Rechercher

Le Green IT prend sa place : l’IA face à son impact environnemental

gettyimages 1491178787
Journée mondiale du recyclage du 18 mars | Le Green IT prend sa place : l'IA face à son impact environnemental

L’intelligence artificielle est souvent saluée comme la technologie du futur, promettant des avancées révolutionnaires dans divers domaines allant de la médecine à la finance, en passant par les transports. Cependant, derrière cette façade innovante se cache une réalité moins reluisante : l’IA consomme une quantité astronomique d’énergie, en contradiction avec les objectifs de durabilité.

Une contribution de Catherine SMET, Lead Designer, Ippon Technologies

Alors que le déploiement de l’IA s’accélère, il devient impératif d’examiner son impact écologique et d’envisager des solutions pour une IA plus responsable. À l’occasion de la Journée mondiale du recyclage du 18 mars, il est essentiel d’explorer des pistes pour minimiser l’empreinte carbone de l’IA, de promouvoir des pratiques de développement et d’utilisation plus durables, et d’encourager la recherche et l’innovation dans le domaine de l’IA verte.

 

Une adoption fulgurante, un impact sous-estimé

 

Déployé il y a deux ans, ChatGPT a marqué un tournant dans le domaine de l’intelligence artificielle. Ce modèle de langage basé sur le deep learning analyse d’immenses volumes de données pour générer du texte de manière réaliste. Classé parmi les IA génératives (IAGen), il illustre l’essor rapide de cette technologie, qui permet de créer du contenu varié (textes, images, vidéos, code). Son adoption a été fulgurante : plus de 100 millions d’utilisateurs en trois mois, dépassant largement la diffusion de l’ordinateur personnel ou d’Internet à leurs débuts.

En 2024, 39,4 % des Américains âgés de 18 à 64 ans utilisent régulièrement une IA générative. En Europe, l’adoption reste plus modérée : 24,2 % des salariés l’emploient au moins une fois par semaine dans leur cadre professionnel, et 10,6 % quotidiennement. Pourtant, la fiabilité de ces outils demeure perfectible, avec un taux d’erreur (ou “hallucinations”) variant de 11 à 69 % selon les modèles.

Face à cet engouement, les entreprises rivalisent pour développer une intelligence artificielle générale (AGI), capable de reproduire des tâches cognitives humaines. Plus de 110 concurrents à ChatGPT ont émergé (Gemini, Microsoft Copilot, Mistral, Claude), chacun cherchant à repousser les limites de l’IA. Cette course effrénée n’est cependant pas sans conséquences sur l’environnement.

Analyse en cinq axes.

 

Une explosion de la consommation énergétique

 

L’essor de l’IA impose un besoin croissant en infrastructures et en énergie. Les centres de données (datacenters) sont au cœur de cette révolution, mais aussi de cette crise écologique. Microsoft et Google ont vu leurs émissions de gaz à effet de serre bondir de 29 % (2020-2023) et 48 % (2019-2023), principalement en raison des infrastructures IA. Pourtant, ces entreprises visent une décarbonation d’ici 2030, un objectif ambitieux face à la hausse de la demande.

Néanmoins, bien employée, l’IA peut aussi jouer un rôle clé dans la réduction de l’empreinte écologique en optimisant les processus industriels, la gestion énergétique ou encore la logistique, ouvrant ainsi la voie à des solutions plus durables malgré son coût énergétique.

 

Une comptabilité carbone opaque

 

Les grandes entreprises du numérique minimisent leur impact environnemental par des mécanismes comptables discutables. Une enquête du Guardian révèle que les émissions réelles des datacenters pourraient être jusqu’à 7,6 fois supérieures aux chiffres déclarés. L’usage des certificats d’énergie renouvelable (REC) permet de masquer la réalité, en compensant les émissions plutôt qu’en les réduisant.

