Les performances de l’intelligence artificielle sont telles que son arrivée est d’ores et déjà une révolution pour l’entreprise. Elle bouleverse tous les métiers, mais aussi les structures de coûts, de revenus, et leurs organisations. Car, si l’intelligence artificielle permet évidemment d’automatiser et de simplifier un certain nombre de tâches, elle permet également la création de nouveaux modèles ainsi que la réappropriation de l’ensemble de tout ou partie de la chaîne de valeur d’une entreprise par de nouveaux entrants. Par Stéphane Roder.
L’arrivée du web a déjà été un vrai choc pour toutes les industries. Digitaliser sa relation client, intégrer les standards de fait, de structures, de coûts et d’interaction imposées par les GAFA ont déjà commencé à faire le tri entre les organisations qui ont compris l’impact du digital sur leurs business et celles qui, convaincues de leur inaltérable pérennité, ne se sont pas remises en cause ou trop tard. Des pans entiers d’industrie se trouvent pris de cours faute d’avoir un tant soit peu anticipé la puissance de cette transformation mais surtout son adoption massive par un consommateur exigeant et sans concession allant jusqu’à modifier la relation client dans le B2B. Nous ne citerons qu’Amazon qui est en passe de mettre en miette la grande distribution détruisant sur son passage nos leaders d’antan. Et ne voit-on pas Carrefour, au comble du désespoir, faire appel à Google pour réaliser sa distribution sur le web à travers la nouvelle interface Google Shopping et mettre en œuvre pour la première fois le scénario catastrophe du « distributeur distribué » et ainsi propulser Google dans la grande distribution.
L’impact du web ne va pas s’arrêter à la destruction systématique de belles endormies, il a d’ores et déjà modifié en profondeur les chaînes de valeur avec ce que l’on appelle la ré-intermédiation ou plus communément l’uberisation. Ces ré-intermédiations, qui se traduisent par la venue de nouveaux intermédiaires entre des fournisseurs de biens ou de services et leurs clients, ont remis en cause des positions et des certitudes installées depuis des décennies, voire un siècle pour certains. Booking.com, dans l’hôtellerie, a ravi aux groupes hôteliers près de 65% de l’interaction directe qu’ils pouvaient avoir avec leurs clients. En devenant d’incontournables market maker, ils laissent pour compte les opérateurs historiques et captent la valeur.
Il en sera de même avec l’arrivée de l’intelligence artificielle. De nouveaux entrants vont faire leur apparition en ré-intermédiant des chaînes de valeur ou en remplaçant certains acteurs. En prodiguant en ligne, avec le bon niveau d’interaction, des recommandations plutôt que des données à l’état brut ou en faisant mieux et moins cher une partie ou tout un service, ces nouveaux entrants vont à nouveau bousculer des industries qui n’ont pas encore intégré la vague précédente.
La fin de l’utopie d’une mondialisation heureuse, avec l’arrivée d’une Chine commercialement agressive et d’une Amérique décomplexée, impose l’IA et son impact économique comme l’une des armes avec laquelle les entreprises vont se battre. Kai Fu Lee, l’ancien dirigeant de Google en Chine, s’en fait largement l’écho dans son excellent ouvrage « IA, la plus grande mutation de l’histoire ». Il nous fait partager l’extraordinaire prise de conscience du potentiel de cette technologie non seulement par l’Etat mais surtout par les dirigeants d’entreprises chinoises qui, chaque jour, cherchent à augmenter le potentiel concurrentiel de leur entreprise avec de l’IA. Contraste saisissant avec nos entreprises qui en sont encore à parler de transformation digitale, d’éthique de l’IA, voire même de la réelle opportunité d’investir dans une nouvelle technologie à la mode.
La main invisible d’Adam Smith est profondément darwinienne en ce qui concerne le digital. Il faut s’adapter de plus en plus rapidement pour survivre alors qu’il faut déjà tout inventer pour réconcilier les temps lents et laborieux de l’industrie et la quasi-immédiateté du digital. L’IA avec l’apport de sa performance n’est pas une option, même si chaque entreprise, chaque industrie a ses cycles, son rythme et sa culture et qu’il est tentant de regarder les autres faire avant de se lancer. Ce sont ces ordres de grandeurs, ces enjeux, ces challenges, mais aussi cette disponibilité immédiate dont nos dirigeants d’entreprise doivent maintenant avoir conscience pour être en mesure de mettre en place une stratégie qui leur permettra de passer à l’action et pérennisera leur activité dans cette révolution qui s’annonce.
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Tribune par Stéphane Roder, CEO AI Builders
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