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Robots Humanoïdes : Quelle Utilisation « Business » ?

Pixabay

Les entreprises s’intéressent de plus en plus aux robots humanoïdes, qui sont de moins en moins perçus comme des gadgets. Et pas seulement au Japon ou en Chine. Des enseignes très sérieuses commencent à les utiliser. Mais pour en faire quoi ?

 

L’arrivée des robots dans les entreprises ne date pas d’aujourd’hui, comme pourrait le laisser entendre le succès de Nao ou de Pepper. A partir des années 70, l’industrie automobile, notamment, a eu recours à des robots de plus en plus sophistiqués pour souder des éléments de carrosserie, pour les peindre, pour les déplacer en un tour de bras… De même dans les centrales nucléaires, il a fallu très tôt concevoir des robots capables d’intervenir au plus près des réacteurs, là où l’être humain aurait été exposé à des irradiations mortelles. 

Les robots de la nouvelle génération sont toujours plus sophistiqués, sont capables d’apprendre et d’effectuer des tâches complexes, fastidieuses et répétitives, dangereuses pour la santé – comme la mise en peinture de pièces mécaniques – et plus récemment dans le domaine militaire et de la sécurité – comme le déminage d’engins explosifs. 

De cette nouvelle génération de robots, on retient également qu’ils sont souvent humanoïdes : des caméras pour les yeux, des bras, des mains, et jusqu’aux doigts pour appréhender des objets, et des membres inférieurs pour le déplacement sur « deux jambes ». Leur vocation première était la recherche, comme Asimo, créature (54 kg) du constructeur japonais Honda, née en 2005. 

Plus récemment, une nouvelle espèce de robots a fait irruption : elle imite de façon troublante le comportement et la gestuelle des humains. Il est désormais question de « dimension émotionnelle » et même d’ « empathie ». Certains concepteurs vont très loin dans la reconstitution et l’animation de visages parfaitement imités – comme Sophia (créature de Hanson Robotics) qui peut montrer jusqu’à 62 expressions faciales – entre le rire, le sourire, la colère, la tristesse ou la compassion. L’utilisation de matériaux « doux » du type polyuréthane ou silicone (‘frubbor’) pousse très loin la ressemblance avec la peau. Sophia peut tenir une conversation : ses concepteurs parlent d’un « moteur de personnalité » l’autorisant à une certaine liberté de réponse. Deux micro-caméras lui font des yeux capables de rester focalisés sur le regard de son interlocuteur (technologie du ‘face tracking’). 

Tout l’imaginaire de la science-fiction parait ici légitimé et nous laisse entrevoir tout ce que pourront faire ces robots. Certains industriels les rebaptisent déjà « cobots » (« robots collaboratifs »), ce qui permet de faire oublier des figures moins engageantes comme Terminator ou Robocop – le cyborg policier (film de 1987)… 

Aujourd’hui, le robot humanoïde est devenu aimable. Il présente des traits plutôt sympathiques, jeunes et souvent féminins. Beaucoup d’entreprises commencent à imaginer son utilisation dans des applications des plus sérieuses – même si la dimension ludique ou médiatique l’emporte souvent. 

 

Accueil et informations 

Chez nos amis japonais, amateurs inconditionnels des robots, l’une des premières applications favorites est la fonction d’hôtesse d’accueil. Là où beaucoup d’entreprises, par économie, ont réduit le personnel à l’entrée des immeubles, on verra apparaître ces robots très expressifs, capables de venir au-devant des visiteurs pour les renseigner et les aiguiller. 

Le petit robot Pepper, conçu par le français Aldebaran (et cédé au géant nippon Softbank) fait fureur dans ce rôle à Tokyo. Pas du tout imposant avec son 1,20 m de hauteur et ses 28 kg, il détecte votre présence en vous cherchant du regard. Il vous aborde en roulant de bons gros yeux sur le ton d’une conversation enjouée, vous invite à poser des questions et s’efforce d’y répondre clairement tout en affichant diverses données (plan, itinéraires, photos, etc.) sur la tablette qu’il porte sur sa poitrine. En s’exprimant, il joue de ses bras et de ses mains avec élégance – même si la gestuelle est un peu répétitive. Il possède une variété de tons et de registres de langue qu’il sélectionne selon le contexte. La dimension émotionnelle évoquée par les concepteurs est bien réelle. A noter que Pepper parvient à vous comprendre malgré un brouhaha environnant. Plutôt bluffant. 

 

Serveur, garçon de café 

Au Japon toujours, la chaîne Pizza Hut a commencé à utiliser Pepper pour proposer ses menus, en communiquant les nouveautés et les promotions du jour. Là encore, l’échange jusqu’à la prise de commande se passe sur le mode d’une conversation qui force la bonne humeur et le sourire. L’effet est évidemment magique auprès des plus jeunes. 

L’opérateur bancaire MasterCard est associé à l’expérimentation ; il vient de doter Pepper de son service de paiement digital, en mode « conversationnel ». Le service doit être étendu à toute la région Asie Pacifique. 

