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L’Arabie saoudite mise sur sa richesse pétrolière pour dominer l’IA 

Arabie saoudite
Circulation sur l'avenue principale traversant le quartier moderne des affaires et le centre-ville de Riyad au coucher du soleil dans la capitale de l'Arabie saoudite. Getty Images

Les ressources financières, les terres et l’accès à une énergie renouvelable bon marché ont été les éléments clés de l’argumentaire de l’Arabie saoudite pour se positionner comme un « centre mondial de l’IA » lors de son sommet annuel, surnommé le « Davos du désert ».

Un article de Iain Martin pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Au cours des dix dernières années, l’Arabie saoudite a mis à profit sa vaste richesse pétrolière pour se positionner comme un investisseur majeur dans le secteur technologique. Cette année, lors du Future Investment Initiative Institute, la vitrine annuelle du royaume surnommée le « Davos du désert », l’Arabie saoudite a fait valoir sa volonté de devenir une plaque tournante pour les centres de données d’IA.

Lors de la séance d’ouverture du FII, Yasir Al Rumayyan, président du fonds souverain saoudien, estimé à 930 milliards de dollars, a encouragé les entreprises technologiques à implanter au royaume les vastes centres de données nécessaires pour développer et faire fonctionner les nouveaux systèmes d’IA. Il a souligné que l’Arabie saoudite dispose de ressources énergétiques abondantes, d’une position géographique stratégique et de vastes terres disponibles pour soutenir ces infrastructures. « Si nous investissons dans l’IA, c’est parce que l’Arabie saoudite est idéalement placée pour devenir un centre mondial, et pas seulement un centre régional », a affirmé M. Rumayyan.

Lors du sommet de Riyad, le discours du royaume sur l’intelligence artificielle a été favorablement accueilli par des représentants de Wall Street et de la Silicon Valley. Eric Schmidt, ancien président exécutif d’Alphabet, a souligné que « la présence de très grandes réserves de capitaux, d’énergie et la capacité de construire des centres de données seront des éléments clés ».

Il a ainsi soutenu la proposition du royaume, suggérant que les processus d’entraînement et d’inférence de l’IA pourraient être délocalisés vers des centres de données en Arabie saoudite, évitant ainsi les limitations liées à la production et à la transmission d’électricité aux États-Unis. « Si l’Arabie saoudite investit judicieusement et sans délai, elle a toutes les chances de devenir un acteur majeur dans ce domaine », a affirmé M. Schmidt.

Le lendemain, Yasir Al-Rumayyan a signé un accord avec Google pour intégrer les nouvelles puces d’intelligence artificielle de l’entreprise dans les centres de données du royaume. Par ailleurs, Oracle a déjà investi 1,5 milliard de dollars dans un centre de données en Arabie saoudite, renforçant ainsi l’infrastructure technologique du pays.

 

La demande énergétique de l’IA s’accélère : nouveaux défis et investissements mondiaux

La croissance des projets de centres de données dédiés à l’IA a stimulé une vague d’investissements dans les infrastructures énergétiques cette dernière année. Aux États-Unis, Microsoft a annoncé en septembre sa volonté de réactiver le réacteur nucléaire de Three Mile Island, mis en veille depuis des années, et Amazon a récemment signé trois importants accords nucléaires. Par ailleurs, Sam Altman, d’OpenAI, aurait plaidé pour des centres de données dont la consommation électrique équivaudrait à celle de 4 millions de foyers. Stephen Schwarzman, PDG de Blackstone, a également averti que la demande en électricité liée à l’IA pourrait augmenter de 40 % au cours de la prochaine décennie.

Les autorités saoudiennes affirment pouvoir offrir de l’électricité à un tarif environ 12 % inférieur aux 7,8 cents par kilowattheure que payent en moyenne les centres de données aux États-Unis. « Vous aurez accès à l’énergie la moins chère pour construire des centres de données dans le monde entier », a déclaré Amin Nasser, PDG d’Aramco, le plus grand producteur de pétrole au monde. Il a précisé que le royaume pouvait fournir de l’électricité à 4,8 cents par kilowattheure grâce au gaz, ou à 6,8 cents par kilowattheure en utilisant des sources d’énergie renouvelables. « Ils doivent venir en Arabie saoudite pour développer des centres de données écologiques », a-t-il déclaré.

