Comme depuis quelques années, une partie du cortège grandissant des 190 000 visiteurs arpentant les allées du Consumer Electronics Show (CES), déplorera le manque d’inventivité de la grand-messe planétaire new tech. « Le CES a-t-il jamais présenté une innovation de rupture en exclusivité ? ». Et comme chaque année, ils seront tous là, arborant pour certains les badges dorés des alumni des CES de plus de 5, 10, 15 et 20 ans, voire plus. Car ce rendez-vous de la tech est passé du statut de salon des biens de consommation électroniques à celui de terre sainte de l’innovation mondiale, pas moins.
Quitte d’ailleurs à marcher sur les plates-bandes du Mobile World Congress de Barcelone, l’événement mondial de la GSMA, le club des opérateurs télécom. Il est indéniable que les critiques, pour beaucoup jalouses, faites au CES, coïncident avec une montée en puissance qualitative impressionnante du salon star de la 5G et ses désormais près de 110 000 visiteurs. On parlera donc beaucoup de 5G, réseau, qualité de service et sécurité cette année au CES. Mais je réserverai mes avis sur le sujet pour le MWC.
Si l’on reste en harmonie avec ce qui fait l’ADN du CES, le thème majeur de 2018 sera probablement celui de l’humanisation, ou plutôt d’une meilleure adaptation à l’humain des technologies robotiques et de réalité virtuelle.
Des robots domestiques empathiques et sensibles
Beaucoup des robots domestiques découverts l’année dernière seront encore présents en 2018, sans grande évolution visible de leur design physique extérieur mais dotés de capacités intelligentes à un niveau de prix très abaissé. Au-delà de la prouesse technologique des années passées, le véritable enjeu apparaît désormais clairement : l’usage et son intensité avec son point d’appui crucial, la confiance. Comme Djingo, Alexa et les autres, ces robots s’apparentent à des assistants personnels. Mais y a-t-il une forte plus-value à les rendre mobiles, à les animer d’expressions ?
C’est une question importante du prochain CES. Quelle place pour les robots face aux assistants virtuels d’applications mobiles ou de smart speakers et autres enceintes connectées ? Et comment ne pas aspirer à l’expression d’une personnalité propre, adaptée à l’objectif du robot et à son contexte familial ?
Le robot domestique Heykuri, conçu par un ancien designer de Pixar, allie empathie et interactions au toucher, à la voix, aux sons, ou encore via la perception vidéo de son environnement. L’expression de son humeur – satisfaction ou réflexion – est retransmise par un jeu de couleurs. Un challenge complet accompli pour 800 dollars !
Dans le même sens, Honda focalise ses travaux sur l’acceptabilité de ses robots, de son intelligence artificielle par l’humain en réduisant par exemple leurs dimensions physiques, en les dotant d’un sourire. Comme les drones apparus au CES d’abord comme des jouets, puis adaptés à des usages professionnels, les robots de Honda s’immiscent fortement dans le monde B2B avec deux engagements majeurs : être utiles et empathiques.
L’univers du foyer reste pour autant un enjeu stratégique de conquête. La famille n’est-elle pas souvent comparable à une petite entreprise en constante mutation ? Du robot ludo-éducatif, véritable compagnon multimédia de la famille capable de transmettre des émotions, de suivre l’évolution de l’enfant au fil de son apprentissage, de ses envies et empreint d’une certaine empathie, au robot domestique de surveillance de votre chien, conçu par une autre marque – il s’occupe de lui en votre absence – en passant par la simple poubelle de cuisine pilotée par la voix ou un geste de la main – qui n’a jamais rêvé de parler à sa poubelle, franchement – on peut constater que tous les registres d’humanisation et de simplification de la vie à la maison sont analysés et transformés.
Et les frenchies sortent une fois de plus bien placés dans cette compétition mondiale avec notamment Buddy de Bluefrogrobotics et son best of innovation CES 2018 !
Et cette tendance ne s’arrête pas aux robots, loin s’en faut..
Des réalités virtuelles et augmentées en quête de sens
VR et AR ne font pas exception à ce besoin d’humanité et de sens, dans toutes les dimensions du terme. Apparue succinctement les années précédentes, la reproduction du toucher et de la résistance ou feedback non seulement à des surfaces mais également à proximité des surfaces se généralise.
