Les géants du web percent notre intimité et conditionnent nos façons de penser. A la maison où à l’école, leurs produits nous facilitent la vie mais dictent notre futur.
Il faudra bien s’y habituer. Nos maisons accueilleront sous peu de nouveaux occupants. Non qu’il s’agisse de faire place à de nouveaux individus mais plutôt à de nouvelles machines, mi-hommes mi-robots, censées être aux petits soins pour toute la famille. Qu’ils se nomment Alexa (Amazon), Google Home (Google), Siri ou Home Pod (Apple), ce sont le plus souvent de douces voix féminines rassurantes qui nous écoutent et nous viennent en aide pour toutes sortes de demandes, façon concierge d’un hôtel de luxe. Pour conquérir ce nouveau marché des objets connectés pour la maison, Google a lancé début août Google Home, l’enceinte connectée avec assistant virtuel, devançant l’arrivée en France de ses principaux concurrents, à commencer par « Echo » d’Amazon. Si sur la forme, rien de bien révolutionnaire ne se dégage de cet objet cylindrique haut d’à peine quelques centimètres, la force de ces objets se cache à l’intérieur. Dotés de fonctionnalités de reconnaissance vocale et intégrant de l’intelligence artificielle, ils sont à même d’effectuer différentes tâches, comme lancer un morceau de musique, effectuer une recherche sur Internet, prendre des rendez-vous et les ajouter dans un agenda personnel, piloter les appareils connectés de la maison (luminaires, stores, chauffage…) tout en emmagasinant, au fil des requêtes, des sommes colossales d’informations personnelles.
Si c’est gratuit, c’est parce que le produit c’est vous
Si le marché de la domotique est encore modeste[1], il est appelé à grossir rapidement au fur et à mesure que les objets connectés de toutes natures (électroménagers, wearables liés à la santé…) vont commencer à envahir notre quotidien. C’est sur ce marché prometteur que les géants du web se positionnent à présent. Pour les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft), l’enjeu n’est pas seulement de vendre du hardware mais plutôt réussir à placer ces machines au cœur de chaque foyer pour tout apprendre sur les habitudes de vie et de consommation des membres de la famille. Cette connaissance fine qui vaut de l’or. Avec Google Home, la formule « Si Google est gratuit, c’est parce que le produit c’est vous » ne se dément pas. Moyennant 149 euros, les heureux possesseurs d’une Google Home invitent l’intelligence artificielle à pénétrer au cœur de leurs maisons en lui ouvrant les portes de notre intimité via le recueil permanent de données de toutes sortes. Cette voix suave et zélée dont le seul but est de nous rendre la vie plus facile saura, enregistrera et se souviendra de progressivement presque tout. A ce titre, celle-ci influencera nos comportements en nous rendant paresseux, voir dépendants. Comme Google Home sait nous rappeler qu’il « apprend encore ». Les prochaines versions tireront parti des données recueillies auprès des utilisateurs pour améliorer le service. A chacun d’estimer si les avantages de ces nouveaux majordomes virtuels l’emporteront sur les inconvénients liés à la maîtrise de notre libre-arbitre.
A l’école des GAFAM
La percée des GAFAM dans notre quotidien est appelée à prendre de l’ampleur. Depuis quelques semaines, la Direction du numérique éducatif du ministère de l’éducation nationale[3] a autorisé les chefs d’établissements à avoir recours aux outils pédagogiques proposés par Google ou Microsoft. Si cette ouverture aux services numériques fournis par les grands fournisseurs du web n’est pas une nouveauté, l’affaire suscite néanmoins de nombreuses réactions à commencer par celle de la CNIL qui, dans un communiqué[4], « appelle à un encadrement des services numériques dans l’éducation… qui puisse fixer un cadre de régulation adapté qui protège de façon effective les données personnelles des élèves et de enseignants. ». Si le débat n’est évidemment pas d’être pour ou contre à la numérisation de l’école – on ne peut qu’être que favorable au fait que les technologies numériques sont un outil formidable au service d’une pédagogie renouvelée. La question est évidemment celle du contrôle et de la maîtrise de ces outils.
Dans ce domaine si sensible qu’est l’éducation et où l’enjeu porte autant sur le fait « d’apprendre à apprendre » que de savoir maîtriser ces nouveaux outils qui font à présent partie de nos vies, il est clair que les attentes des acteurs économiques ne sont pas les mêmes. D’un côté, les GAFAM qui ont pour objectif de proposer (d’offrir) des contenus éducatifs avec, au passage, la capacité à fidéliser des millions de futurs clients, et de l’autre, l’institution publique qui a pour mission d’éveiller et de faire grandir en inculquant curiosité et esprit critique. Au final, et dans cette bataille qui a déjà commencé, la question centrale étant celle de faire émerger de simples consommateurs ou bien de vrais citoyens éclairés.
Twitter https://twitter.com/Boyer_Ph
[1] http://www.designersinteractifs.org/chiffres-cles-du-marche-des-objets-connectes/
[2] Fin 2016, Alexa d’Amazon a été cité comme témoin dans une affaire de meurtre
[3] http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2017/05/16052017Article636305160274839331.aspx
[4] https://www.cnil.fr/fr/la-cnil-appelle-un-encadrement-des-services-numeriques-dans-leducation
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