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Mitchell Baker : « Ce Qui Est Bon Pour Les Gafas N’Est Plus Bon Pour Le Monde »

A l’occasion de son passage en France dans le cadre du sommet Tech For Good avec le président de la République, Emmanuel Macron, Mitchell Baker, présidente de la Mozilla Foundation, revient en profondeur pour Forbes sur les enjeux liés à la transparence et la neutralité d’Internet. 

Forbes France : Quels ont été les principaux enjeux abordés lors de votre rencontre avec Emmanuel Macron et les autres grands acteurs de la Tech ?

Mitchell Baker : La question, comme l’année dernière, a été de savoir comment à l’avenir la technologie peut être bénéfique au monde. Les trois principaux thèmes sont l’éducation, la diversité et l’intégration, soit les domaines sur lesquels je passe le plus clair de mon temps. Cette année, j’ai décidé d’aborder des questions qui relient la marche de l’économie globale aux enjeux du changement climatique. 

On voit bien dans la Tech que des acteurs majeurs tels que Google ou Amazon, par exemple, ont des intérêts très différents de ceux de Mozilla. Comment gérez-vous cela ? Coopérez-vous avec ces entreprises ou est-ce plus conflictuel ?

Il y a ce qu’on appelle une « coo-pétition ». Il est très courant que le même groupe d’entreprises coopère dans certains domaines, mais qu’il se livre une concurrence acharnée dans un autre. Et cela est profondément ancré dans l’industrie de la technologie plus que dans beaucoup d’autres industries, je pense. Nous coopérons dans certains domaines, notamment en ce qui concerne l’établissement de normes afin qu’il soit possible de coopérer. Parfois, nous avons des vues similaires sur les mesures politiques à mettre en place. Et aussi, parfois, parce que Mozilla construit des produits technologiques, nous ressentons la difficulté inhérente à la création d’un produit basé sur la technologie, les logiciels, ou le cloud. Le marché est exigeant et nous partageons parfois les mêmes difficultés. Et bien sûr, nous avons une relation d’affaires avec Google, c’est donc une relation de coopération. Même si nous sommes en concurrence directe, au moins sur le marché des navigateurs. Et ce sont des concurrents assez féroces. Je pense que nous sommes assez habitués à, à la fois, travailler ensemble pour certains domaines, et être en forte compétition dans d’autres. 

Un des enjeux qui vous est cher est celui de la transparence concernant Internet et notamment l’usage des données. Vous pensez que les utilisateurs sont de moins en moins confiants en Internet ? 

Pendant de nombreuses années, nous avons pensé – pas seulement nous mais le monde entier – que tout ce qui était bon pour la technologie était bon pour le monde entier. Pendant longtemps, les grands noms de la Silicon Valley brillaient de milles feux. Pas seulement dans la « Vallée », mais partout dans le monde. Les entreprises mais aussi leurs dirigeants. J’étais à VivaTech l’année dernière, et je participais à une table ronde juste avant Mark Zuckerberg. L’adulation de la communauté technologique des entrepreneurs français était immense. C’est un très bon entrepreneur, mais un entrepreneur « classique ». Au cours des dernières années, nous avons constaté que cela avait changé, que l’idée selon laquelle ce qui est bon pour les grandes plates-formes est bon pour la société est désormais brisée. Les gens questionnent constamment cette affirmation. 

Comment expliquez-vous ce basculement ? 

Eh bien, pour Facebook en particulier, nous commençons à comprendre ce sur quoi cette entreprise s’est bâtie. Cette entreprise a plus de ressources et plus de pouvoir que ce que l’on peut réellement imaginer. Et la façon dont ils travaillent n’est pas transparente. Donc, au fur et à mesure que leur fonctionnement a été connu, le halo s’est dissipé. Par exemple, qui a réellement imaginé il y a 5 ou 6 ans que vous pouviez prendre le contenu et les idées les plus viles, les plus dégénérées, les plus violentes que vous puissiez imaginer, et que ces choses seraient monétisées comme les autres ? Parce que ce contenu est également rentable et fait partie du modèle économique. Je ne sais pas à partir de quand ils ont su que de tels contenus leur permettaient de faire de l’argent. Mais ils l’ont su avant nous, c’est sûr. Evidemment, je ne pense pas qu’ils se sont mis en tête de faire ça. Mais c’est clairement ce qui s’est passé. Et cela entraîne une perte de confiance. 

 Qu’avez-vous mis en place avec Mozilla pour rendre Internet plus transparent et plus « vertueux » ?

Mozilla est surtout connu pour le navigateur Firefox et, d’une certaine façon, nous pouvons donc parfois apparaître comme une société classique de la Silicon Valley. Mais il se trouve que nous sommes un peu différents. Nous sommes une organisation à but non lucratif. De telle sorte que « le rendement » recherché par nos « actionnaires » n’est pas lié à une croissance financière ou financière. Le retour sur investissement que nos actionnaires recherchent a trait à la sécurité, l’humanité, la décence, l’accessibilité et l’ouverture d’Internet. Quelle est la nature d’Internet et profite-t-il à nous, aux individus, et a-t-il un intérêt social ? Donc, notre raison d’être fondamentale est vraiment très différente. Ainsi, la notion de « Tech for Good », en particulier aux États-Unis, a souvent le sens de : « On essaie de faire des choses vertueuses, mais à la marge de notre activité ». Mais votre priorité, ça reste votre business. Nous ne fonctionnons pas comme ça chez Mozilla. 

 

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