L’image de l’intelligence artificielle a récemment pu paraître brouillée et ce n’est sans doute pas un hasard si l’Europe s’est saisie du sujet. Effectivement, la Commission européenne vient juste de dévoiler ses propositions de cadre juridique sur l’IA au sein de l’Union européenne. Ce désir d’un modèle européen qui vise à un encadrement des risques cache mal une méconnaissance, par le grand public, de l’IA dans son ensemble. Il n’existe en effet pas une intelligence artificielle unique, mais plusieurs.
La finalité prime sur l’outil
Encouragées par l’aura technologique de l’IA, largement promue depuis quelques années dans la presse, certaines entreprises se sont déclarées IA friendly, IA précurseur… Souvent parce qu’elles avaient simplement déployé un chatbot. Ce n’était pourtant qu’une étape vers l’intégration d’une réelle stratégie IA. La véritable transformation numérique doit être guidée par une transformation des processus, au service de l’efficacité des métiers. La pérennité de l’entreprise se prépare avec la recherche des gains de productivité, par l’augmentation du chiffre d’affaires et par l’automatisation et l’amélioration de la connaissance (marché, client) grâce, entre autres, à l’IA.
Moins cosmétique que l’implantation d’un chatbot sur un site web, cette approche invite à une collaboration étroite entre CIO, CDO et équipes métiers, dans le but de générer des économies d’échelle. En effet, un temps d’analyse est nécessaire ; car l’IA est rarement une technologie prête à l’emploi (plug & play), même si la branche symbolique montrera plus rapidement des résultats, économisant ainsi la fastidieuse étape d’entraînement que propose aujourd’hui le Machine Learning. Ce n’est pas un problème en soi, car ce temps de préparation, multidisciplinaire, est aussi important : il va permettre une réflexion de fond sur la stratégie de l’entreprise et l’utilisation de ses données.
La donnée : un actif stratégique
Le potentiel inexploité de données non structurées est largement sous-estimé. Les données non structurées sont des données représentées sans format prédéfini, elles sont parfois qualifiées de dark data (un terme sans aucun rapport avec le dark web). L’exploitation de ces données est pourtant stratégique pour l’entreprise et la prise de conscience est récente. Une étude A-Team*, en date de 2020, nous enseigne que seulement 31% des entreprises arrivent à exploiter les données non structurées et à en tirer de la valeur. C’est justement l’une des promesses de l’IA que de permettre de les rendre utiles et actionnables. Pour autant, Evgeny Morozov** nous invite à ne pas “se noyer dans une mer d’algorithmes” : il faut choisir ses domaines d’applications. En 2020, 47% des décideurs jugeaient leur organisation peu ou pas mature sur le sujet de la digitalisation des processus documentaires et métiers***. L’automatisation au travers de l’IA est une piste qui concerne beaucoup d’entreprises et qui engage à une réflexion sur la gouvernance des données.
La stratégie de gestion de la donnée
La donnée est stratégique, elle doit permettre à l’entreprise de passer d’un processus décisionnel basé sur l’expérience ou l’instinct, à un processus basé sur des données. Être data driven signifie utiliser les données pour guider, piloter ses stratégies… Mais c’est surtout utiliser les données pertinentes. Les applications pour valoriser ces données sont nombreuses : de la consolidation des comptes pour rapport financier, à la recherche de non conformité bancaire; ou encore l’automatisation de l’extraction d’informations, pour permettre de décupler le nombre d’appels d’offres traités…
Il n’est pas impossible que l’adoption d’une démarche data driven engage une refonte de l’architecture de l’entreprise et de son modèle opérationnel. Un CDO va permettre cette prise de conscience, même si son rôle est aussi, à terme, d’infuser une culture data dans l’ensemble de l’entreprise et de ses business units. Il est aussi le garant d’une cohérence globale : la nécessaire approche data centric demande une vision unifiée et intégrée des données, une vision que vit mal l’organisation en silos.
Finalement, la façon dont nous utilisons nos données nous indique non pas la façon dont les technologies fonctionnent, mais bien comment nous choisissons de les faire fonctionner. Et avec le débat actuel autour de l’éthique de l’IA, l’explicabilité devient un enjeu. La transparence a pour résultat de permettre la description de l’objet de l’IA, sa logique et sa prise de décision de manière intelligible pour tous, pour une IA éthique et utile.
Sources :
* Managing unstructured data and extracting value. A-Team 2020 https://a-teaminsight.com/
** MOROZOV, E., Pour tout résoudre cliquez ici : L’aberration du solutionnisme technologique, Limoges, FYP éditions, 2014.
*** Processus documentaires et métiers : Trends à fin 2022. Markess 2021. http://blog.markess.com/2021/01/automatiser-securiser-deux-enjeux-prioritaires-a-relever-dici-2022-en-termes-de-gestion-documentaire-et-de-processus-metiers-tendances-2022/
<<< À lire également : L’éthique de l’IA : la morale ne se délègue pas ! >>>
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