L’intelligence artificielle promet de révolutionner de nombreux secteurs, mais à quel prix pour notre vie privée ? En redéfinissant les frontières de l’innovation, elle questionne profondément notre approche de l’éthique et de la confidentialité. Face à des avancées spectaculaires et des inquiétudes réglementaires croissantes, comment les entreprises peuvent-elles naviguer dans ce paysage complexe pour exploiter le potentiel de l’IA, sans transgresser les droits fondamentaux ?
Une contribution de Guillaume Tollet, Executive Director chez fifty-five
Une promesse d’eldorado économique et technologique
Considérée comme un catalyseur de changement, l’IA redessine les contours de secteurs aussi variés que l’industrie, le service client et la medtech. La France se positionne comme un leader européen dans ce domaine, ayant levé plus de 2,13 milliards d’euros (juin 2024) pour ses startups spécialisées, parmi lesquelles Mistral AI se distingue. Selon une étude PwC, l’IA pourrait contribuer jusqu’à 15,100 milliards d’euros à l’économie mondiale d’ici 2030.
Cependant, cette transformation repose sur l’utilisation massive de données, y compris personnelles, soulevant d’importants défis éthiques et réglementaires qui influencent la confiance du public. Pour tirer parti du plein potentiel de l’IA, les entreprises doivent non seulement prioriser la qualité et la fraîcheur des données mais aussi trouver un équilibre entre innovation et respect des règlementations sur les données. Toutefois, elles ont souvent tendance à négliger l’importance cruciale de cette conformité et de l’évaluation des risques associés à leurs projets d’IA. Ce manque de vigilance peut nuire non seulement aux utilisateurs mais aussi à la société dans son ensemble.
Le chemin vers une régulation équilibrée de l’IA
En réponse à ces défis, les cadres réglementaires comme le RGPD et l’IA Act, bien que distincts, visent à se compléter pour mieux encadrer le développement de l’IA dans le temps, tout en protégeant les droits des citoyens.
Introduit en août dernier, l’IA Act propose une classification des systèmes d’IA selon quatre niveaux de risque, chacun soumis à des mesures adaptées. L’application de ce règlement débutera progressivement à partir du 2 février 2025, offrant ainsi aux entreprises le temps nécessaire pour s’aligner sur ces exigences. En cas de non-conformité, des sanctions sévères, allant de 7,5 à 35 millions d’euros, pourront être imposées. En outre, dans les cas où les systèmes d’IA traiteront des données personnelles, le RGPD sera également applicable, exposant les entreprises à des sanctions additionnelles pouvant atteindre jusqu’à 4% de leur chiffre d’affaires annuel global.
Dans les mois à venir, ce cadre réglementaire dual pourra se décliner en quatre situations : les systèmes à haut risque qui n’utilisent pas de données personnelles seront exclusivement régulés par l’IA Act (par exemple, pour la gestion d’une centrale électrique) ; ceux qui traitent des données personnelles sans relever de l’IA Act seront régulés par le RGPD (campagnes de publicités ciblées) ; les systèmes à haut risque utilisant des données personnelles seront soumis aux deux cadres (tri automatique des CV) ; et enfin, les systèmes à risque minimal n’impliquant pas de données personnelles seront exemptés de ces deux lois (simulations dans les jeux vidéo).
Naviguer dans une nouvelle ère réglementaire
Avec la mise en œuvre imminente de l’IA Act, qui aspire à se hisser au rang de référence au même titre que le RGPD, les entreprises sont donc encouragées à adopter des pratiques plus rigoureuses pour garantir la conformité, tout en préservant la confiance des utilisateurs et la viabilité commerciale à long terme de leurs technologies. Cela commence par une définition claire des objectifs de chaque système d’IA, orientant leur développement et utilisation, et par l’établissement de durées de conservation des données personnelles conformes aux lois.
En parallèle, il est crucial de clarifier les responsabilités, en définissant précisément les rôles relatifs à la gestion des données et à la gouvernance des risques associés à l’IA. Il est également essentiel de clarifier plusieurs aspects du traitement des données personnelles : déterminer la base légale de leur utilisation, s’assurer que leur collecte est minimisée et examiner la possibilité d’utiliser des sources externes. Enfin, la réalisation d’une analyse d’impact sur la protection des données (AIPD) devient un impératif, permettant d’évaluer les risques liés à leur gestion et d’établir un plan d’action afin de les réduire à un niveau acceptable, tout en renforçant les mesures de sécurité.
Ainsi, les promesses de l’IA, aussi fascinantes soient-elles, placent la tension entre innovation technologique et respect de la vie privée au cœur des débats. Sans l’établissement d’un juste équilibre, l’eldorado tant espéré pourrait bien se transformer en mirage, freinant l’essor d’une technologie aux potentialités pourtant illimitées.
Ce défi transcende les frontières européennes, révélant des dynamiques contrastées qui soulignent la nécessité d’une réponse collective aux défis posés par l’IA. Si le retour de Donald Trump au pouvoir pourrait favoriser une dérégulation de l’IA outre Atlantique, offrant un avantage compétitif aux entreprises américaines déjà en avance, l’Europe, de son côté, maintient une forte régulation. Celle-ci, bien que perçue comme contraignante pour les entreprises, assure une meilleure protection des consommateurs et encourage une utilisation responsable de l’IA. Face à ces divergences, la question se pose : est-il possible de concevoir un cadre international qui aligne les ambitions technologiques avec les impératifs éthiques ?
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