Aujourd’hui, les marques investissent massivement le Metaverse à l’assaut de ses potentialités et belles promesses marketing. Une tendance anticipée il y a bien longtemps par Maximilian Schiefer, cadre dirigeant chez Swiss Watchmaker Chronoswiss AG. Ce pionnier a aboli la frontière entre virtuel et physique en adoptant d’abord le Web 2.0 à un moment où ce n’était qu’une lubie de geek, et que les entreprises se montraient frileuses. Chronoswiss a déjà une vision concrète du nouveau terrain de jeu qu’est le Metaverse. Forbes a interrogé ce précurseur sur l’avenir du luxe à l’heure numérique.
Vous avez été parmi les premiers à adopter les médias sociaux dans votre stratégie et avez également pressenti la montée en puissance du Metaverse. Pensez-vous que le Web 3.0 fera bientôt partie du grand public ?
Maximilian Schiefer : Le Metaverse n’est pas une vision du futur. En fait, il existe depuis un certain temps si l’on se réfère à des projets comme « Second Life ». Dès 2003, les utilisateurs pouvaient incarner des « personnages virtuels » dans ce jeu vidéo en 3D. Toutefois, beaucoup de gens n’ont toujours pas réalisé son existence et son potentiel évident. Regardez à quel point notre vie a basculé dans le monde numérique avec le Web 2.0 et comment cela a changé nos relations. Le Metaverse va encore plus loin et modifie déjà la façon dont nous expérimentons et consommons les biens. De fait, je crois au timing et au fait d’être visionnaire dans l’adoption de ces nouveaux concepts. En étant précurseur cela vous donne, d’une part, de la crédibilité et, d’autre part, l’opportunité d’apprendre.
Concrètement, comment êtes-vous devenu pionnier dans ces sujets ?
Quand j’ai commencé à travailler dans le domaine des médias sociaux, très peu de gens croyaient en leur potentiel. Au commencement, de 2012 à 2014, nous avons dû expliquer pourquoi le Web 2.0 et le marketing d’influence étaient l’avenir de la publicité alors que nous ne gagnions pratiquement pas d’argent en défendant cette approche. Lorsque vous faites partie des rares dans la compétition à croire à cette vision, vous apprenez énormément très tôt. Durant ces années formatrices, nous avons appris à créer et à servir des communautés, à élaborer du contenu engageant et à remodeler le marketing numérique. Pour le Metaverse, je pense que nous sommes dans une situation similaire en ce moment. Tout le monde en a entendu parler, mais très peu ont une réelle vision de son avenir.
Dans le domaine du luxe, une grande partie du pouvoir d’attraction réside dans la rareté et la qualité du produit. Comment Chronoswiss assure-t-il une continuité entre le virtuel et le monde physique ?
Pour Chronoswiss, c’est particulièrement vrai. Une grande partie de la fascination à l’égard d’un horloger suisse indépendant réside dans la beauté de l’artisanat. Nous sommes vraiment fiers de nos cadrans tridimensionnels gravés à la main, qui sont tous fabriqués dans notre atelier à Lucerne. Dans le Metaverse, bien que l’artisanat existe toujours (nos montres 3D sont également faits à la main), il s’agit plutôt d’une réplique de la montre du monde réel. Ainsi, pour les tous premiers exemplaires luxueux façonnés pour le Web3, nous avons décidé de construire un pont entre le numérique et le monde physique.
Maximilian Schiefer : « Le Metaverse n’annonce aucunement la fin des produits de luxe physiques, ils devront simplement s’adapter à un nouvel environnement. Nous avons déjà vu les premiers pas dans le monde de l’horlogerie avec les NFT. Avec Chronoswiss, nous allons plus loin encore. »
Ce pont vers le monde réel, est-ce un concept d’avenir ?
Bien que la vie et le travail digitalisé deviennent de plus en plus dominants dans notre existence, je crois fermement que relier les deux environnements est essentiel. Après tout, nous nous réveillons chaque matin dans le monde réel, où nous aimons toucher et sentir les choses…Fin septembre, en pleine Fashion Week, nous venons de sortir notre première montre dans le Metaverse avec le surnom de « Sugar Rush ». Les utilisateurs de Decentraland peuvent acheter une édition limitée de pièces uniquement numériques pour leur Avatar, combinées à un NFT, et une collection encore plus exclusive rattachée à des montres réelles fabriquées dans notre manufacture.
Pour y aboutir, nous avons recréé notre Atelier Chronoswiss au sein de la plateforme Decentraland car c’est le seul moyen de distribution pour ce modèle spécifique. Je pressens que les gens apprécieront d’être à la fois pionniers et qu’ils se réjouiront d’acquérir un bel objet à toucher, à porter.
Pensez-vous qu’un jour nous consommerons principalement des produits de luxe numériques, comme la mode avec les avatars ? Quelles seraient les implications pour ce marché en restant sur l’exemple des montres ?
Lorsque j’ai commencé à vendre de la publicité sur les réseaux sociaux, très peu de gens étaient capables d’imaginer qu’au cours des cinq années qui suivraient, la façon dont nous créons la notoriété des produits allait changer de manière irréversible. Maintenant, quand les gens doutent, je leur conseille de jeter un œil sur leurs enfants et sur leur perception du « luxe statutaire ». Pour eux, une armure haut de gamme, ou une épée dans un jeu en ligne ont une valeur très élevée, ils symbolisent un certain statut. Quand on anticipe ce changement de paradigme, on sait forcément dans quelle direction on va. Les frontières du réel et du numérique seront de plus en plus fluides à l’avenir.
Pour autant, cela ne signifie pas que les produits de luxe physiques vont disparaître, ils doivent simplement s’adapter à un nouvel environnement. Nous avons déjà vu les premiers pas dans le monde de l’horlogerie avec les NFT. Avec Chronoswiss, nous allons beaucoup plus loin maintenant.
En faisant preuve d’innovations avec votre marque, il subsiste une part de risques. Comment faites-vous face au facteur « inconnu » ?
C’est une chance pour moi que de travailler au sein d’une entreprise familiale indépendante. Concrètement, cela signifie que lorsque d’autres se contentent de parler de risques et hésitent, nous pouvons à l’inverse faire le choix d’avancer et d’apprendre. Vous ne trouverez pas de trésors dans les eaux peu profondes…Mais quand vous commencez à sentir que vous perdez pieds, vous êtes alors juste au bon endroit pour explorer de nouveaux horizons.
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