En 2022, la France affichait un déficit commercial record de 163,6 milliards d’euros. Soit près du double du déficit enregistré l’année précédente (85 milliards). Ainsi, la part de marché à l’export de la France n’est plus que de 2,4% contre 6,5% pour l’Allemagne. Par ailleurs, le Haut-Commissariat au Plan souligne que la consommation intérieure est très largement insatisfaite par la production nationale. Les mesures censées doper la compétitivité des entreprises françaises, et qui se sont multipliées depuis 5 ans, méritaient certainement d’être expérimentées. Il est peut-être temps de tirer le bilan de ces mesures et orienter les efforts vers d’autres voies.
En France, comme dans la très grande majorité des pays industrialisés, les PME représentent 99% des entreprises nationales. Toutefois les PME françaises comptent pour moins de 15% de la valeur des exportations du pays alors que les entreprises familiales allemandes sont principalement tournées vers les marchés extérieurs. En réalisant 20% de leur C.A. à l’étranger, les Très Petites Entreprises allemandes font mieux que les PME françaises.
Les entreprises familiales allemandes profitent de leurs coopérations avec des groupes industriels ainsi que de leurs relations avec leurs financeurs pour accéder à une information riche et diversifiée. De plus, la gouvernance de ces entreprises favorise les processus décisionnels rapides. Et ceux-ci permettent de réagir rapidement aux changements du marché. Dès lors, la compétitivité des entreprises familiales allemandes tiendrait autant à la richesse de l’information à leur disposition qu’à la qualité des processus décisionnels mis en œuvre.
Les PME françaises peuvent-elles espérer se mettre au niveau ?
L’environnement de nos entreprises a évolué drastiquement ces dernières années. Crises financières, concurrence accrue, accidents sanitaires… autant d’aléas qui doivent pousser les entreprises petites et grandes à piloter leur stratégie et leurs opérations au quotidien de façon dynamique. Par ailleurs la profusion d’informations à notre disposition permet d’intégrer de nouveaux angles de compréhension de notre environnement.
Déjà, en 2011, Peter Sondergaard, le vice-président senior et responsable mondial de la recherche chez Gartner, Inc., clamait que l’information est l’essence du XXIème siècle et que l’analyse est le moteur à explosion. De fait, depuis une dizaine d’années, les études empiriques concernant les effets de l’introduction d’outils d’aide à la décision fondée sur les données sur la croissance des entreprises se sont multipliées. Tous ces travaux s’accordent pour souligner que les entreprises les plus performantes investissent une part importante de leurs dépenses technologiques dans l’analyse, en pratiquant des niveaux élevés de décision fondées sur les données. Pour les managers, le principal défi consiste à tirer les bonnes informations des big data. Le raffinement des capacités d’analyse de ces outils présentant des coûts fabuleux, les montants investis ne cessent de croitre même si un flou certain environne les retours sur investissement. Suivant les chercheurs les gains de productivité induits par l’introduction de ces outils seraient de 3 à 8 % dans l’industrie et de 4% à 10 % dans le commerce. Il peut paraitre difficile de dimensionner le montant de l’investissement face à des fourchettes aussi larges.
Par ailleurs, et à montant d’investissement égal, les très grandes entreprises semblent tirer un meilleur profit des outils d’aide à la décision fondée sur les données que les entreprises de taille moyenne. Les premières études montraient que les retours sur investissement étaient nuls pour les PME. Fort heureusement, Jin et McElheran (2018) montrent que l’adoption du « cloud computing » par les jeunes entreprises est associée à des taux de survie et de croissance plus élevés. Il semble que l’informatique en nuage offre de nouvelles opportunités plus adaptées aux PME que les investissements informatiques traditionnels, basés sur des économies d’échelle.
Pour bien comprendre précisons ce que peut apporter le cloud computing à une entreprise ; quelle que soit sa taille.
