Dyson, la société anglaise d’électroménager, qui prévoit un investissement de 2,7 milliards de dollars pour la construction de voitures électriques, pourrait mettre en péril le futur de l’entreprise avec ce nouveau projet. Afin de s’assurer le succès, il lui faut rechercher des partenaires, considèrent certains analystes.
D’aucuns disent que Dyson prend là un bien trop grand risque.
Dyson a dévoilé la semaine dernière son projet de produire une voiture électrique pour une commercialisation en 2020. L’entreprise n’a pas donné de détails concernant son aspect, sa taille, ou encore son prix, ne faisant qu’indiquer qu’il s’agirait d’un produit « haut de gamme ». Cela pourrait désigner tout et n’importe quoi entre une voiturette de golf dernier cri et un véhicule qui viendrait concurrencer les Model S ou Model X haut de gamme de Tesla.
L’entreprise qui est à l’origine des aspirateurs Dyson et des sèche-cheveux et sèche-mains de la même marque travaille sur une technologie de batterie électrique depuis près de deux décennies.
« Nous savons que ce marché est plein à craquer, » a constaté le fondateur de Dyson, Sir James Dyson, alors qu’il annonçait le projet de voiture et prédisait que le business automobile dépasserait vite les autres domaines de l’entreprise.
Dyson a déclaré espérer tirer des bénéfices de ce projet. Le bruit court depuis longtemps que la société doit faire son entrée dans le marché de la voiture électrique. L’analyste du secteur automobile, BMI Research, a fait savoir que Dyson avait une chance de réussir en empruntant cette voie, mais aussi qu’il pourrait être judicieux pour l’entreprise de trouver de l’aide.
« Bien que l’expertise qu’a Dyson dans les moteurs électriques soit une chance, les défis tels que les contraintes de capital s’avéreront difficiles à surmonter. Dyson aura donc du mal à y arriver seul et aura besoin de partenariats avec des fabricants automobiles plus établis afin de se faire une place dans le marché du véhicule électrique, » a exposé dans un rapport BMI Research.
La semaine dernière, la société d’électroménager a cependant communiqué sa décision d’exclure la possibilité de travail avec une autre entreprise automobile. Selon BMI Research, cela n’a aucun sens.
« Dyson prend des risques considérables en entrant dans le secteur du véhicule électrique, et fera face à une rude compétition provenant de plus grands constructeurs automobiles comme Tesla, General Motors et Daimler, lesquels ont tous accès à bien plus d’expertise pour la conception et la construction de nouveaux véhicules, de même qu’ils disposent de capacités de fabrication plus importantes et mieux établies. Dyson devra aussi composer avec Daimler, GM, VW et avec la branche électrique de Toyota qui fait grimper son investissement dans le véhicule électrique, ce qui prend une portion toujours plus grande du total des investissements de l’automobile, » observe BMI Research.
BMI Research a récemment publié des données montrant que dans la première moitié de l’année 2017 les investissements du véhicule électrique ont atteint 17% du total de la dépense automobile mondiale.
Erich Joachimsthaler, PDG de l’entreprise de marketing Vivaldi, perçoit également les projets de Dyson comme une menace potentielle pour le futur de la société.
« Comme quelqu’un l’a un jour dit, la manière la plus rapide de faire une petite fortune dans l’industrie automobile est de commencer avec une grande fortune. Je pense que le plan de Dyson est peut-être une extension de marque. S’il va vers la construction de voitures, il se peut qu’il n’en sorte pas indemne. L’industrie automobile est bien plus compliquée que le secteur dans lequel il se trouve à présent. C’est davantage un écosystème composé de fabricants de pièces, de fournisseurs, de revendeurs et de régulations. Ce n’est pas la même chose pour les aspirateurs. Y a t-il beaucoup de place pour un autre fabricant de voiture électrique après Tesla ? », interroge Erich Joachimsthaler lors d’une interview téléphonique.
« Même avec 2 ou 3 milliards de dollars il n’est pas simple de passer des aspirateurs aux voitures, » poursuit-il.
Erich Joachimsthaler pense que la marque Dyson aidera la société tant qu’elle surpasse Tesla sur le design.
« Mais nous ne savons pas encore de quoi [la voiture Dyson] aura l’air ou quel sera son prix. Nous jouons à un jeu de devinettes pour le moment », remarque Erich Joachimsthaler.
Selon lui, la Chine mènera la barque dans le secteur de la voiture électrique, et Dyson cherchera à vendre dans ce pays.
« Pour ce qui est de la marque Dyson, cela pourrait persuader ceux qui ont assez d’argent pour acheter une Tesla en tant que deuxième voiture; c’est un marché où l’entreprise pourrait faire une brèche. Il leur faudrait acheter quelque chose de britannique, comme Burberry, » suggère le PDG.
Burberry se décrit comme une marque de luxe mondiale dotée d’une identité distinctement britannique.
Une autre façon pour Dyson de se différencier serait d’utiliser des batteries à semi-conducteur, comme l’indique le spécialiste en études de marché IHS Markit. Dyson a acheté l’entreprise Satki3, spécialisée dans ce type de batterie.
« Ces batteries ont le potentiel de conserver plus de charge que les batteries en lithium-ion, mais elles sont plus instables. Si l’entreprise parvenait à trouver une solution à ses problèmes, elle s’avancerait dans ce secteur en devançant des entreprises établies comme Toyota, qui espère posséder la technologie nécessaire à ses véhicules d’ici début 2020, » annonce IHS Markit dans un rapport.
Morgan Stanley se montre enthousiaste à l’idée d’une incursion de Dyson dans la voiture électrique.
« Il semble logique pour Dyson d’entrer dans le marcher de la voiture électrique. Nous voyons que Dyson a un bien meilleur niveau de transférabilité des compétences vers le véhicule électrique que les entreprises automobiles du moteur à combustion interne. Dyson laisse entendre que le design de son moteur électrique est tout prêt. La société a de l’expérience dans la conception de moteurs efficaces et dans les appareils portables à batterie, » note l’analyste Adam Jonas de Morgan Stanley.
« Les voitures électriques ne sont apparemment pas si difficiles à fabriquer. Dyson n’est que le dernier d’une longue liste croissante de nouveaux arrivants dans le secteur, en particulier en provenance de la Chine, » précise Adam Jonas.
« Si Dyson peut vraiment produire un véhicule entièrement électrique et de longue autonomie d’ici 2020, c’est plus tôt que le temps nécessaire à l’accomplissement de cet exploit par la plupart des entreprises automobiles d’aujourd’hui. Si Dyson proposait une belle expérience de transport électrique, respectant tous les standards de sécurité futurs, auriez-vous honte d’être vu à bord de l’un de ces véhicules ? Le fait que l’entreprise fabrique aussi votre aspirateur importerait-il ? », interroge Adam Jonas.
Les sceptiques de BMI Research imaginent un plan bien différent pour Dyson.
« Un autre scénario à considérer est que le véhicule électrique que Dyson souhaite produire en 2020 sera simplement une démonstration technologique intégrée à une très petite échelle de production, plutôt qu’une initiative de Dyson de faire face à l’épreuve du lancement d’un véhicule de masse. Cela permettra à Dyson de se focaliser sur le développement des composantes pour fournir des fabricants mieux établis plutôt que de relever le défi de déployer sa propre production automobile à grande échelle et de monter la chaîne d’approvisionnement nécessaire.
Ce scénario donne aussi à Dyson l’accès à l’issue de secours que serait la vente de sa branche automobile si le défi et les besoins en capitaux se révélaient trop élevés pour que la société puisse y faire face sans impacter son noyau de clients, » conclut BMI Research.
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