Tactuallabs propose une variété de cas d’usage et de mise en situation tout simplement exceptionnelle. Même si les démos se révèlent très technos et sorties de labo, l’aptitude au marché des exemples proposés, dans un contexte de réseau fibre ou 4G+/5G à faible latence, ne fait pas grand doute. Le jeu en particulier va pouvoir rencontrer le sport et lui donner une dimension sociale distante, comme holotennis l’avait démontré lors de Roland Garros 2017. Si vous avez troqué vos séances de Zumba pour un fitness plus « intense » de type TRX – Total Resistance eXercise – vous adopterez probablement facilement la blackbox-VR et son expérience de fitness avec cordes motorisées pour résister à la demande aux mouvements du sportif.
Et si comme moi, vous vouliez apaiser vos courbatures et adoucir votre réveil musculaire, il ne vous reste plus qu’à tester le siège massant proposé par une entreprise, lequel vous permettra de « sentir » physiquement la musique. Hard rock déconseillé..
Vision immersive 360° virtuelle ou augmentée, retour de force, son dolby atmos ou simplement enveloppant : ne manque que les odeurs, et notre jeune spécialiste français du réveil olfactif Sensorwake annonce un partenariat avec Disney pour amener cette dimension en VR ou dans de « simples » jeux vidéo.
Une sensibilité des objets qui se généralise
Le CES vous donne, d’une année sur l’autre, le sentiment palpable, physique, des tendances technologiques à l’œuvre au niveau mondial ainsi que la magnitude des investissements consentis par une multitude d’acteurs pour tenter de transformer une tendance en industrie, tout en captant l’avantage compétitif du « first mover » ou premier entrant. Nous avons tous pu ressentir cela sur l’impression 3D, les drones, la TV 4K, les smartphones et leurs différentes caractéristiques, et plus récemment sur le big data, l’Intelligence Artificielle, l’Internet des Objets et la robotique.
Le CES 2018 semble annoncer une intégration massive aux objets de la reconnaissance facile, de la gestion réactive et de la simulation d’émotions, du comptage vidéo et bien sûr, le tout en mode « low cost ».
Une ultra-personnalisation en marche
Humaniser ses interfaces, ses robots, ses dialogues passe inévitablement par une personnalisation poussée et le développement d’un sentiment d’adaptation et d’apprentissage permanent des algorithmes qui se proposent à notre service. Les miroirs connectés que j’avais eu l’occasion de voir pour la première fois il y a quelques années au Japon dans le showroom de Panasonic diagnostiquaient avec précision les besoins particuliers de votre peau en fonction de votre état physique, de la météo du jour et de la pollution prévue.
Les français de Romy – déjà présents l’an dernier – pourraient désormais interfacer leur dispositif à de tels terminaux interactifs pour adapter à la demande la bonne formule de crème de jour ou de nuit du moment. Et pour rester au meilleur de soi-même tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, Lifefuels vous permet quant à lui de personnaliser votre eau à boire au cours de la journée, via des capsules dosées en conséquence et qui mettent à votre disposition une large palette de combinaisons.
Des technologies industrielles qui deviennent accessibles au plus grand nombre
Personnaliser les biens de grande consommation peut sembler utile mais on n’imagine pas en la matière de barrière à l’entrée colossale. Il en est différemment de certaines technologies pointues et coûteuses de l’industrie. Il y a vingt ans, le marché business ou B2B imprimait le monde de sa modernité et promettait à moyen terme une répercussion sur le marché grand public. L’irruption de l’informatique personnelle via les ordinateurs personnels puis les smartphones a repositionné le moteur de l’innovation du côté B2C. Plus besoin d’attendre que les parents parlent d’innovation à leurs enfants. C’est bien ces derniers qui expliquent, encore aujourd’hui, l’apport usage et techno des nouvelles vagues d’innovation.
Pourtant, certains domaines onéreux et jusqu’alors considérés comme de « niche » ont résisté à ce tsunami B2C pour rester l’apanage des industriels.
Et si ces derniers bastions étaient amenés à tomber à leur tour ? Après tout, Elon Musk n’a-t-il pas ringardisé l’industrie de la conquête spatiale avec ses lanceurs low cost ?
Voici donc une sélection des pépites du CES 2018 qui vont nous aider à démocratiser des technologies et usages jusqu’alors réservés aux industriels.
Récompensés par un award CES, les marseillais de Lavie, qui comptent faire appel à une campagne de financement participatif, souhaitent démocratiser la purification d’eau du robinet par traitement UV. A raison de 20 minutes pour le traitement d’un litre d’eau, leur simulation de consommation électrique donne 1 euro pour 500 litres d’eau purifiée et une durée de vie des leds du système de l’ordre de 10 ans. De quoi voir venir..
