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Réalité Virtuelle, Sexe Et Chocolat : Le Désir Dans Un Monde Post-Virtuel

Crédits : hotsaucedrops.com

Dans une note récente sur la réalité virtuelle, nous avions étudié deux technologies capables de changer notre expérience humaine : les communications à interfaces invisibles et les communications intelligentes (appelées aussi i2i). Les interfaces invisibles n’exigent pas de réelles « interfaces » – pas de contact physique, de voix ni de gestuelle – pour que l’on puisse communiquer avec des systèmes informatiques, et enregistrer des données directement dans nos cerveaux. Les interfaces invisibles permettent également l’utilisation de communications intelligentes entre humains et/ ou Intelligences Artificielles, plus communément connues sous le nom télépathie. 

Le patron de la startup Neuralink, Elon Musk, et Bryan Johnson, le fondateur de Kernel, étudient tous les deux différentes versions d’interfaces invisibles. Cela suggère que les recherches récentes en neurosciences ont démontré une possibilité que ces technologies soient accessibles sous peu. Dans cet article seront explorés l’implication d’une de ces technologies ainsi que son potentiel de transformation sur l’expérience humaine.

Pensez à un plat que vous mangeriez volontiers si vous n’aviez pas de contraintes. Le plat le plus gras, le plus sucré imaginable. Maintenant, imaginez pouvoir manger ce plat sans calories. Une expérience viscérale dans sa globalité, sans avoir ingéré une seule miette. Cela illustre ce que l’on appelle le découplage –  la dissociation des désirs humains de leur moyens d’assouvissement traditionnels. Les recherches montrent les premiers pas vers quelque chose de prochainement possible. 

Imaginez manger un gâteau au chocolat. Pendant que nous mangeons, nous envoyons des données à nos appareils cognitifs. Ces mêmes données prodiguent le plaisir ressenti lorsque l’on mange vraiment un gâteau au chocolat. Sauf que le plaisir n’est pas le gâteau en lui même, mais notre expérience neurologique de ce même gâteau. Découpler nos capacités sensorielles (l’expérience du gâteau) de notre instinct de survie sous-jacent (alimentation) sera bientôt à notre portée. Être capable de « manger des gâteaux, sans vraiment les avaler.« 

Si cela venait à se réaliser, nous serions capable de combler nos besoins nutritionnels avec moins d’approvisionnement. Pensez au film « Soleil Vert » mais en plus avancé (et non pas fait d’humains). Des apports nutritionnels personnalisés pour chacun d’entre nous, basés sur nos génomes, microbiomes et d’autres. Les régimes enfin libérés de la tyrannie du désir. 

Nos désirs sont le résultat des avantages apportés par notre environnement. Ils motivent certains comportements qui conduisent à des liaisons neurologiques et donc à la répétition et au mimétisme. Notre désir d’avoir le goût du sucré, du salé garantit que nous mangeons dès que de la nourriture est à notre portée, une adaptation positive lorsque la nourriture se faisait rare. Aujourd’hui, de telles envies peuvent entre autre conduire au diabète et à l’obésité. Nous sommes aujourd’hui plus susceptibles de mourir de sur-nutrition que de mal-nutrition. 

Sexualité et relations dans un monde découplé

D’ici à quelques dizaines d’années (peut-être même avant), les nouvelles technologies nous permettront de déchiffrer les liaisons neuro-physiques. Dans un monde découplé, les apports matériels ne seront nécessaires que pour notre survie. L’exemple le plus parlant serait la mécanique des 4F de la survie (en anglais) : feeding (se nourrir), fighting (se battre), fleeing (fuir) et mating (s’accoupler).

Notre sexualité surpasse les exigence nécessaires à la procréation. Des solutions virtuelles telles que la pornographie existent, mais ne sont que des caricatures d’expériences réelles. Dans un monde où les interactions sexuelles et sociales entre humains font peu à peu place à la réalité virtuelle, de nouvelles formes de sexualité apparaissent. Le sexe véhiculé par les nouvelles technologies pourra compléter, voire même remplacer la forme que nous lui connaissons. Imaginez un système de réalité virtuelle conçu pour répondre de manière optimale à chacune de nos préférences individuelles. Maintenant, imaginez la perspective de rencontrer quelqu’un pouvant combler vos attentes, naturellement. Plus de science-fiction, nous contrôlons notre mécanique neurologique qui gère le plaisir.

