Les Fintech hexagonales profitent notamment d’un environnement économique et institutionnel favorable à leur développement. Avec de véritables réussites comme la licorne Kyriba, la France est devenue une place forte des start-up de la finance. Mais il reste encore beaucoup à faire pour que le pays rattrape doucement les géants chinois et américains.
L’argent pleut sur la fintech française. En 2018, les investisseurs ont misé sur 72 fintech – contraction de « technologie financière » – hexagonales pour un montant de 365 millions d’euros, selon le décompte publié fin décembre par KPMG dans son rapport intitulé « Pulse of Fintech France ». Record battu.
Et l’année 2019 devrait être encore plus favorable pour certaines de nos plus belles start-up de la finance. Parmi elles, quelques futures licornes qui pourraient bientôt être valorisées autour du milliard d’euros. C’est le cas de Ledger, spécialiste de la sécurisation des comptes de cryptomonnaies, qui a bouclé un tour de table de 61 millions d’euros. Mais aussi d’October, exLendix (32 millions d’euros), de l’assurtech Alan (63 millions d’euros) et de la néobanque dédiée aux entreprises Qonto (20 millions d’euros).
En quelques années, la France est devenue le premier grand pays européen pour l’usage d’internet dans les services bancaires. Il faut dire qu’on ne dénombre pas moins de 750 entreprises de la fintech, au sein d’une industrie financière qui représente selon la Banque de France 800 000 emplois directs et 400 000 indirects.
Autant d’acteurs qui fournissent des services financiers grâce à des solutions innovantes dans des domaines d’application variés : paiement mobile, financement participatif (crowdfunding), gestion de l’épargne, assurance et crédit, conseil financier en ligne, aide à la décision grâce aux algorithmes ou à l’intelligence artificielle.
Pour se développer, les fintech ont misé sur les nouveaux usages et les nouvelles attentes des clients en matière de services bancaires, notamment grâce au développement du mobile. La plupart proposent des solutions sous la forme d’applications qui modifient le rapport du grand public avec les institutions financières. Déjà 15 % des Français recourent aux services des fintech. Les plus utilisés sont les applications de paiement et de transfert, les cagnottes, les comparateurs de prix et de services, le financement participatif.
Services adaptés aux usages
Pourquoi les fintech connaissent-elles une forte croissance en France ?Alain Clot, président de France FinTech (lire notre interview p. 87) livre son analyse : « Les banques en ligne (Boursorama, ING, Fortuneo, etc.) de première génération, porteuses d’une réelle rupture, se sont développées très tôt en France, dès la fin des années 1990. Une quinzaine d’années plus tard est apparue une nouvelle génération de services financiers innovants, adaptés aux nouveaux usages, permis par les technologies de la mobilité et des données. Des changements rapides qui ont poussé le régulateur à s’adapter et à se montrer plus favorable à l’innovation. »
La France a également développé autour de la fintech un écosystème mêlant recherche, enseignement, valorisation et entrepreneuriat. Dernier exemple en date, l’université de Paris Dauphine qui vient de créer une chaire dédiée à la finance digitale en partenariat avec Mazars et Crédit Agricole Corporate and Investment Bank. Portée par Hervé Alexandre, professeur de finance, responsable du master banque finance à Dauphine, la chaire se positionne comme une réponse aux besoins réels d’un marché en pleine croissance. D’autres partenaires viendront prochainement les rejoindre pour atteindre un budget total d’un million d’euros.
Fleurons de la start-up nation, les fintech sont également chouchoutées par le gouvernement français. L’Élysée a mis en place plusieurs mesures destinées à faciliter l’essor du secteur. Dès 2016, l’Autorité des marchés financiers (AMF) a créé sa division « Fintech, innovation et compétitivité » destinée à accompagner la croissance du secteur et à encourager l’adoption de nouvelles réglementations. Fin 2017, c’est l’initiative Swave, incubateur de start-up fintech et assurtech, qui était lancée avec l’appui du gouvernement. Plus récemment, en 2018, Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie et des Finances, a soutenu le développement des Initial Coin Offerings (offre publique d’achat en jetons/ tokens), ainsi que le secteur des cryptomonnaies.
