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Romain Mazieres, CEO de Mangopay : « Mon objectif premier reste de créer un champion européen »

Autrefois sous le giron du Crédit Mutuel Arkéa, Mangopay a été acquise le mois dernier par le fonds d’investissement américain Advent International. Romain Mazieres, CEO de la solution qui facilite les flux de paiement des marketplaces et des plateformes de crowdfunding, a accepté cet entretien pour nous en dire plus sur cette étape charnière qui marque l’internationalisation de la fintech.

Dans quelle étape de développement s’inscrit Mangopay avec cette nouvelle acquisition ?

Romain Mazieres : Nous vivons une étape charnière dans notre développement. Advent a injecté 75 millions d’euros dans la société pour accélérer notre croissance. Mangopay est composé à ce jour de 260 personnes réparties dans nos bureaux à Paris, Madrid, Milan, Berlin, Londres, Stockholm, Amsterdam et nous avons l’ambition de doubler nos effectifs d’ici deux ans en consolidant nos équipes dans toute l’Europe. Nous comptons sur l’expertise Advent International pour nous accompagner dans notre développement outre-Atlantique. La réglementation bancaire aux États-Unis n’a rien à voir avec celle en Europe. Un nouveau challenge pour Mangopay.

Mes équipes et moi-même sommes prêts à accélérer. Il s’agit pour nous de la continuité de notre plan de croissance de ces dernières années. Nous étions à peine une soixantaine de personnes en 2018. J’ai confiance en notre culture d’entreprise et à mes équipes pour passer à l’échelle internationale. Nous avons avons en ce sens recruté Luke Trayfoot, ancien Directeur Marketplace EMEA chez PayPal, pour le poste de Chief Revenue Officer ainsi que Xavier Garambois ancien VP Amazon Europe, comme chairman pour m’accompagner dans cette nouvelle aventure.

Comment pourriez-vous qualifier les liens entretenus à ce jour entre les grandes banques et les fintech ?

Certaines banques traditionnelles ont décidé de se rapprocher des fintech, d’autres sont encore réticentes. Mais de manière générale, je pense que les grandes banques ont compris que de toute façon, il est compliqué voire impossible d’internaliser la vague de disruption en cours dans leur secteur. Les partenariats sont donc de plus en plus fréquents et nous collaborons nous-mêmes avec une dizaine de grands acteurs.

De la même manière, certains métiers peuvent très bien être internalisés et notre histoire au sein du groupe Crédit Mutuel Arkéa en est bien la preuve. Mais j’ai tout de même du mal à croire que les banques puissent développer des néobanques aussi performante que les fintech ; elles n’arriveront pas à créer un nouveau Lydia. Les fintech ne peuvent pas vivre sans les grandes banques et inversement, les grandes banques ont besoin des fintech pour distribuer leurs propres produits et accélérer sur les enjeux de plateformisation.

Avec l’avènement des fintech, on parle souvent du risque de désintermédiation…

La proximité liée au territoire est un besoin que je comprends de par mon expérience au sein d’un crédit mutualiste, qui bénéficie d’un fort ancrage en Bretagne. En matière de désintermédiation et de disruption, on parle souvent de produits et de services mais c’est aussi un enjeu de qualité de la relation client. Mais cela fait bien partie de l’ADN des fintech : les intelligences artificielles et algorithmes développés permettent une réactivité hors norme, n’est-ce pas ce que le client souhaite aujourd’hui ?

Qu’en est-il de la maturité du secteur bancaire sur les enjeux d’open banking ?

La directive DSP2 adresse un réel besoin et crée un environnement favorable à l’innovation. Nous allons manifestement dans la bonne direction mais il reste encore un peu de travail à mener. Il n’y a qu’à voir la difficulté que cela a été de déployer l’ « instant payment » (ndlr : processus via API qui permet aux utilisateurs de faire des virements via RIB plus facilement). Tant que nos écosystèmes bancaires n’ont pas atteint une certaine stabilité technique au niveau de leurs API , l’innovation n’arrivera pas aussi loin que nous le souhaiterions.

La conduite du changement dans le secteur bancaire est assez dure à mener et pour les fintech, le délai d’implémentation d’une nouvelle API ne se fait pas non plus du jour au lendemain. Mais nous allons clairement dans la bonne direction.

Considérez-vous l’arrivée des Gafam sur le secteur bancaire comme un risque ?

Je ne considère pas spécialement les Gafam comme un risque pour Mangopay. Je suis moi-même un utilisateur quotidien d’Apple Pay et leur pénétration sur le marché est assez incroyable. Et Mangopay ne propose pas de produits bancaires pour les particuliers. Maintenant, qu’est-ce qui empêche demain les géants de s’investir sur notre périmètre ? La “souveraineté européenne” reste souhaitable mais c’est un choix avant tout politique.

N’est-ce pas non plus un risque de voir nos fintech se rapprocher de fonds extra-européens ?

Mon objectif premier reste de créer un champion européen. Car même si nos fonds proviennent d’un private equity américain, nous restons à part entière une société basée en Europe. Je suis fier du chemin parcouru par le monde de la tech en France ces dernières années mais il est vrai que tant qu’un marché unique en Europe ne verra pas le jour, cela restera plus difficile pour des fintech Européenne de passer à l’échelle comparé aux fintechs US.  

 

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