Cette proposition peut paraitre inquiétante car elle présente un monde assez différent de celui dans lequel on vit. La pornographie crée des situations et des attentes irréalistes. Des études ont d’ailleurs montré qu’être exposé à un type de pornographie spécifique à plusieurs reprises, peut changer les goûts et préférences de certains. L’accès sans limite à de telles simulations  peut rendre les gens plus renfermés et moins sujets à s’ouvrir aux autres, un autre risque serait que le sexe dans nos relations prenne une place différente. Comment se formeront nos relations, nos moyen de communiquer et de se faire confiance  dans les années à venir ? 

Notez que la comptabilité sexuelle entre deux personnes est souvent en corrélation avec d’autres facteurs extérieurs, notamment l’équilibre de la relation. Est ce que le « découplage » pourrait compromettre la manière que nous avons d’appréhender le sexe ? De nouvelles possibilités sexuelles pourront s’ouvrir à nous, avec ou sans interactions humaines. On peut imaginer que certains favoriseront des relations plus intimes avec des humains, désintéressés de  tout rapports physiques ou sexuels. Les affirmations comme « ce qui me plait chez lui/elle, c’est sa personnalité » prendront plus de sens.

Certains d’entre nous rechercheront des relations et expériences de plus en plus intenses au risque de devenir dépendants. Il sera donc primordial d’avoir une meilleure compréhension des mécanismes reliés aux dépendances en tout genre. Parallèlement, le fait d’avoir trop de choix, trop de possibilités, trop de libertés peut rendre l’expérience moins excitante. Le concept de consommation ostentatoire de l’économiste Thorstein Veblen pourra s’expliquer et s’appliquer dans une génération motivée par l’abondance, plus expérimentale que jamais.

Vaincre les compromis éthiques et environnementaux 

Le « découplage » mène à une perspective de réduction des empreintes éthiques et environnementales que nous laissons. La rationalité et la compassion n’ont pas réellement eu d’effet sur nos changements comportementaux. Fumer tue, pourtant des millions  de personnes fument. Avoir de mauvaises habitudes alimentaires peut causer des maladies sur le long terme, imperceptibles sur le moment. Même à l’échelle planétaire, tout le monde est conscient de l’impact humain sur le réchauffement climatique, et pourtant les seules mesures concrètes ont été prises par le biais d’interventions fermes des gouvernements.

Le dilemme environnemental et éthique auquel nous faisons face aujourd’hui, c’est la surproduction et surconsommation de viande. L’élevage animalier et l’une des principales causes du réchauffement climatique. Tout le monde recule de dégout et de honte devant des images de violences faites sur les animaux, pourtant nous continuons de consommer en masse. Le « découplage » offre des alternatives plus acceptables en réponse à ces problématiques.

Doucement mais sûrement 

La race humaine a toujours recherché la satisfaction détachée de toutes conséquences. Les sodas sans calories nous promettent le même goût,  mais sans sucre. Le porno est une copie bâclée de la réalité. Aucun de ces deux concepts ne nous apporte entière satisfaction, en étant, d’ailleurs, peu proche de la réalité, ce qui génère de nouveaux challenges à relever. 

L’existence virtuelle globale pourrait avoir un impact négatif sur nos activités physiques. Notre santé et l’état de notre corps dépendent de notre activité physique. Le bien-être de cette nouvelle génération requiert de nouvelles approches et technologies pour durer. Une opportunité commerciale énorme.

Le « découplage » pourrait même menacer notre survie. Nos cerveaux n’ont pas évolué de manière à dissocier les simulations et sensations nutritionnelles ou sexuelles des réels rapports et interactions. 

Dans un monde de plus en plus technologique, nous devenons les  sujets de nos expérimentations. Dans un monde « découplé », nos automatismes de survie disparaissent. Continuer à procréer et interagir avec autrui exigera une réelle gestion – consciente ou automatisée, individuelle et/ou en groupes – et ne résultera plus de nos appétits et envies.

En extrapolant le « découplage », la seule et logique conclusion suggère d’éviter de mettre nos corps dans le besoin, proche du concept de cyber-existence. Cela arrivera t-il et quand ? Nous – par le biais de nos nouvelles technologies – sommes en train de construire nos propres réalités. Pour être prêts, nous devons spéculer, imaginer, débattre et s’engager. Nous serons les victimes ou les maîtres des nouvelles générations, sans demi-mesure.

 

 

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