Porsche fait une entrée remarquée dans l’univers de l’informatique spatiale avec le lancement de son application « 911 Spirit 70 », conçue pour le casque Apple Vision Pro. À présent disponible sur l’App Store dédié, cette nouvelle expérience interactive permet aux utilisateurs d’explorer une Porsche 911 en réalité augmentée, directement dans leur environnement. Ils peuvent l’admirer sous tous les angles et la configurer en temps réel, pour donner vie à la voiture de leurs rêves.

« Grâce à l’application Porsche 911 Spirit 70 conçue pour le casque Apple Vision Pro, nous souhaitons faire revivre à nos clients et passionnés l’atmosphère unique des années 1970 — une décennie haute en couleur, riche en matériaux emblématiques et jalonnée de succès qui continuent d’inspirer l’identité de Porsche aujourd’hui », explique Boris Apenbrink, directeur de Exclusive Manufaktur Limited Series & Options. « Cette application permet à nos clients de plonger dans les coulisses de la conception des modèles emblématiques des années 1970, tout en leur offrant la possibilité de personnaliser, en version numérique, la voiture de leurs rêves », souligne Lars Krämer, directeur des innovations chez Porsche.

Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG
La force de l’application réside dans sa fonction de personnalisation en temps réel : les utilisateurs peuvent instantanément ajuster la couleur de la carrosserie, le design des jantes, les matériaux de l’habitacle ou encore les finitions. Chaque modification s’accompagne d’un éclairage historique, dévoilant la signification de ces éléments dans l’univers du design Porsche. L’expérience est également enrichie par un son spatial immersif, recréant fidèlement les rugissements du moteur et les sons mécaniques caractéristiques de la 911.
Ce n’est toutefois pas la première incursion de Porsche dans l’univers d’Apple Vision Pro. Depuis le lancement du casque au début de l’année 2024, la marque explore activement ses possibilités à travers l’ensemble de ses activités : transformation des événements presse, formation immersive en atelier ou encore assistance aux ingénieurs de course grâce à des données en temps réel.
Des cockpits aux casques audio : la longue histoire de la personnalisation automobile
Bien avant l’ère de la production en série, la personnalisation automobile relevait de l’artisanat pur. Des carrossiers de renom façonnaient à la main des véhicules sur mesure pour l’élite, transformant chaque voiture en objet unique, reflet du prestige et du style de son propriétaire. Au tournant du XXe siècle, alors que les automobiles remplaçaient peu à peu les attelages, des noms comme Pininfarina, Zagato ou Karmann se sont imposés comme des pionniers de la carrosserie personnalisée, adaptant leur savoir-faire aux nouveaux châssis motorisés.
Ces artisans de la première heure ont ouvert la voie à la personnalisation telle qu’on la connaît aujourd’hui, en plaçant la relation client au cœur du processus. Chaque projet reposait sur une collaboration étroite, où design, matériaux et finitions étaient choisis dans un dialogue constant entre le carrossier et le commanditaire.
Lorsque la production de masse a révolutionné l’industrie, les salles d’exposition de voitures sont passées de simples garages à des déclarations architecturales grandioses. La « Art and Colour Section » de General Motors, créée en 1927 sous la direction de Harley Earl, a révolutionné la façon dont les voitures étaient exposées. Des showrooms élégants, dotés d’un éclairage théâtral, de plateformes rotatives et d’un décor luxueux, ont permis de faire passer la voiture du simple moyen de transport à un véritable symbole de style de vie et d’aspiration.
La révolution numérique des années 1990 et 2000 a vu émerger les premiers configurateurs en ligne, offrant aux consommateurs la possibilité de jouer avec couleurs et options sans quitter leur salon. Ces outils ont rendu la personnalisation accessible à tous, mais sans retrouver le contact sensoriel et immersif des showrooms traditionnels. Les constructeurs ont alors testé des applications de réalité augmentée, permettant d’afficher des véhicules virtuels sur l’écran d’un smartphone. Des expériences prometteuses, mais encore limitées par la taille et les capacités des appareils.
Aujourd’hui, l’informatique spatiale marque une nouvelle étape dans cette évolution, avec l’ambition de combler le fossé entre le confort du numérique et l’expérience physique. Reste à savoir si elle saura surmonter les défis techniques et d’usage pour réellement s’imposer.
