20 à 50 % moins cher qu’un appareil neuf². Il permet également de limiter considérablement l’utilisation de nouvelles ressources et la production de déchets ; son empreinte carbone serait ainsi équivalente à seulement 10 % de celle d’un produit neuf⁴. Or, si le marché connaît une croissance record de 15 à 20 % chaque année¹, un certain nombre de freins persistent, empêchant cette tendance vertueuse de développer son plein potentiel.

Par Eric Cordon, CEO et cofondateur de Quel Bon Plan

Le manque de confiance, premier frein à l’achat de produits reconditionnés

Aujourd’hui, 41 % des acheteurs français ayant déjà acheté un produit reconditionné n’envisagent pas de réitérer l’expérience⁵. Pourquoi une telle défiance ? La cause est à chercher dans les dérives que l’on peut rencontrer sur les marketplaces qui sont moteurs sur le marché. Sur Back Market, C-Discount ou encore Amazon, n’importe quel vendeur peut en effet commercialiser ses produits, qu’il s’agisse d’une société de reconditionnement confirmée, d’un auto-entrepreneur ou d’un magasin d’occasion. Les 2/3 d’entre eux sont, de plus, localisés en Asie ou aux États-Unis.

Dans ces conditions, il n’existe quasiment aucun moyen de contrôler leurs pratiques de reconditionnement. Les mauvaises surprises sont légion : matériel en mauvais état ou dont les données n’ont pas été effacées, composants non certifiés aux normes européennes, présentant des risques de rayonnement, voire d’explosion, ou encore des marques d’usure non déclarées au moment de l’achat… De plus, lorsque l’acheteur déçu tente de se faire rembourser, il se heurte à des délais de traitement extrêmement longs. Les expériences de clients mécontents abondent dans les médias et sur les réseaux sociaux. L’UFC-Que Choisir a même déposé plainte contre la plus importante plate-forme française, en juin 2022, pour pratiques commerciales trompeuses. 

Fraude à la TVA et taxe à la copie privée : la double peine subie par les acteurs français

Sur ces sites de revente, l’absence de contrôle favorise également la fraude à la TVA. Certains vendeurs étrangers pratiquent en effet le principe de la TVA sur marge, de manière abusive, ce qui leur procure un avantage financier non négligeable par rapport aux acteurs français. Une filière locale du reconditionné, mieux encadrée, serait dès lors un moyen efficace de redonner confiance aux consommateurs.

Or, un autre élément vient freiner son développement : la taxe à la copie privée, devenue obligatoire pour toutes les ventes de smartphones, depuis deux ans. Rappelons qu’à l’origine, cette compensation financière liée aux droits d’auteur s’appliquait aux DVD, CD et ordinateurs ; une aberration à l’ère du streaming et des plates-formes de contenus qui n’y sont pas soumises. Ainsi, alors que les téléphones neufs sont taxés uniquement lors de leur mise en vente, les appareils de seconde main le sont une deuxième fois, lors du processus de reconditionnement. La redevance copie privée s’élève environ à 8 € par téléphone reconditionné, quel que soit son montant ; une somme qui se répercute inévitablement sur le prix de l’appareil et pénalise donc lourdement les achats de ces produits.

Des mesures urgentes pour stimuler l’essor d’une filière éthique et durable

Face à ces constats, une série de mesures s’impose pour consolider une filière vertueuse du reconditionnement, qui protège le consommateur des principaux risques énoncés. En premier lieu, un cadre réglementaire strict doit être mis en place, afin de garantir la qualité et la sécurité des smartphones reconditionnés. On pourrait imaginer, par exemple, la création d’un label de confiance, à l’image des normes qui existent dans le secteur automobile, où les consommateurs achètent des véhicules reconditionnés en toute confiance auprès des concessionnaires. Il faut exiger de la part des marketplaces et des vendeurs une transparence totale sur l’origine, le procédé de reconditionnement et la qualité des composants utilisés.

Autre mesure indispensable : l’harmonisation fiscale et la révision urgente de la taxe à la copie privée. Celle-ci est nécessaire, afin d’assurer une concurrence équitable entre acteurs français et étrangers tout en préservant le pouvoir d’achat des consommateurs.

Enfin, dernier levier clé : le sourcing local des téléphones usagés. Actuellement, 100 millions de smartphones dormiraient dans les tiroirs des Français ! Il est essentiel d’encourager leur collecte, à travers des campagnes de sensibilisation et des dispositifs accessibles, permettant d’exploiter ce formidable gisement.

Autant de défis à transformer en opportunités pour développer une économie circulaire qui soit bénéfique à la fois aux consommateurs, à la planète et aux emplois !

¹ Étude HelloSafe – État des lieux du marché du smartphone avec une mise en lumière des ventes des smartphones neufs vs. reconditionnés en France entre 2017 et 2022.  

² 6e édition du baromètre « le marché du mobile d’occasion ». Menée avec Kantar en France et dans 8 pays (l’Allemagne, la Belgique, les Pays Bas, la Suisse, la Pologne, la Roumanie, l’Italie et l’Espagne), l’étude online a été réalisée du 16 au 20 janvier 2023.

³ Une étude citée par l’ADEME indique que prolonger la durée de vie d’un téléphone de deux ans améliore son bilan environnemental de 50 %

⁴ https://greenly.earth/fr-fr/blog/actualites-ecologie/quelle-est-l-empreinte-carbone-d-un-telephone-reconditionne

⁵ Étude Yougov/Quel Bon plan, 2022, « Les freins à l’achat du reconditionné ».