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OpenAI s’attaque aux contrats de défense

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Logo OpenAI. | Source : Getty Images

OpenAI, la société qui a développé ChatGPT, travaille désormais avec Carahsoft, une entreprise sous contrôle avec le gouvernement américain et détenu par un entrepreneur milliardaire qui aide les entreprises technologiques à fournir leurs logiciels au Pentagone.

Article de Rashi Shrivastava et de Thomas Brewster pour Forbes US – traduit par Flora Lucas

 

Au début de l’année, OpenAI a discrètement supprimé de ses politiques d’utilisation certaines dispositions interdisant l’usage de ses produits à des fins « militaires et de guerre », alors que le PDG Sam Altman et ses collaborateurs ouvraient l’entreprise aux contrats de défense. Afin d’obtenir des contrats avec le Pentagone, la société s’est depuis lors associée à Carahsoft, une entreprise gouvernementale récemment accusée d’avoir fixé les prix des contrats du département américain de la Défense.

 

Le partenariat entre Carahsoft et OpenAI pour obtenir des contrats auprès du département américain de la Défense

Selon le site internet de Carahsoft, l’entreprise a ajouté OpenAI à un contrat avec le département américain de la Défense baptisé Computer Hardware, Enterprise Software and Solutions (CHESS). Ce type de contrat est une méthode utilisée par le gouvernement pour acheter des services à des entreprises privées rapidement et sans trop de contraintes administratives. Il permet à Carahsoft de fournir rapidement au Pentagone des technologies (par exemple, des réseaux d’informatique en nuage, des logiciels d’intelligence artificielle – IA – et des outils de productivité comme Google Workspace) provenant d’une longue liste d’entreprises technologiques autres qu’OpenAI, notamment Google, Microsoft et HP. Selon la description du contrat CHESS faite par l’armée elle-même, il s’agit de « la source principale désignée par l’armée pour l’informatique commerciale », ce qui permet de commencer à utiliser des technologies « qui ne sont pas prévues à cet effet » sans avoir à passer par des négociations contractuelles supplémentaires ou plus de bureaucratie.

OpenAI a confirmé être partie prenante au contrat CHESS en mai dernier, peu après avoir commencé à travailler avec Carahsoft. À ce jour, la société n’a pas encore signé de contrat avec le département américain de la Défense par l’intermédiaire de ce contrat, mais Carahsoft l’a aidée à décrocher d’autres contrats gouvernementaux. L’année dernière, Carahsoft a vendu des licences ChatGPT d’une valeur de 108 000 dollars à la NASA, et plus de 70 000 dollars de licences OpenAI indéterminées à la National Gallery of Art, selon les dossiers contractuels examinés par Forbes. En septembre, l’entreprise a signé un contrat de 100 000 dollars avec le département américain de l’Agriculture pour l’accès à de multiples plateformes de modèles de langage à grande échelle, mais n’a pas précisé lesquelles.

L’ajout d’OpenAI à la liste des fournisseurs du contrat CHESS ouvre la voie à des échanges commerciaux faciles avec le département américain de la Défense, mais il intervient à un moment où l’utilisation de l’IA dans les applications militaires et les pratiques commerciales de Carahsoft suscitent des interrogations.

 

Carahsoft, une entreprise de premier ordre aux États-Unis, mais qui n’échappe pas aux polémiques

Depuis sa création en 2004, Carahsoft est devenue l’une des entreprises technologiques gouvernementales les plus rentables en assurant la liaison entre certaines des plus grandes entreprises du monde et les administrations locales et fédérales, en aidant ces dernières à utiliser les produits d’entreprises telles qu’Amazon, Google et Salesforce. Dirigée par son président et fondateur milliardaire Craig Abod, l’entreprise basée en Virginie sert presque toutes les branches du gouvernement fédéral, mais le Pentagone est de loin son plus gros client. Selon les données officielles sur les marchés publics, l’entreprise a obtenu des contrats d’une valeur de 5,63 milliards de dollars rien qu’avec le département américain de la Défense au cours des 18 dernières années. Son deuxième client le plus important est le département américain de la Santé et des Services sociaux, avec des contrats d’une valeur de 1,47 milliard de dollars. L’entreprise décroche également des contrats technologiques avec des collectivités locales et des États américains, bien qu’aucune donnée ne permette d’évaluer l’importance de ce volet de son activité. L’entreprise est classée 45e sur la liste Forbes 2023 des plus grandes entreprises privées des États-Unis et a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 16 milliards de dollars l’année dernière.

