Kalev Leetaru travaille depuis 20 ans à ré-imaginer la manière dont l’homme se sert de la donnée et des technologie qui en découlent pour concevoir la société.
Créateurs de plusieurs start-ups, il est aujourd’hui devenu une sommité internationale. Ses travaux sont utilisés dans de nombreux pays pour préparer la société technologique future. Contributeur de Forbes.com, il s’est récemment exprimé afin de soulever les questions que tout Etat doit se poser à l’aube d’un avenir régit par la puissance de l’Intelligence Artificielle.
Au début du mois, Elon Musk, CEO de Tesla Motors, a fait les gros titres de la presse en suggérant que l’Intelligence Artificielle occupera bientôt la plus grande partie des postes occupés par des humains aujourd’hui.
Et ce, à un tel point que les Etats concernés seront obligés de prévoir l’application de programmes permettant à leurs citoyens de gagner suffisamment d’argent pour continuer à vivre sans travailler.
Est-ce que nos tendances technologiques actuelles confirment un tel avenir ?
Au cours des siècles, nos avancées technologiques ont entraîné avec elles de constants changements pour la société humaine. Elles ont éliminé des classes entières de professions pour les remplacer par d’autres plus spécialisées. Pourtant, l’Intelligence Artificielle vient secouer cette évolution naturelle en faisant disparaître des professions sans les remplacer.
Aujourd’hui, nous avons toujours besoin d’experts pour programmer les ordinateurs qui automatisent de plus en plus notre quotidien. Même la plus puissante des Intelligences Artificielles repose sur des algorithmes, des logiciels et des banques de données conçus par les humains. Toutefois, alors que l’IA s’approche du moment où elle deviendra capable d’écrire elle-même sa programmation et de fabriquer les robots qui lui seront nécessaires pour étendre son infrastructure informatique physique, quel rôle l’humain pourra alors jouer dans un tel monde ?
Quand Elon Musk évoque la nécessité d’un programme universel de revenus, il présume que les gouvernements joueront toujours un rôle prédominant dans cette société future. Qu’elle sera ainsi toujours gouvernée par des Etats.
Actuellement, les entreprises installent leurs bureaux là où elles peuvent acquérir le plus de talents. Mais, dans un monde où le talent humain ne sera plus exploité et où il n’y aura plus besoin de bureaux, la startégie de localisation de ces entreprises deviendra sans intérêt. Les Data Centers auront toujours besoin d’être positionnés près de sources d’énergie et d’eau (refroidissement liquide) mais les bureaux et les sièges sociaux pourront être n’importe où.
Nous constatons déjà qu’un grand nombre de sociétés ne déménagent plus par intérêt pour les ressources humaines mais simplement pour profiter de meilleures conditions économiques. Dans un monde où chaque Etat mettra en place un système de revenus universels (c’est-à-dire que chaque citoyen recevra un revenu mensuel fixe égal, en fonction de l’économie du pays, essentiellement financé par des taxes sur les entreprises), qu’est-ce qui empêchera alors ces compagnies de migrer vers le lieu où les taxes seront les moins élevées ?
Dans cette théorie nous nous basons toujours sur des entreprises dirigées par des humains et animées par les systèmes de l’Intelligence Artificielle. Mais dans l’hypothèse d’un futur où toutes nos activités seront dotées d’IA intuitives, il n’est pas inconcevable d’imaginer des entreprises conçues par elles pour pallier à des besoins qu’elles auront identifiés. Si un groupe d’Intelligences Artificielles a une nouvelle idée, pourra-t’il créer sa propre entreprise, marketer un produit et le proposer à l’humanité en le faisant fabriquer par des robots programmés par ses soins? Si ces Intelligences Artificielles reposent sur des clusters informatiques disséminés partout dans le monde, il sera bien difficile de discerner une appartenance nationale aux entreprises qu’elles créeront.
Donc, dans un monde futur sans professions humaines avec des entreprises gérées par les Intelligences Artificielles qui n’appartiendront à aucun Etat, on peut se poser la fascinante question de « Comment mettre en place un tel programme de revenus universels? ». Encore plus fascinant, imaginez un instant que l’hégémonie de certaines Mega-Corporations s’amplifie, dans un pays où les revenus universels dépendent uniquement des taxes imposées à ces entreprises, qu’adviendra t’il si l’économie de cet Etat n’est plus régi que par un seul groupe corporatiste ? Là où la police et les forces administratives du gouvernement sont entièrement financées par cette entreprise, ne sera-t’il pas tentant pour elle de simplement faire abstraction de l’intermédiaire et de devenir elle-même la force gouvernementale?
Comme je l’ai écrit il y a quelques mois, le fondateur de Facebook est probablement la personne la plus puissante sur terre lorsqu’il s’agit de décider quels propos sont acceptables ou non sur Internet. Alors que la toile se centralise en un ensemble de grands espaces bien verrouillés, le rôle de l’Etat est déjà profondément diminué face à des entreprises comme Facebook qui régissent fondamentalement les règles en matière de droit d’expression.
Voilà de fascinantes questions qui soulèvent des enjeux moraux et éthiques sans précédents. Ces dernières accompagnent inexorablement notre rapide ascension vers un futur animé par la présence de l’Intelligence Artificielle. Et nombre de ces questions restent encore sans réponse.
Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook
Newsletter quotidienne Forbes
Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.
Abonnez-vous au magazine papier
et découvrez chaque trimestre :
- Des dossiers et analyses exclusifs sur des stratégies d'entreprises
- Des témoignages et interviews de stars de l'entrepreneuriat
- Nos classements de femmes et hommes d'affaires
- Notre sélection lifestyle
- Et de nombreux autres contenus inédits