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Partage des données et open data : un cadre législatif à repenser ?

open data
Involve People in Decisions to Improve Performance, Efficiency, and Productivity in Software Development. Diversity of team software developer on a software project discussion to define project timeline in a tech business office.

Une contribution de Jean-Marc Lazard, PDG de Opendatasoft

En 2016, la Loi pour une République Numérique (LRN) était votée avec des ambitions claires : favoriser l’innovation, accroître la transparence des administrations, et surtout, poser les bases d’une gouvernance moderne des données via le partage de données et l’open data. Mais la LRN est-elle toujours adaptée aux défis contemporains ?

 

Une loi pionnière pour l’écosystème numérique français

Adoptée dans un contexte de mutation rapide, la LRN visait à propulser la France dans l’ère numérique. En 2016, la transformation digitale, grande créatrice et consommatrice de données, commençait à bousculer sérieusement l’organisation des entreprises et des administrations. Elles étaient néanmoins peu nombreuses à utiliser pleinement le potentiel de l’open data. Selon un rapport du CNNum de 2016, seulement 17 % des entreprises utilisaient les données ouvertes pour innover. La LRN entendait lever ces obstacles en instaurant des obligations claires d’ouverture des données, notamment pour les collectivités locales et territoriales et certains secteurs régulés.

 

L’open data comme levier d’innovation

La loi LRN avait un objectif principal, celui de rendre accessible un volume croissant de données via des plateformes comme data.gouv.fr.  Afin de contribuer à accélérer l’innovation dans des secteurs clés comme la mobilité, la santé, ou encore l’environnement, elle encourageait également une transparence accrue au sein des administrations publiques et une circulation plus fluide des informations. Le cadre posé par la LRN a, par exemple, facilité l’émergence des smart cities, notamment au travers d’initiatives pionnières dans 16 villes françaises en 2020¹.

 

L’open data au service de l’économie et du service public

Le volet économique de la LRN a été l’un de ses plus grands succès. En 2022, 64 % des entreprises innovantes en France² utilisaient l’open data dans le cadre de leur transformation numérique, une démarche qui a permis de réaliser des gains de productivité considérables. Les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 constituent un exemple récent et emblématique de l’utilisation de l’open data, particulièrement pour la gestion efficace des transports et de la sécurité. L’open data a également contribué à améliorer l’expérience des visiteurs et l’information des publics, comme en témoignent les  plus de 80 millions d’appels API, dont 63 millions pendant la quinzaine et 9 millions pendant les Paralympiques. Pour les administrations publiques, l’impact a également été significatif. En 2021, 75 % des administrations locales avaient intégré des outils basés sur l’open data pour améliorer l’efficacité de leurs services, facilitant ainsi la gestion centralisée de données comme celles de l’URSSAF³. Ces exemples témoignent du fait que l’open data a été un réel catalyseur d’innovation, tant pour les entreprises que pour les institutions publiques.

 

Des défis persistants qui freinent l’adoption

Cependant, malgré ces succès, la mise en œuvre de la loi LRN n’a pas été exempte de difficultés. En 2019, seulement 16 % des collectivités territoriales, pourtant contraintes par la loi, avaient ouvert leurs données4. Un chiffre qui, bien que faible, doit être nuancé sachant que les collectivités les plus peuplées, responsables de la majorité des services publics, sont celles qui ont le plus adopté ces pratiques. Ce manque de généralisation peut s’expliquer par des freins structurels, notamment un manque de ressources et parfois d’acculturation numérique au sein des collectivités de petite et moyenne taille. Autres acteurs concernés par les retards d’adoption, les entreprises, en particulier celles des secteurs non technologiques. En 2019, seulement 30 % d’entre elles exploitaient pleinement les données ouvertes, souvent par manque de personnel qualifié. Un déficit de compétences qui continue de freiner l’adoption massive de l’open data, tant dans le public que dans le privé 5.

 

Une loi à repenser à l’ère de l’IA et de l’IoT

Huit ans après son adoption, la LRN a contribué à combler une part du retard numérique de la France mais elle doit évoluer pour rester pertinente. En 2023, 70 % des experts estimaient que la loi devrait intégrer des volets spécifiques à l’intelligence artificielle (IA) et à l’Internet des objets (IoT) 6. En effet, bien que ces technologies bouleversent aujourd’hui les secteurs économiques et publics, elles restent encore peu encadrées par la législation. Pour continuer de créer de la valeur via l’open data, il est donc crucial d’orienter la loi vers une meilleure prise en compte de ces nouveaux outils, notamment en rendant les données « machine understandable ». Le Royaume-Uni et l’Australie ont déjà franchi ce pas en plaçant des projets d’open data au cœur de leur politique de neutralité carbone, illustrant à quel point l’open data peut jouer un rôle majeur pour surmonter les défis mondiaux tels que le changement climatique. De quoi inspirer notre pays, qui cherche à élargir les secteurs couverts par cette loi.

 

Des pistes d’amélioration à exploiter

Pour que la LRN demeure un levier de transformation numérique, elle devra aller au-delà de l’open data. L’intégration d’initiatives de formation pour les agents publics est essentielle. Aujourd’hui, moins de 50 % des agents publics ont reçu une formation adéquate sur la gestion des données 3. Une montée en compétences est donc nécessaire pour que la loi soit pleinement efficace. L’avenir de la LRN passe aussi par une meilleure implication du secteur privé. En 2020, seuls 22 % des projets d’open data provenaient d’entreprises non-technologiques 7. Accroître leur participation serait un excellent moyen de multiplier les innovations et donc de renforcer la compétitivité du pays.

Si la Loi pour une République Numérique a permis des avancées importantes, notamment dans l’open data et la modernisation des services publics, elle doit désormais se renouveler pour répondre aux défis des nouvelles technologies. L’intégration de l’IA, de l’IoT, et une plus grande acculturation des acteurs publics et privés constituent les prochaines étapes d’évolution pour une démocratisation des données plus inclusive, performante et créatrice de valeur.

 

  1. Observatoire Smart Cities 2020 : source
  2. INSEE, 2022 : source
  3. Cour des Comptes, 2019 : source
  4. Open Data France : source
  5. Observatoire des Entreprises Numériques, 2020 : source
  6. Étude Capgemini, 2023 : source
  7. Rapport CNNum 2016 : source

 


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