Pourtant, elle a fait les gros titres pour de mauvaises raisons le mois dernier, lorsque ses bureaux ont été perquisitionnés par le FBI pour des raisons non divulguées, selon plusieurs rapports. À l’époque, Carahsoft a déclaré à la presse être à la disposition des enquêteurs dans le cadre des investigations, qui portaient sur « une société avec laquelle Carahsoft a fait des affaires par le passé ». Bloomberg a également rapporté que le gouvernement américain avait poursuivi Carahsoft pour avoir prétendument conspiré avec la société allemande SAP afin de truquer des contrats de manière à ce qu’ils soient surfacturés au département américain de la Défense. Carahsoft n’a pas encore commenté l’affaire et les documents juridiques que l’entreprise a déposés restent sous scellés. Carahsoft n’a pas répondu aux demandes de commentaires de Forbes pour cet article.

Ce n’est pas la première fois que Carahsoft fait l’objet d’une enquête. En 2015, Carahsoft et la société d’informatique en nuage VMWare ont accepté de payer une amende de 75 millions de dollars pour mettre fin aux accusations selon lesquelles Carahsoft aurait surfacturé le gouvernement américain. L’entreprise n’a pas admis avoir commis des actes répréhensibles.

 

Développer des liens étroits avec le Pentagone, un objectif pour de nombreuses start-up

Les efforts d’OpenAI pour développer des liens étroits avec le Pentagone ont commencé l’année dernière lorsque la société a dépensé plus de 200 000 dollars pour faire du lobbying auprès du département américain de la Défense et du département américain de la Sécurité intérieure, a rapporté Forbes. OpenAI travaille également avec l’armée américaine pour développer des outils capables de corriger automatiquement les vulnérabilités des systèmes et de prévenir les cyberattaques, selon Bloomberg.

Au-delà des contrats de défense, OpenAI semble courtiser activement les agences gouvernementales par le biais d’une série d’événements et de webinaires organisés conjointement avec Carahsoft. En mai, OpenAI a organisé un webinaire pour montrer aux fonctionnaires des administrations locales et nationales comment ils peuvent utiliser ChatGPT en interne pour améliorer la productivité de leurs employés. Dans une démonstration publiée sur le site internet de Carahsoft, Felipe Millon, qui dirige les ventes aux gouvernements chez OpenAI, a déclaré que les modèles d’IA devenaient plus intelligents à un rythme exponentiel et a affirmé que la prochaine génération de modèles serait 100 fois plus performante que les modèles qui sous-tendent ChatGPT actuellement. Au cours de la démonstration, les employés d’OpenAI ont expliqué comment les modèles de l’entreprise peuvent être utilisés pour l’analyse de données, la traduction et la rédaction de premières ébauches de mémos politiques.

Carahsoft semble se lancer dans l’aventure de l’IA par l’intermédiaire d’autres start-up, en plus d’OpenAI. Scale AI, une entreprise évaluée à 14 milliards de dollars qui fournit des données et des logiciels pour l’entraînement des modèles d’IA, figure parmi les fournisseurs mentionnés dans le contrat CHESS de Carahsoft. Plusieurs start-up spécialisées dans l’IA ont déclaré à Forbes qu’elles faisaient appel également à Carahsoft pour faire des affaires avec le gouvernement. Parmi elles, la start-up Codeium, spécialisée dans le codage de l’IA, la start-up Thread AI, fondée par d’anciens ingénieurs de Palantir, et Resemble AI, qui propose des outils de détection de faux sons et de génération de voix par l’IA.

Le PDG de Resemble, Zohaib Ahmed, a déclaré avoir conclu un partenariat avec Carahsoft il y a environ trois mois. Les modèles de détection vocale de l’entreprise sont déjà utilisés par les forces de l’ordre et les services de renseignement aux États-Unis et dans le monde entier. Il espère que les liens avec Carahsoft aideront la jeune entreprise à se faire connaître davantage auprès des agences gouvernementales.

« Les start-up ont généralement du mal à faire connaître leurs technologies dans le secteur public », a déclaré Zohaib Ahmed à Forbes. « Si vous vous adressez à une agence et que vous mentionnez Carahsoft, elle saura de quoi vous parlez et de qui vous parlez au moins. »

 


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