Questions clés sur la pertinence et la valeur ajoutée
L’achat d’une voiture reste, encore aujourd’hui, une expérience profondément sensorielle. L’odeur des matériaux haut de gamme, le toucher rassurant des commandes, le ressenti immédiat de la conduite : autant d’éléments intangibles qui forgent le lien émotionnel entre un conducteur et son véhicule. Or ces sensations, par nature physiques, échappent encore largement à toute reproduction numérique fidèle. Le retour sensoriel subtil et l’émotion qui naît du contact direct avec la voiture restent au cœur du processus décisionnel.
Plus largement, alors que de nombreuses marques de luxe — des maisons de couture comme Gucci aux joailliers comme Bulgari, en passant par Rimowa ou les constructeurs automobiles — expérimentent l’Apple Vision Pro comme nouveau canal d’interaction, des interrogations émergent. Quel est l’intérêt réel pour le consommateur ? Ne s’agit-il pas, dans certains cas, d’innovations coûteuses aux bénéfices encore flous ?
Car si l’informatique spatiale suscite la curiosité, sa pertinence dans l’univers automobile grand public reste à démontrer. Pourtant, dans les coulisses, cette technologie a déjà fait ses preuves. Dans les domaines de l’architecture, de la décoration ou du design produit, elle s’est imposée comme un outil puissant de visualisation, de collaboration et de productivité, notamment auprès des équipes internationales. Cette valeur concrète dans le processus créatif offre une grille de lecture précieuse au moment où l’industrie automobile explore son potentiel en tant que nouveau point de contact client.
Une course effrénée vers l’informatique spatiale
Si Porsche est le premier constructeur automobile de luxe à adopter la plateforme d’Apple, le secteur de l’informatique spatiale connaît une évolution rapide. Google s’apprête à lancer sa propre plateforme, Android XR, cet été, promettant une plus grande accessibilité grâce à des solutions matérielles plus abordables proposées par divers fabricants.
Parallèlement, le projet Moohan de Samsung, un casque de réalité mixte développé en collaboration avec Google et Qualcomm, pourrait bien bouleverser la concurrence. Attendu pour cette année, il sera proposé à environ 1 800 dollars — soit près de la moitié du prix de l’Apple Vision Pro — et sera compatible avec l’écosystème Android. Ce lancement pourrait bien devenir le catalyseur qui rendra l’informatique spatiale non seulement plus accessible, mais aussi plus séduisante pour un public plus large. Toutefois, l’adoption effective et la valeur perçue de ces technologies dépendront en grande partie des développeurs, comme Porsche AG, qui façonneront les expériences utilisateur autour de ces nouveaux outils.
Évolution ou révolution ?
Du design des carrosseries aux casques audio, l’industrie automobile ne cesse d’évoluer. Avec son application visionOS, Porsche propose une expérience innovante dans le domaine des expériences numériques haut de gamme. Mais la question reste ouverte : est-ce un tournant majeur ou simplement un détour coûteux ?
À mesure que l’informatique spatiale devient plus accessible, notamment grâce à des plateformes concurrentes, son impact sur le secteur de la vente automobile se précise. Cette année s’annonce particulièrement riche, avec des événements attendus comme la WWDC 2025 d’Apple et la Google I/O 2025, où de nouvelles avancées pourraient redéfinir le paysage technologique. Mais pour l’instant, l’informatique spatiale représente avant tout un nouveau chapitre dans l’éternel dilemme entre commodité numérique et expérience physique, une dynamique qui façonne la vente automobile depuis la sortie du premier modèle T.
L’initiative de Porsche pourrait être visionnaire… ou prématurée. Quoi qu’il en soit, elle ne sera pas la dernière tentative pour repenser notre façon d’acheter, de personnaliser et d’interagir avec les voitures. La seule certitude : qu’il s’agisse d’un casque ou d’une salle d’exposition, le désir des consommateurs de personnaliser leur véhicule, une tradition qui remonte aux premiers carrossiers, continuera de pousser l’innovation dans le secteur.
Une contribution de Alex Levin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie
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