En outre, plusieurs événements sont organisés sur le territoire autour de la fintech, dont l’incontournable Paris FinTech Forum.
Des investissements encore timides
Tout cela suffira-t-il à faire éclore des licornes sur le modèle de Stripe, TransferWise ou Ripple ? Fin mars, la licorne franco-américaine Kyriba devenait la première du genre avec une valorisation à 1,2 milliard de dollars. L’arbre qui cache la forêt pour beaucoup d’observateurs qui regrettent que les investissements dans le secteur restent plus timides qu’aux États-Unis et en Chine, ou même que dans d’autres économies européennes. Les 365 millions d’euros investis dans les fintech françaises font figure de goutte d’eau en comparaison des 112 milliards de dollars qui se sont déversés sur le secteur dans le monde.
Mais les mêmes observateurs gardent espoir, car ils s’attendent à une montée en puissance de la branche dite « assurtech », pour « technologie appliquée aux assurances ». Un secteur où la France a quelques coups d’avance sur beaucoup de ses voisins européens au niveau réglementaire. Et dans ce domaine, nos futurs champions s’appellent Shift Technology, qui fournit des outils pour accélérer les indemnisations des clients, ou Alan, qui disrupte la complémentaire santé en entreprise.
Paris-Dauphine se dote d’une chaire fintech
Contribuer à l’émergence d’un écosystème mêlant recherche, enseignement, valorisation et entrepreneuriat sur le thème de la fintech, voilà l’objectif du partenariat signé entre l’université ParisDauphine, sa fondation, le groupe international d’audit et de conseil Mazars et la banque Crédit Agricole CIB.
Sous l’égide d’Hervé Alexandre, professeur de finance, responsable du master banque finance à Paris-Dauphine, la chaire fintech/ finance digitale de l’université spécialisée dans les sciences des organisations, des marchés et de la décision a été lancée le 15 mars dernier. Elle est le résultat d’un partenariat avec plusieurs entreprises et devrait bientôt collaborer avec d’autres, pour un budget total d’un million d’euros. « Paris-Dauphine se caractérise par une forte proximité avec la communauté économique et financière. Dès l’origine, les fondateurs étaient convaincus de l’importance d’ancrer l’université dans la société pour éclairer la décision publique et privée. Les entreprises restent à ce titre des partenaires clés pour nous. Ces liens sont également utiles pour les programmes scientifiques : des chaires sont montées avec des entreprises, comme cela a été le cas dernièrement sur les fintech », explique Isabelle Huault, présidente de l’université Paris-Dauphine.
Cette chaire va prendre vie à travers des matinées d’experts, des tables rondes et des conférences annuelles prévues en Europe, en Asie, en Amérique du Nord et en Afrique. Elle réunira, aux côtés de ses partenaires, des spécialistes académiques et professionnels reconnus en France et sur la scène mondiale, pour échanger sur le thème de la finance digitale. Ces échanges feront de la chaire un terreau de réflexion exceptionnel, lui permettant d’orienter ses recherches vers des problématiques concrètes tout en soutenant l’émergence de projets entrepreneuriaux avant-gardistes.
Parallèlement, elle déploiera son axe recherche et enseignement à travers la création de cours portant sur la finance digitale dans des programmes de master et à travers le financement d’un programme doctoral au sein de l’université Paris-Dauphine. Au-delà de leur portée académique et professionnalisante, ces actions devront permettre de contribuer à la mise en place d’un cadre structuré et réglementé pour soutenir la finance digitale à long terme, notamment grâce à la mise en place d’appels à projets de portée mondiale et l’attribution annuelle d’un prix du meilleur article.
Enfin, sur le volet entrepreneurial, la chaire accompagnera également des événements phares de la fintech tels que la Paris Blockchain Week et le Cosmos/Tendermint Hackathon pour mettre en place des concours permettant d’assister des projets innovants dans leur déploiement opérationnel. La chaire s’associera également avec l’incubateur Paris-Dauphine pour accompagner des lauréats de masters dans le développement et le financement de leurs projets fintech.
Dossier réalisé par Maurice Midena et Jean-Jacques Manceau
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