La réalisation de cet objectif pour le royaume repose sur un autre défi de taille : déployer 130 gigawatts d’énergie renouvelable d’ici 2030, soit l’équivalent des deux tiers de l’infrastructure éolienne et solaire actuelle de l’Allemagne. Pourtant, selon BloombergNEF, l’Arabie saoudite n’avait installé qu’environ 2,5 gigawatts de capacité solaire l’année dernière.

Les ambitions de l’Arabie saoudite en matière d’IA pourraient aussi intensifier la compétition avec ses voisins du Golfe, également riches en pétrole. Abu Dhabi, en particulier, a lancé ses propres projets ambitieux dans ce domaine, soutenus par le groupe public d’IA G42, un nouveau fonds d’investissement de 100 milliards de dollars dédié à l’IA, ainsi qu’un réseau de laboratoires et de petites entreprises spécialisées.

Les deux puissances du Golfe font face à un obstacle commun pour accéder aux puces avancées produites par des entreprises américaines comme Nvidia. L’administration Biden a en effet imposé des restrictions à l’exportation sur les unités de traitement graphique (GPU) utilisées pour les calculs alimentant l’IA, par crainte qu’elles ne soient revendues à la Chine. En avril, Microsoft a investi 1,5 milliard de dollars dans G42, dans le cadre d’un accord stipulant la fin de toute collaboration avec la Chine. De même, le directeur de la principale université de recherche saoudienne a récemment affirmé son engagement à cesser tout projet susceptible de donner à la Chine un accès aux puces fabriquées aux États-Unis, selon le Financial Times.

Un projet majeur en matière d’IA, pourtant absent des discussions lors du sommet, est la création d’un fonds d’investissement de 40 milliards de dollars qui serait géré par le Fonds public d’investissement d’Arabie Saoudite (PIF) en partenariat avec les investisseurs en capital-risque d’Andreessen Horowitz. Le PIF avait déjà révélé l’année dernière qu’il avait investi dans les fonds d’A16Z.

Les autorités saoudiennes ont indiqué que l’époque des investissements massifs dans des projets extérieurs, comme l’engagement de près de la moitié des 100 milliards de dollars du fonds Vision de SoftBank en 2016, pourrait être révolue pour l’instant. Avec un prix du pétrole stabilisé autour de 80 dollars le baril cette dernière année et une baisse des investissements étrangers, le royaume fait face à un déficit budgétaire de 32 milliards de dollars, ce qui a conduit à des réductions de dépenses pour des mégaprojets tels que la ville futuriste de Neom.

Yasir Al-Rumayyan a également déclaré que les projets internationaux, y compris les participations dans des fonds d’investissement étrangers, occuperaient désormais une place moins prépondérante dans les dépenses globales du fonds. Cette part pourrait être réduite à 18 %, contre 21 % actuellement, marquant une baisse significative par rapport au pic de 30 % atteint en 2020.

Malgré cette évolution, environ 8 000 personnes se sont rassemblées au sommet annuel de Riyad, attirées par les milliards de dollars investis par le fonds souverain saoudien dans divers domaines, comme les start-ups telles que le fabricant de voitures électriques Lucid et l’entreprise de réalité augmentée Magic Leap, ainsi que dans des événements sportifs comme le LIV Golf et le club de football de Newcastle United. « Autrefois, les gens venaient pour nous demander de l’argent », a déclaré M. Rumayyan le 29 octobre. « Aujourd’hui, nous constatons que les gens souhaitent davantage co-investir avec nous, plutôt que de se contenter de recevoir notre financement. »

Le thème de l’IA s’est glissé dans de nombreuses discussions lors du sommet, tenu dans le somptueux hôtel Ritz-Carlton de Riyad. Un trio de robots imposants, autrefois présents lors des éditions précédentes, a cédé la place à des avatars d’IA qui, par moments, prenaient maladroitement la parole pour vérifier des faits et interpeller les grands dirigeants présents, avec des répliques générées apparemment à partir d’un grand modèle de langage. « Je crois qu’ils ont perdu le contrôle de l’avatar, ce qui est assez inquiétant », a observé Anna Stewart de CNN, qui animait un panel avec trois milliardaires. « On a besoin d’humains dans le panel. »


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