Le cloud computing concerne trois typologies différentes de technologies. Tout d’abord, le SaaS (software as a service) qui concerne les usages et/ou les applicatifs. Puis le PaaS (platform as a service), plus technique et relative aux plateformes de développement. Enfin, le dernier pilier et peut être le plus important, le IaaS (infrastructures as a service), qui fournit une infrastructure informatique virtuelle telle que des serveurs, des machines virtuelles, du stockage, des réseaux et des systèmes d’exploitation, sur demande via Internet.
La technologie est disponible, il faut maintenant en faire un usage approprié à ses besoins. Pour cela, il existe plusieurs manières de délivrer le cloud.
Tout d’abord, le cloud privé ou dédié est l’outil dont l’utilisation est la plus répandue actuellement au sein des organisations. L’entreprise conserve son propre environnement technologique et ses infrastructures associées. Celles-ci sont à la disposition de l’ensemble de ses métiers assurant une facturation ciblée et sectorielle en fonction de ses différents usages.
Ensuite, et en fonction de ses besoins, l’entreprise peut recourir au cloud public. Celui-ci consiste à requérir les services et l’infrastructure informatiques à la demande mutualisés avec plusieurs entreprises utilisant l’Internet public, le tout géré par un fournisseur tiers.
Les fournisseurs de services Cloud utilisent des groupes de Data Centers partitionnés en machines virtuelles et partagés par les locataires. Les locataires peuvent simplement louer l’utilisation de ces machines virtuelles ou payer pour des services Cloud supplémentaires, tels que des applications logicielles, des outils de développement d’applications ou du stockage. Les entreprises sont amenées à utiliser les services de cloud public pour les applications moins sensibles présentant des pics d’utilisation imprévisibles ou pour stocker des données qui ne sont pas souvent utilisées.
Enfin, le dernier axe qui s’offre à l’entreprise consiste à s’orienter vers le cloud hybride lequel regroupe des clouds publics et privés, liés par une technologie leur permettant de partager des données et des applications. En faisant en sorte que les données et applications se déplacent entre des clouds privés et publics, un cloud hybride offre à l’entreprise une plus grande flexibilité, davantage d’options de déploiement et une optimisation de ses infrastructures, de sa sécurité et de sa conformité.
D’une façon générale, le cloud computing doit permettre aux entreprises de réduire leurs coûts et d’accroître leur productivité en réduisant la quantité de matériel à acquérir et à entretenir. Il facilite également le redimensionnement des ressources en fonction de l’évolution des besoins de l’entreprise. Comme les services proposés et disponibles sont concentrés à distance, ils sont accessibles depuis n’importe quel appareil possédant une connexion à Internet.
Le cloud computing permet aux PME de fonder leurs décisions sur un grand nombre de données. Il permet également à ces entreprises d’accéder à des outils très performants.
L’architecture en nuage autorise une syndication des données. La mise en commun des éléments d’information détenus par chacune des entreprises assure que les processus analytiques seront fondés sur un grand nombre de données émanant d’une très ample variété de sources. Cette approche heurte toujours l’approche purement concurrentielle d’un grand nombre de dirigeants d’entreprises. Pourtant Cournot a démontré il y a maintenant deux siècles que les équilibres coopératifs étaient supérieurs aux équilibres concurrentiels. Un résultat confirmé par Nash un siècle plus tard. La mise en commun d’informations est aujourd’hui courante lorsqu’elle concerne la R&D : les entreprises chinoises dont la recherche est financée publiquement doivent partager leurs résultats avec les autres entreprises du même secteur d’activité. A l’ouest, la multiplication de consortiums, comme le Sematech, concourent à la définition de solutions communes au progrès technologique de différents secteurs d’activité. Il est souhaitable que les 163,6 milliards de déficit commercial enregistrés par la France en 2022 pousse les PME représentant 99% de notre tissu économique à adopter des comportements davantage collaboratifs. La part de marché de la France dans le commerce mondial est passé de 5,2% en 2000 à 2,4% en 2022. Autant dire que la concurrence entre les entreprises françaises sur les marchés internationaux devrait céder la place à des comportements plus coopératifs. L’inclusion des PME françaises dans un même cloud hybride marquerait le début de cette coopération nouvelle.
