Google et Facebook captent la quasi-totalité des revenus publicitaires en ligne. Plus de 2000 groupes de presse américains, réunis dans la News Media Alliance, demandent une modification de la loi anti-trust pour récupérer une part du gâteau, au nom de la bonne marche de la démocratie.
« Dès que le président Trump attaque CNN ou réprimande le Washington Post, journalistes et défenseurs de la liberté d’expression se lèvent pour protéger les médias et le premier amendement », écrit David Chavern, à la tête de la News Media Alliance qui regroupe 2000 entreprises de presse, print et web, régionaux et nationaux, aux Etats-Unis et au Canada. « Pendant ce temps, poursuit-il, une plus grande menace plane sur l’industrie des médias américains et qui demeure largement peu notée : la domination du duopole Google et Facebook sur la publicité en ligne, qui pourrait faire beaucoup plus de dommages à la liberté de la presse que tout ce que peut dire le président dans ses posts Twitter. » Paradoxe de notre temps, et vent de fronde dans les médias américains. Dans une tribune intitulée « Comment la loi anti-trust porte atteinte à la liberté de la presse » diffusée le 9 juillet sur le Wall Street Journal, David Chavern partage l’inquiétude de News Media Alliance.
Le duopole Google et Facebook
Selon David Chavern, « 70% des 73 milliards de dollars » dépensés en publicité en ligne aux Etats-Unis sont captés par Google et Facebook. Pire, entre 2015 et 2016, les revenus de la publicité en ligne ont crû de 22%, passant de 59,6 milliards à 72,5, mais 99% de ces nouveaux budgets sont accaparés par ce duopole de GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). « 80% du trafic en ligne référencé provient de Google et Facebook », écrit-il. « Un business immensément profitable », leurs gains s’élevant respectivement à 19 et 10 milliards de dollars l’an passé.
Or, poursuit David Chavern, « les deux géants du numérique n’emploient pas de journalistes. » Ils ne supportent donc pas le poids, extrêmement coûteux, de produire de l’information. « Même si le journalisme est souvent irritant pour ceux qui sont au pouvoir, écrit Chavern, des informations et des analyses de qualité sont essentielles à tout système politique qui dépend du fait de donner aux citoyens des faits, afin qu’ils esquissent leurs propres conclusions. »
Dans un article publié le lendemain, le News Media Alliance précise : « à cause de ce duopole, les éditeurs sont forcés d’abandonner leur contenu et jouer selon leurs règles sur comment les nouvelles et l’information doit être présentée, hiérarchisée et monétisée. Ces règles ont standardisé les infos et laissé la place aux fake news, qui ne peuvent bien souvent plus être différenciées des vraies nouvelles. »
Pour un assouplissement des lois anti-trust
Pour contrer cette « inexorable menace », écrit David Chavern, les éditeurs de presse devraient pouvoir se lier, « négocier avec Google et Facebook – pour mieux protéger la propriété intellectuelle, proposer de meilleurs supports pour les modèles d’abonnement et une part équitable des revenus des données – ils pourraient construire un future durable pour le business des médias. » Mais aux Etats-Unis, les lois anti-trust de 1890 et 1914 – dont le rôle est d’éviter toute concentration économique – empêchent les médias d’unir leurs forces, ce qui s’apparenterait à une entente entre entreprises d’un même secteur.
La News Media Alliance propose donc un assouplissement de cette loi anti-trust par une nouvelle législation donnant la possibilité aux « éditeurs de presse de négocier collectivement avec des plate-formes en ligne dominantes. »
En Europe, l’offensive est déjà en marche
En Europe, début juillet, une centaine de médias, ainsi que les groupes SFR et Fnac Darty annonçaient qu’ils comptaient partager leurs données publicitaires, grâce à une alliance appelée Gravity. À partir de la fin de l’année 2017, les annonceurs auront accès à un guichet unique pour acheter les espaces publicitaires sur les différents sites des groupes tels que Lagardère Active, Next Radio TV, Les Echos-Le Parisien, les groupes de presse régionale… Il ne s’agit pas de fusionner les régies publicitaires, mais d’être plus performants sur la « publicité programmatique », une forme de publicité en ligne qui fonctionne grâce à des algorithmes et un système d’enchères. Une publicité qui, selon l’AFP, représentait déjà 53% des ventes numériques en 2016.
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