Dans un domaine également applicable à la nourriture – analyse, traçabilité – mais pas seulement – art, santé, biologie, investigations criminelles – Specim propose un spectromètre de masse ultra précis dans le facteur de forme d’un appareil photo. C’est dans la poche..
Toujours dans l’analyse, mais de l’infiniment loin cette fois, le passionné d’astronomie que je suis n’en peut plus d’attendre le test du système d’amplification « intelligent » de la lumière pour télescope développé par UniStellarOptics. Déjà 2 millions de dollars levés sur Kickstarter pour cette belle technologie et son app mobile pour comprendre les étoiles. Le plaisir d’une astronomie plus accessible à portée d’algorithme..
Et pour terminer la sélection des pépites de cette rubrique, ma préférence va sans doute aux écouteurs avec traduction instantanée Mars, fruit de la collaboration des sociétés Nave et Line. Le système est pour l’instant destiné au marché Coréen et s’appuie sur Clova, l’IA de Line. Chaque locuteur n’a besoin que d’une oreillette et le système traduit déjà à la volée les conversations d’une oreillette à l’autre en dix langues ! Parmi la vague des nouveaux assistants vocaux de salon et de leurs « smart speakers », Line a dernièrement lancé son service et son terminal au Japon sous le nom de Clova Wave.
Souci quotidien et environnemental majeurs, l’état de nos batteries !
Au CES ou ailleurs, travail, vacances, week-end, une bonne partie des occurrences de consultation de notre smartphone concerne son niveau énergétique. Comme nos ados l’ont instauré, la couche wifi s’est positionnée sous les besoins vitaux de l’alimentation dans la célèbre pyramide de Maslow.
Alors le CES2018 n’entend malheureusement pas régler le sujet, mais nous donner quelques solutions temporaires, en attendant le stockage durable et les énergies solaire ou cinétique abondantes.
En attendant la fin de la technologie batterie Lithium au profit de solutions organiques plus durables du type de celles d’Armor Group, je pense que vous serez attentifs à l’optimisation obtenue par Enevate. En effet, leur moisson d’awards sur ce CES2018 n’a de comparatif que leur performance sur batteries Lithium Ion avec une charge 8 fois plus rapide et 50% de capacité supplémentaire !
Côté innovation de business model appuyée sur de l’IA, Lancey présente le premier radiateur électrique intelligent avec batterie intégrée pour un chauffage électrique au prix du gaz.. Le client achète un radiateur électrique performant au prix du marché et Enedis lui loue une batterie pour réaliser de l’effacement.
Oscillations entre cloud et physique, et à la fin..
On la pensait en sursis, mais il se pourrait bien qu’elle subsiste un peu plus longtemps que prévu.. DynamicSinc a en tout cas décidé de relevé les compétences de la fameuse carte bleue avant sa probable intégration définitive au terminal portable dominant et le tout aussi probable portage de ses super pouvoirs dans le cloud. La carte bleue devient ainsi presque aussi intelligente qu’un smartphone – il lui manque encore l’audio – en intégrant des boutons de fonctions. Concept très proche de la solution des Rennais de OneWave avec la carte qui les fédèrera toutes : « la One Wave vous permet de laisser toutes vos cartes à la maison pour n’en garder qu’une seule ».
Dans un sens de mouvement résolument vers les cloud, un de mes chouchous est clairement Shadow de Blade ! Un PC de compète par abonnement, virtualisé dans le réseau, toujours à jour et accessible soit via un boitier à la maison sur lequel il possible de brancher un clavier, une souris, un écran, des manettes de jeu, du RJ45, etc.., soit de façon logicielle via un PC, une tablette ou un smartphone. Juste excellent..
Le rêve de Sun est là : un raspberry pi, une dalle, une bonne connexion internet et c’est parti ! J’ai testé un jeu en ligne sur le boitier shadow en commençant sur une TV de salon puis en basculant sans couture dans le déroulé du jeu sur un PC et en finissant de la même manière – c’est-à-dire avec un handover parfait – sur une tablette.
En conclusion, je m’attends à un CES de grand niveau, avec une délégation française au diapason et une accélération considérable dans tous les secteurs précités. Egalement, je pressens un besoin pour l’événement de s’installer un peu plus encore sur les domaines jusque-là prérogatives du MWC. Peut-être une année charnière si le CES ne parvient pas à gagner en lisibilité sur sa raison d’être dans le nouveau paradigme technologique qui nous envahit.
Pour le voir et le savoir, rendez-vous donc du 9 au 12 janvier à Las Vegas !
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