 

Services à domicile 

Moins joueurs, des inventeurs-designers de robots humanoïdes, comme la start-up parisienne Blue Frog, mettent leur créature à disposition des développeurs. Buddy est haut comme trois pommes (50 cm) mais déjà capable d’enchainer des gestes avec une précision millimétrique. Son lancement est prévu en ce début 2017, au prix de 699 dollars. Il vise l’aide aux personnes âgées ou à mobilité réduite ; il serait capable, par exemple, de servir des médicaments en respectant la posologie ; ou de vérifier régulièrement que la personne présente à ses côtés réagit normalement. Une société de services en a fait l’acquisition afin de développer des services à la personne, mais également pour la protection de travailleurs isolés, exposés à des risques métier, etc. Buddy peut également accueillir des visiteurs, ou procurer des services de conciergerie, comme son cousin Pepper. 

 

Manutentionnaire héroïque 

Dans la sphère Google, est apparu chez Boston Dynamics (filiale de Google Alphabet) Atlas, un prototype assez impressionnant par sa taille (1,75 m) et son poids (82 kg). Il est issu de la robotique militaire et de ses premiers robots mimant des « animaux domestiques » (dont « Bid God Prancing » ou « Wild Cat »). Pour l’heure, une vidéo de 3 minutes en montre les capacités : impressionnantes. L’humanoïde, autonome, peut être bousculé jusqu’à être déséquilibré mais il se recule, se stabilise et reste debout, même sur un terrain enneigé. S’il est renversé, il se relève. Il peut déplacer des cartons de 5 kg environ pour les disposer délicatement sur des étagères. 

« Atlas 2 est très impressionnant. Il y a un vrai progrès sur la robustesse : il réussit à effectuer des tâches relativement complexes en se débrouillant (…). Cela montre qu’il y a des avancées importantes dans la robotique humanoïde », admet Christine Chevallereau, directrice de recherche robotique au CNRS. 

 

Aide aux diagnostics 

A Tolède en Espagne, une start-up parmi d’autres, Kismotics, finalise un robot, très sommairement humanoïde. Sa tête est dotée de deux caméras stéréoscopiques (vision en 3 D) et d’un télémètre à infrarouge (pour la mesure des distances dans son environnement immédiat). Elle intègre également un écran tactile. Des vérins électriques lui permettent de se redresser ou de s’accroupir. Autonome, il peut se déplacer dans toutes les directions. 

Rien de spectaculaire a priori. Pourtant ce prototype, ouvert aux développeurs, a la capacité de devenir un véritable « assistant expert ». Connecté en permanence pour interroger des bases de connaissances à distance, il peut, par exemple, contribuer au diagnostic d’une panne sur une chaine de montage ou aider à la réparation d’un engin. En associant des images HD (en relief) à ses capacités d’analyse, il recueille toutes les données utiles et les confronte à des bases extérieures (documents de maintenance, rapports techniques, etc.). Ce robot pourrait vite se rendre irremplaçable, à mesure que son expertise va croître grâce à des algorithmes de ‘machine learning’ et d’intelligence artificielle. 

 

Formateur et pédagogue 

Les robots à forme humaine trouvent également leur place dans le secteur de la formation. Traducteur, répétiteur (jusqu’à corriger votre prononciation…), le « robot prof » montre une infinie patience, ne se lasse pas de répéter 10 fois la même phrase ou proposition. Il va pouvoir enseigner des dizaines de langues étrangères ; ou vous démontrer tous les théorèmes mathématiques, avec force courbes graphiques, tout en vous accompagnant dans la progression des connaissances. 

Sur l’archipel nippon, toujours, dans la région de Fukushima, celle marquée par la catastrophe du tsunami de 2011, le petit robot Pepper fait son apprentissage à la Shoshi High School de Waseda. Il fait son apprentissage aux côtés des étudiants. Dans quelque temps, il sera capable de restituer aux promotions suivantes toutes les connaissances acquises. 

 

Des perspectives très prometteuses 

Les évolutions de la robotique n’ont pas fini de nous surprendre. D’innombrables développements existent de façon fragmentaire. Dans un avenir proche, on ne manquera pas d’en faire la synthèse pour des applications qui reste à imaginer. 

De multiples questions continueront de se poser – dont celle des destructions d’emplois dues à la robotisation ou celle de l’intelligence de ces machines « apprenantes ». Clairement, nombre de ces robots vont se substituer à des tâches manuelles et même « intellectuelles » au sens du traitement d’informations. Ce qui n’est pas nouveau. Beaucoup de robots se sont imposés pour des raisons de productivité, mais aussi de sécurité, pour prévenir, par exemple, la manipulation de substances toxiques ou pour diminuer, sinon éliminer, la pénibilité ou la dangerosité de certains travaux. « Ce sont les pays les plus automatisés (Chine, Japon, Corée du Sud, Etats-Unis, Allemagne) qui ont le plus faible taux de chômage », constate un récent rapport de l’OCDE. 

Sans être aveugle sur des risques de dérives (certains individus se rêvent toujours apprentis sorciers…), l’optimisme commande de croire à des applications bénéfiques. A l’heure du digital et sous réserve d’une gouvernance citoyenne effective, les robots doivent contribuer aux performances de l’entreprise tout en favorisant le mieux-vivre-ensemble.

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