 

Un avenir incertain pour la décarbonation

 

En 2021, le numérique représentait déjà 40 % du budget annuel soutenable d’un citoyen européen. D’ici 2030, l’essor de l’intelligence artificielle pourrait multiplier par 80 la consommation électrique aux États-Unis. En Europe, Green IT estime que l’IA contribue déjà à 5 % des impacts environnementaux des datacenters, avec une croissance annuelle prévue de 20 à 25 % au cours de la prochaine décennie.

Quelques chiffres parlants :

• Une requête ChatGPT consomme autant qu’une dizaine de recherches Google.
• Générer 100 images via l’IA équivaut à recharger 950 smartphones ou à parcourir 6,6 km avec une voiture à essence.
• La génération d’images est 60 fois plus énergivore que celle de texte (2,9 kWh contre 0,057 kWh pour 1000 prompts texte).

L’empreinte écologique de l’IA résulte principalement de la fabrication des équipements nécessaires, représentant plus de 80 % des émissions totales du numérique. L’entraînement des modèles IA, bien plus énergivore que leur utilisation (inférence), contribue aussi à l’augmentation des émissions de CO2.

 

Vers une IA plus durable ?

 

Les data centers, dont la consommation électrique mondiale a atteint 2 % de la demande globale en 2024, pourraient voir leur consommation multipliée par 10 d’ici 2026, soit l’équivalent de celle du Japon aujourd’hui. Leur fonctionnement 24/7 et leurs besoins croissants en puissance de calcul augmentent la pression sur les réseaux énergétiques.

Face à ces défis, les géants du numérique explorent des solutions :

• Amazon : Déclare avoir atteint une consommation électrique compensée à 100 % par des énergies renouvelables en 2023. Cependant, sa consommation globale d’électricité a augmenté de 17 % la même année.
• Google : Explore l’utilisation de réacteurs nucléaires modulaires pour répondre à ses besoins énergétiques croissants.
• Microsoft : Réactive une centrale nucléaire en Pennsylvanie.

Malgré ces efforts, les énergies renouvelables peinent à répondre à la demande croissante. La consommation d’eau constitue un autre enjeu majeur : essentielle pour refroidir les data centers et fabriquer les composants électroniques, elle est exploitée en quantités alarmantes. En 2022, Google a consommé 22 milliards de litres d’eau pour ses serveurs, une augmentation de 20 % par rapport à 2021. L’entraînement d’un seul modèle IA peut nécessiter 700 000 litres d’eau douce (exemple : ChatGPT-3).

 

Concilier innovation technologique et limites planétaires

 

Alors que l’IA redéfinit les usages numériques, son coût environnemental remet en question sa viabilité à long terme. À mesure que les data centers se multiplient, il devient urgent de concilier les ambitions technologiques avec les limites planétaires.

Les choix énergétiques des entreprises auront des répercussions non seulement sur l’écosystème numérique, mais aussi sur les sociétés dans leur ensemble.

Grâce à des outils d’évaluation de l’impact environnemental des data centers, les entreprises peuvent désormais prendre des décisions éclairées. Elles sont en mesure d’identifier les leviers d’amélioration et de choisir des technologies plus durables, réduisant ainsi leur coût environnemental.

Avec autant d’enjeux, une régulation de cette innovation devient indispensable. Il est désormais essentiel d’encadrer ses usages, car les besoins d’énergie deviennent très importants. Dès 2025, la directive CSRD de l’Union Européenne obligera les entreprises à intégrer leur empreinte environnementale dans leurs rapports extra-financiers.

 

L’IA représente un formidable outil de progrès, mais son déploiement massif pose des défis énergétiques et écologiques majeurs. Un équilibre entre innovation et durabilité est indispensable pour garantir que cette technologie serve véritablement l’humanité, en l’orientant vers des objectifs à impact positif.

Source : https://fr.ippon.tech/publications/livre-blanc/tendances-tech-incontournables-2025

 


À lire également : Les cleantech lèvent 2,4 milliards d’euros en 2024 malgré un contexte économique incertain

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC