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Nourrir l’urgence de l’expérience client

L’entropie gagne les outils de la relation client. Longtemps le dogme de la multiplication des canaux mis à disposition des clients s’est imposé, avec, en particulier, la promesse de l’omnicanalité. Pourtant, devant le culte de l’urgence qui s’exprime, l’enjeu n’est plus de multiplier les points de contact, mais d’engager avec le client une conversation unique et sans rupture, quels que soient les canaux utilisés.

 

Le culte de l’urgence

Notre rapport au temps a changé. « Plus on économise le temps, plus on a la sensation d’en manquer » déclarait, dès 2016, le sociologue et philosophe allemand Hartmut Rosa. La technologie nous offre l’instantanéité et l’immédiateté, mais loin de combler le consommateur, elle le rend plus exigeant, instaurant un nouveau règne de l’urgence. Nicole Aubert, sociologue et psychologue française, décrit, dans son ouvrage*, l’urgence comme une construction mentale. Une urgence fabriquée par l’entreprise comme par l’individu. 

 

En fait, il nous faut l’accès à tout, immédiatement ; nous sommes gagnés par un besoin insatiable d’assouvir, sans attendre, nos besoins divers : achat, information, réclamation. La réponse à ce syndrome de l’immédiateté est justement rendue possible grâce à la technologie. Le développement de l’Internet et de la vente en ligne, la disponibilité des centres de contacts et leurs fonctions self-service ont permis de satisfaire ce besoin nouveau.

 

Pourtant les promesses de gain de temps et de simplification sont bien antérieures à l’avènement d’Internet; si la technologie aide à gagner du temps, elle n’est pas l’unique cause de cette accélération. Cette cause est à chercher dans une évolution sociale des pratiques.
Ainsi, deux années rythmées par les contraintes du confinement et le développement du télétravail ont aussi contribué à accentuer ce phénomène. Le travail à distance a également  favorisé les communications asynchrones comme l’e-mail, les messages instantanés, les médias sociaux. Une tendance de fond qui se confirme, en effet Gartner** prédit que 80 % des organisations de service client abandonneront les applications mobiles au profit de la messagerie d’ici 2025.

Cette crise sanitaire a vu une augmentation du selfcare***, c’est-à-dire la possibilité offerte aux clients de gérer de manière autonome leurs requêtes, ou de rechercher des informations par eux-mêmes. Les acteurs innovants de la relation client favorisent dès lors l’automatisation et le channel less.

 

Once & Done

Les professionnels de la relation client se sont adaptés, ils ont commencé à mesurer le FCR (First Contact Resolution Rate) pour évaluer la satisfaction client. Cet indicateur permet d’apprécier la qualité du service client et les processus de résolution des demandes dès le premier contact. L’autre indicateur scruté est le CES (Customer Effort score), il évalue l’effort lié au parcours client. La pratique du Once & Done adaptée au service clients consiste donc à traiter, avec succès, une demande client en un et un seul contact, sur un et un seul canal de dialogue lorsque cela est possible. 

 

Ce que recherche un utilisateur est finalement assez simple : de la personnalisation et une réponse rapide à sa demande. L’automatisation supportée par l’intelligence artificielle propose une première réponse. Dans le cas de demandes plus complexes, qui ne peuvent être résolues automatiquement, il n’est plus supportable d’entamer une conversation sur un canal pour devoir la recommencer sur un autre parce que les canaux sont silotés. Un client ne comprend pas qu’il doive expliquer sa demande à plusieurs reprises. Selon une étude Frost & Sullivan****, 33% des clients citent le fait de devoir répéter une information comme un problème qu’ils ont récemment rencontré.

 

Même si chaque utilisateur a un média de communication préféré, de nombreuses variables vont guider son choix : du terminal qu’il utilise au moment de sa requête, comme du lieu duquel il émet sa demande. Son expérience sera distincte s’il est confortablement installé chez lui, à son bureau ou s’il se trouve dans les transports par exemple.

 

En fait, l’utilisateur va souhaiter vivre son parcours client quel que soit le canal, passant d’un canal à l’autre, sans coupure (seamless). C’est l’avènement d’une approche channel less pour les éditeurs de centre de contacts : proposer une conversation unique plutôt que de multiplier les canaux, en particulier dans un contexte où l’immédiateté devient la norme.

Les bénéfices sont multiples. Cette approche va permettre d’augmenter la satisfaction client, de garantir la fidélisation et aussi de réduire le coût à l’interaction. Ce dernier est important pour la marque. Le coût de traitement par dossier est effectivement un KPI essentiel. Moins l’entreprise passe de temps sur un dossier, plus celui-ci est rentable. Et parallèlement moins un client passe de temps pour obtenir une réponse, plus il est satisfait.

 

L’enjeu est de taille, devant ces besoins d’immédiateté et de personnalisation, les acteurs de la relation client ne doivent pas sacrifier l’expérience client sur l’autel de l’automatisation à outrance; mais envisager une combinaison fine du traitement des demandes entre automatisation au travers de l’IA et agents augmentés.

 

Notes :

*AUBERT, N., « Le culte de l’urgence », 2009, Flammarion Champs essais.
**Gartner for Customer Service & Support Leaders
https://www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2021-01-12-gartner-predicts-80–of-customer-service-organization
***Hard et soft ROI de l’IA dans la relation client https://www.relationclientmag.fr/Thematique/techno-ux-1256/Breves/Tribune-Hard-soft-ROI-relation-client-370102.htm
****Frost & Sullivan pour Odigo “The Future of Customer Experience : Invisible and Seamless Personalisation” 2021 https://www.odigo.com/en-gb/wp-content/uploads/sites/4/2021/10/2021-UK-Frost-Sullivan_Whitepaper.pdf

 

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