Par ailleurs, l’architecture en nuage donne naissance au cloud analytique permettant de collecter, traiter et exploiter l’immensité des données qui peuvent provenir de diverses sources, telles qu’Internet, les appareils mobiles, les mails, les réseaux sociaux et les appareils intelligents en réseau. L’ensemble de la data collectée à partir des outils et/ou applications disponibles s’appuie souvent sur des données générées à très grande vitesse et sous diverses formes pouvant aller de la donnée structurée comme les tableaux de bases de données, feuilles Excel) à de la donnée semi-structurées (fichiers XML, pages internet) et non structurées (images, fichiers audio). Beaucoup d’entreprises disposent aujourd’hui des logiciels d’analyse des données construit sous des formes « traditionnelles » ne permettant pas de supporter ce niveau de complexité et d’échelle. Le cloud analytique permet de dépasser les limites des logiciels et offre aux entreprises les outils et applications facilitant l’analyse des données.
Couplé à l’Intelligence Artificielle, le cloud analytique, peut représenter un avantage certain pour améliorer la performance d’une organisation et donc sa croissance. A la base tout individu est devenu un produit malgré lui. En effet avec le développement des technologies mobiles, des réseaux sociaux et des technologies intelligentes associées à l’Internet des objets (IoT), Nous sommes amenés à fournir un nombre incroyable d’informations nous concernant.
Les organisations peuvent donc, grâce au cloud analytique, utiliser les données ainsi récoltées pour prendre des décisions plus adaptées au niveau de l’offre stratégie de produit, du marketing, de la fabrication, de la commercialisation, de la supply chain et du suivi, fidélisation de la clientèle, ou encore du suivi de la concurrence et de l’identification des tendances du marché. Ainsi réalisé, cela favorisera la croissance, l’efficacité et l’innovation de l’organisation avec en prime une meilleure réactivité du fait d’un accès permanent à des informations de qualité.
Confrontées aux incertitudes générées par les récentes crises, qu’elles soient sanitaires économiques ou sociales, les PME ont franchi un nouveau cap dans la prise conscience des enjeux du big data et de la nécessité d’en exploiter tout le potentiel. Plus rien ne se fera désormais dans la conception des business models sans que l’environnement data soit pris en considération. La maîtrise de la performance, la vision claire sur les données et le besoin de prendre rapidement des décisions stratégiques n’a jamais été aussi prépondérant et essentiel dans la conduite des affaires. S’impose alors la business intelligence, une réponse efficace pour faire face aux besoins de compétitivité, de rapidité et de fiabilité.
En résumé, le cloud analytique offre aux PME des avantages significatifs en termes de coût, de flexibilité, d’accessibilité, d’intégration, d’analyse des données, de sécurité et de maintenance. Cela leur permet de tirer parti de l’analyse des données pour prendre des décisions éclairées, améliorer leur efficacité opérationnelle et améliorer leur compétitivité sur les marchés mondiaux.
Idéalement, le cloud analytique devrait être assis sur une concentration des ressources informationnelles accessibles à tous ainsi qu’à une décentralisation des processus de décisions fondés sur la qualité des requêtes émises par chaque dirigeant de PME.
Le cloud analytique représente donc une formidable opportunité pour l’entreprise d’avoir une vision éclairée de son activité commerciale passée, actuelle et future. Avec la finesse que cette approche va apporter, les dirigeants auront toutes les cartes en main pour imaginer, construire et développer une stratégie pertinente… et booster leur performance commerciale en France comme à l’export.
Article rédigé par: Eric BRAUNE – Professeur associé – OMNES EDUCATION et Pascal MONTAGNON – Directeur de la Chaire de Recherche Digital, Data Science et Intelligence Artificielle – OMNES EDUCATION
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