Et de trois ! Après la chute fin juillet des titres Facebook et Twitter, dont les cours ont respectivement été sanctionnés en bourse à hauteur de -19% et -25%, le « petit frère » Snapchat, montre à son tour des signes de vacillement. En cause, la perte de trois millions d’utilisateurs actifs quotidiens entre le premier et le deuxième trimestre, annoncée il y a quelques jours. Anecdotique ? Ou phénomène plus profond ? La question mérite d’être posée. Jérémie Mani, président de Netino by Webhelp, une start-up qui écoute et analyse « le bruit » sur la toile – entre autres missions sur les réseaux sociaux – apporte son éclairage pour Forbes.
Après Facebook et Twitter, Snapchat a annoncé à son tour la perte significative d’abonnés : entre le premier et le deuxième trimestre, l’application prisée des Millennials a perdu trois millions d’utilisateurs actifs quotidiens. Est-ce une tendance anecdotique ou, alors, révélatrice d’un phénomène plus profond ?
Gardons en tête que cela fait au moins deux ou trois ans que l’on annonce une lassitude vis-à-vis des réseaux sociaux…Et pourtant, ils demeurent toujours très utilisés aujourd’hui (60% des Français sont actifs sur les médias sociaux, et à l’échelle mondiale, 3.2 milliards de personne, source Hootsuite). Tout dépend de l’angle considéré. Certes, le nombre d’utilisateurs actifs sur Facebook ne progresse plus en Europe et en Amérique du Nord, toutefois il continue de s’accélérer en Asie et en Afrique ! Le phénomène de désaffection est davantage prégnant chez les plus jeunes, qui se détournent du plus célèbre des réseaux sociaux car ils l’associent à une plateforme conçue pour leurs aînés, « les vieux » pour reprendre leur jargon. Ce désintérêt est tout à fait normal sur cette cible…laquelle fuira toujours les lieux (virtuels comme physiques) fréquentés par les parents ou grands frères, dans l’optique de se retrouver « entre eux ». Il est aussi intéressant de voir qu’une part non négligeable de la jeune génération reste très active sur Instagram…qui appartient à Facebook.
Je nuancerai mon propos s’agissant de Twitter, puisque cette baisse d’abonnés peut sérieusement impacter le site de micro-blogging à long terme. Ce média – aussi puissant soit-il – n’a pas encore trouvé de modèle économique viable, et peine également à s’imposer dans le format vidéo (Périscope n’est pas un succès flagrant, par exemple). A cela, le réseau social pâtit de ses difficultés à modérer les propos de ses utilisateurs, l’agressivité et la culture de la « haine » (communément appelé les « Haters ») chez certains y sont très fortes. D’ailleurs, même notre Secrétaire d’Etat chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi – suggère à demi-mot de s’en détourner. N’a-t-il pas invité, cet été, les internautes à lui emboîter le pas en supprimant leur compte Twitter ?
Enfin, concernant Snapchat, il s’agit essentiellement des conséquences de son changement de design en début d’année, le mécontentement a été assez unanime. De plus, différentes applications émergent et drainent ces mêmes utilisateurs, je pense notamment à Houseparty (service connectant jusqu’à huit amis via des appels vidéo déclinés dans une interface avec écran de discussions qui se scinde en autant de cases que de participants, NDLR). C’est la nouvelle App à la mode chez les adolescents américains.
En clair, je ne suis pas vraiment inquiet pour Facebook et consorts, dans la mesure où s’ils se montrent capables de faire preuve de créativité, de se renouveler au gré des attentes et des usages de leur audience respective, alors ils sauront traverser les générations.
Ces plateformes ont prospéré à la faveur d’un modèle économique fondé sur l’exploitation des données personnelles des utilisateurs pour dégager des revenus publicitaires ; l’entrée en vigueur en Europe du Règlement général sur la protection des données (RGPD) – dont la finalité est de redonner davantage de contrôle aux internautes qui ont désormais voie au chapitre dans l’exploitation de leurs données – a-t-elle enrayé la machine ?
En vigueur depuis mai dernier, je n’ai pas le sentiment que le RGPD soit à l’origine d’un chambardement. Au final, les internautes ont surtout reçu une profusion de courriels leur demandant d’accepter des « conditions générales nouvelles »…et nous sommes certainement pas nombreux à nous lancer dans ce fastidieux exercice de lecture. Notons cependant la gestion proactive de Facebook qui a décidé d’étendre le principe du RGPD à l’ensemble de ses utilisateurs, y compris hors des frontières européennes. C’est un gage de transparence bienvenu tant pour les inscrits que pour les annonceurs.
Restons sur Facebook : le premier des réseaux sociaux teste actuellement en interne un service de rencontres en ligne ; la diversification de l’offre est-elle un nécessaire pivot pour pérenniser l’avenir des médias 2.0 ?
Avec une audience s’élevant à 2.23 milliards d’utilisateurs actifs (selon les chiffres communiqués par le troisième des Gafa), il est effectivement tentant de vouloir élargir son « terrain de jeu », en s’inspirant notamment des applications chinoises qui combinent de nombreux services (bancaires, rencontres, …). Mais, encore faut-il savoir le faire ! Qui se souvient de Yahoo Personals, le service de Dating de l’ancien colosse, lancé alors que l’entreprise agrégeait une audience record ? Cette tentative de diversification n’a pas fonctionné en raison d’une meilleure maîtrise du sujet par d’autres acteurs, à l’instar de « Match.com » aux USA. Nous verrons si Facebook saura éviter les écueils rencontrés par son compatriote au passé jadis glorieux.
Stories, vidéos, live, commande vocale… Ces nouveaux formats sont-ils en passe de supplanter les interactions conversationnelles proposées par ces réseaux sociaux ?
Très compliqué de répondre de façon définitive. D’une part, parce qu’il y a le facteur propre à « « l’effet de mode » et, donc par extension, nous nous heurtons à un manque de recul. Ainsi, les Stories, les live…sont des formats originaux jusqu’au jour où tout le monde se met à en faire. D’autre part, les commandes vocales ont émergé trop récemment pour en tirer des conclusions à long terme. A mon sens, nous sommes encore au stade de laboratoire avec des règles du jeu qui évoluent au rythme des changements d’algorithmes opérés par les grandes plateformes.
A horizon de la prochaine décennie, comment voyez-vous évoluer notre rapport aux réseaux sociaux ? Quels usages et attentes se dessinent ?
J’estime que nous ne parlons pas assez de l’arrivée imminente de la 5G. Les débits en mobilité seront 20 fois supérieurs à ce que l’on connait aujourd’hui. De fait, il y aura forcément l’introduction de nouveaux usages ou de services rendus possibles et pour lesquels, nous entrevoyons à peine l’étendue. Gageons qu’en 2028, nous regarderons 2018, comme la préhistoire des réseaux sociaux !
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