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Laurent Boillot, Président de la Maison Hennessy : « Nous souhaitons inspirer et attirer les jeunes talents vers le secteur du luxe »

Laurent Boillot, Président de la Maison Hennessy / Crédits : Clo Le Guay
Laurent Boillot, Président de la Maison Hennessy / Crédits : Clo Le Guay

Diplômé de Neoma Business School, Laurent Boillot a rejoint le Groupe LVMH, chez Guerlain où il a effectué une grande partie de sa carrière comme Président. En 2020, il est nommé Président de la Maison Hennessy et s’emploie désormais à préserver, enrichir et transmettre le patrimoine de la Maison.

Est-ce que votre nomination en 2002 chez Guerlain était une première porte d’entrée dans le monde du luxe ?

L. B. : Oui, c’était en effet ma première entrée dans le monde du luxe. J’avais néanmoins eu une première expérience chez Unilever où j’avais participé à l’organisation d’une exposition passionnante sur l’œuvre de Fabergé. C’est là, je crois, que j’ai développé plus particulièrement mon intérêt pour le sacré et le luxe. Cela fait aujourd’hui 22 ans que je suis chez LVMH et d’après mon expérience, je qualifierais le luxe comme un monde au carrefour de la culture, du savoir-faire, de la création et du temps long. Ce sont des socles qui permettent à une marque de luxe d’éclore et de s’imposer durablement.

Comment se porte le marché mondial du cognac ? Et où se place Hennessy sur ce marché ?

L. B. : Les spiritueux haut de gamme dans le monde représentent un marché de 82 milliards de dollars en valeur retail dont environ 16 % est capté par le cognac. Nous nous démarquons par notre savoir-faire, notre intégration dans les cultures du monde et notre créativité. Nous maintenons notre position au premier plan et nous détenons à ce jour environ 7 % du marché des spiritueux premiums internationaux en valeur retail. Nous sommes présents dans plus de 160 pays et notre implantation peut dans certains cas remonter à plus de deux siècles. C’est le cas aux USA et en Chine, un marché devenu très dynamique aujourd’hui en raison d’une forte croissance démographique et de l’émergence d’une classe moyenne qui devrait atteindre les 500 millions de personnes d’ici 2050.

Qu’en est-il de la dimension philanthropique chez Hennessy ?

La philanthropie a toujours fait partie de l’ADN de la Maison Hennessy. Je voudrais citer deux exemples. L’Institut Social Hennessy, créé en 1947 à l’initiative de la famille, dans le but de soutenir les salariés de l’entreprise, leurs enfants, les veufs et les retraités, soit environ 2000 personnes. Le second exemple provient des États-Unis, lorsque le distributeur Monsieur Shieffelin prit l’initiative au début du XXème siècle de soutenir les communautés noires américaines en les aidant à accéder à des études supérieures, puis à des emplois à hautes responsabilités.

Vous présidez également le Comité Colbert. Pourquoi est-il important de mettre en valeur les savoir-faire dans le luxe ?

L. B. : Le Comité Colbert regroupe 93 Maisons de luxe françaises et 17 institutions culturelles. En tant que président, je m’efforce de contribuer à faire rayonner ces Maisons à l’international tout en traitant des grands sujets tels que la préservation et la transmission des savoir-faire. En particulier, nous souhaitons inspirer et attirer les jeunes talents vers le secteur du luxe.

Nous avons récemment organisé une rencontre à station F, « Les de(ux)main(s) du Luxe ». Durant trois jours, le grand public et particulièrement les jeunes ont pu découvrir une combinaison unique de savoir-faire et de différentes formations, dans l’optique de réenchanter la vision de ces métiers et de susciter des vocations. Par ailleurs, notre monde n’est pas imperméable à la technologie et elle-même peut contribuer à la préservation de nos savoir-faire. Par exemple, dans le domaine de l’IA, il est possible de mieux documenter les gestes des artisans et autres métiers manuels afin de mieux transmettre leur savoir-faire.

C’est cette démarche qui vous a poussé à mettre un pied dans le Web3 ?

Le Web3 n’est pas une fin en soi, mais elle nous aide à renforcer notre lien avec nos clients. La Maison Hennessy a par exemple créé ses propres NFT, non pas dans une démarche spéculative, mais comme une porte ouverte pour des interactions avec les amateurs de cognac. Dans la même idée, nous avons récemment lancé une opération avec la DAO américaine (Decentralised Autonomous Organisation) FWB (Friends With Benefits), toujours avec l’objectif d’embrasser les communautés. Enfin, nous avons développé une expérience de réalité virtuelle unique, celle-ci baptisée Mobilis permet au public de vivre une immersion poétique à travers l’histoire de Hennessy.

Nous n’avons pas l’intention de « Web3iser » Hennessy mais bien d’utiliser la technologie pour renforcer et valoriser ce que nous faisons déjà.

Comment concilier la recherche du beau avec la durabilité ?

La durabilité est une préoccupation constante et nous n’aspirons pas à choisir notre camp entre le durable d’un côté et le beau de l’autre. Un produit magnifique doit toujours être lié à une exploitation durable, notamment directement dans nos vignobles.

Le débat social autour de l’urgence climatique est tendu… Comment faites-vous pour montrer que vos efforts vont dans le bon sens ?

Dans notre univers, les viticulteurs du passé ne savaient pas que les modèles d’agriculture intensive et d’épandage de pesticides étaient aussi dangereux pour la planète. Les pratiques et les consciences changent et nous sommes engagés dans une mission très volontaire pour préserver notre patrimoine et surtout le transmettre. Nos eaux-de-vie les plus anciennes ont plus de 200 ans. C’est de notre responsabilité que d’assurer que les générations suivantes puissent en bénéficier.

Nos actions s’articulent autour de trois axes. Le premier est l’agroécologie dans nos vignes et auprès de nos viticulteurs livreurs d’eau de vie (34 000 hectares d’approvisionnement) via la certification et le déploiement d’un nouveau modèle viticole promouvant le « zéro herbicide » et la généralisation des couverts végétaux. Nous sommes également propriétaire d’un vignoble de 180 hectares, qui sert de R&D et nous n’hésitons pas à collaborer avec nos 1600 partenaires viticulteurs ainsi que nos confrères pour explorer toutes les solutions possibles.

Le deuxième axe est la préservation de la biodiversité via notre programme Forest Destination visant à regénérer 50 000 hectares de forêts d’ici 2030, et à développer l’agroforesterie dans les vignobles en implantant 1000 km de haies en 10 ans. Et le troisième est la réduction de notre empreinte carbone de 50% d’ici 2030 (scopes 1, 2 et 3). Quelques chiffres : la distillation passée à 100% en biogaz, 99,8% de fret maritime, et en perspective le développement des transports maritimes d’avenir. La maison soutient deux projets avec Néoline et Zéphyr & Borée. Dès 2025 nos cognacs seront acheminés par Cargos à voile.

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