L’annonce de la distribution de Mistral Large sur la plateforme Microsoft Azure énerve profondément les responsables de la politique numérique de l’UE. Ainsi Kai Zenner se dit extrêmement furieux[1] d’un prétendu double jeu des Français. Ces propos très critiques à l’égard de la stratégie de Mistral AI interroge la compréhension de la dynamique de développement de l’industrie de l’IA par les instances européennes.
Une contribution d’Eric Braune – Professeur associé – Omnes Education Research Center
Un bref rappel des faits
Mistral AI a signé la semaine dernière un accord de distribution de son modèle de langage le plus complexe, Mistral Large, sur la plateforme Miscrosoft Azure. Pour rappel, Azure est une plateforme de Cloud Computing permettant aux organisations d’accéder à des ressources informatiques sans avoir à investir dans des Data Centers ou à gérer les serveurs. Le développement de l’IA conduit Microsoft à intégrer des services de deep learning dans Azure. Toutefois, la firme de Richmond semble peut confiante dans sa capacité à développer en interne le meilleur modèle de langage. Les revers passés de Windows phone ou de Bing conduisent Microsoft à privilégier la R&D externe. Microsoft opère donc des prises de participation dans des entreprises prometteuses comme OpenAI ou MistralAI.
Un accord avantageux pour MistralAI
Microsoft Azure est aujourd’hui la deuxième plateforme de cloud computing derrière celle d’Amazon mais loin devant les plateformes de Google ou Alibaba. L’accord conclu la semaine dernière permet à MistralAI de s’insérer dans un écosystème performant et pérenne. Il lui ouvre le marché global du service aux entreprises et étend également le réseau des développeurs exploitant les performances de Mistral Large dans leurs propositions de solutions aux entreprises.
La constitution d’écosystèmes montre la modification de la lutte concurrentielle dans l’industrie de l’IA. En 2023, la compétition opposait les performances des différents modèles de langage disponibles. L’IA générative est aujourd’hui mature et Yi du chinois 01.AI peut rivaliser avec GPT-4 alors que le premier modèle cité utilise deux fois moins de paramètres que le second. L’année qui commence devrait voir s’opposer les écosystèmes formés autour de modèles de langage. A défaut d’une grande plateforme de cloud computing européenne, il faut donc se réjouir de l’arrivée de MistralAI dans l’écosystème créé par Microsoft.
Un champion européen de l’IA ?
Mistral AI est aujourd’hui valorisée 2 milliards de dollars. Depuis sa dernière levée de fonds elle est principalement détenue par deux sociétés de capital-risque américaines[2]. Les 15 millions de dollars investis sous forme d’obligations convertibles par Microsoft sont loin de ressembler à une prise de contrôle qui enfermerait la start-up française dans une relation exclusive avec cette entreprise.
Il faut maintenant se demander ce que signifie un champion européen de l’IA ?
L’IA est une technologie disruptive qui portera la croissance économique des années futures comme le montre l’explosion de la capitalisation boursière de Nvidia. Dans ce contexte, il est désespérant de constater que les start-ups européennes n’auront collecté que 51 milliards de dollars en 2023, contre 83 milliards en 2022 et 106 milliards en 2021[3]. En d’autres termes nous nous montrons incapable de construire le réseau d’entreprises susceptible de soutenir le développement de cette industrie sur notre continent.
Depuis le succès du premier système d’exploitation de Microsoft, nous savons qu’un géant de l’informatique se construit sur un réseau dense d’entreprises et de partenaires qui exploitent son logiciel. Sans ce réseau, MistralAI tout comme Kyutai[4] ne pourront rien contre leur concurrents américains ou chinois.
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[1] https://www.observatoiredeleurope.com/furieux-les-critiques-remettent-en-question-laccord-de-microsoft-avec-mistral-ai-alors-que-lue-sapprete-a-lexaminer_a21308.html
[2] https://www.forbes.fr/business/mistral-ai-leve-385-millions-deuros-une-nouvelle-licorne-francaise-simpose-comme-championne-europeenne-de-lia/
[3] https://www.lesechos.fr/start-up/ecosysteme/les-reserves-du-capital-risque-europeen-en-route-vers-un-nouveau-record-1958173
[4] https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-ia-iliad-lance-le-laboratoire-de-recherche-kyutai-92163.html
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