Data et abeilles : Le nombre de ces insectes pollinisateurs dans le monde est en déclin, une menace terrible pour toute la biosphère. Mais l’analyse et la récupération des données peut permettre de mieux les protéger. C’est l’ambition du World Bee Project d’Oracle.
Les abeilles représentent le maillon incontournable de la richesse de la biodiversité sur Terre. Alors que la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP25) se tient actuellement à Madrid, les preuves de l’impact dévastateur des activités humaines sur la planète s’accumulent. En l’occurrence, l’utilisation massive de certains pesticides est tenue pour responsable principale du déclin des abeilles, qui sont directement responsables de la production de 70% des fruits, légumes, graines et noix consommés chaque jour. Leur rôle pour l’environnement est primordial pour la biodiversité.
Pour tenter d’enrayer ce déclin massif et régulier du nombre d’abeilles et en parallèle des réflexions faites sur la COP 25 sur le climat, Oracle a mis en place pour le World Bee Project un système de ruches connectées, ce qui permet de suivre en temps réel les colonies, et de comprendre les causes de leur disparition pour, in fine, dégager des analyses qui permettront de prendre des mesures correctives pour pouvoir sauvegarder les abeilles. Forbes France a interrogé Anna Centeno, Directrice innovation Hub, sur ce projet.
« Nous connaissons aujourd’hui la plupart des facteurs qui entraînent la disparition des abeilles mellifères. Ce que nous ignorons, en revanche, c’est l’ampleur de leur impact »
Comment fonctionne le World Bee Project ?
Le World Bee Project est une organisation privée basée à Reading (Grande-Bretagne) travaillant avec des scientifiques de l’Université de Reading, avec Oracle, ainsi qu’avec un réseau conséquent de partenaires au Royaume-Uni, en Inde et en Hongrie pour atténuer les pénuries alimentaires, les menaces qui pèsent sur les petits exploitants agricoles et les économies nationales, ainsi que les effets du changement climatique.
Le World Bee Project CIC est la première organisation privée à lancer une initiative mondiale de supervision des abeilles mellifères afin de fournir des connaissances de pointe directement aux millions d’exploitants agricoles dans le monde. L’objectif est d’améliorer la contribution des pollinisateurs à l’économie et aux moyens de subsistance. Grâce au Cloud d’Oracle, le World Bee Project permet d’obtenir une vue d’ensemble en temps réel de l’état des ruches qui sont connectées à ce système de surveillance et d’analyse. Ainsi, nous fournissons aux chercheurs les informations cruciales leur permettant de travailler avec les gouvernements et d’endiguer le déclin des abeilles.
En quoi l’IA (intelligence artificielle), l’IoT (internet des objets) et le Big Data (volumes de données particulièrement énormes à traiter) peuvent-ils apporter des solutions pour freiner la disparition des abeilles ? Et quels appareils utilisez-vous pour récolter ces données ? Que mesurent-ils comme paramètres ?
A l’aide de ces technologies, nous collectons d’immenses quantités de données, ce que l’on appelle le « big data », du réseau de ruches connectées qui sont surveillées à distance. Cela se fait grâce à des capteurs de surveillance et des caméras installés au sein des ruches et ainsi, nous collectons des données auditives et visuelles qui rendent possible la détection des menaces pour les essaims d’abeilles, mais aussi des data directement liées à l’état des ruches comme la température, l’humidité, le poids des ruches, les vibrations émises par l’essaim… Ce sont des éléments essentiels pour la prolifération des abeilles. A la suite de cette collecte, les données sont analysées en temps réel pour fournir aux apiculteurs les moyens de mesures de la santé de leurs abeilles et de leurs ruches, et ainsi aider dans la prise de décisions adéquates pour freiner leur déclin.
Les données que nous récoltons viennent aujourd’hui nourrir trois cas d’usage que sont « les données de surveillance des ruches en temps réel », « l’essaimage » et « les attaques de frelons » qui font des dégâts considérables. Concernant la collecte des données sur la température par exemple, il s’avère que les abeilles ont besoin d’avoir une température constante à l’intérieur de la ruche de l’ordre de 33°/34° pour pouvoir couver correctement leurs œufs. Si l’environnement ne permet pas d’offrir cette température, alors un danger existe pour le couvain et les abeilles. En période estivale, il faut savoir que la reine des abeilles produit entre 1000 et 2000 œufs par jour ; les indicateurs de température jouent donc un rôle capital. Nous sommes également capables de détecter l’approche d’un frelon et prévenir l’attaque d’une ruche grâce au Deep Learning (« apprentissage profond », un dérivé de l’IA) et aux capteurs vidéo intelligents. Et cela vaut également pour les données sonores récoltées afin d’anticiper un essaimage, cette fois grâce au Machine Learning (« apprentissage machine »).
Comment sont analysées les données récoltées et avec qui sont-elles partagées ?
Nous avons mis en place une source centrale de données mondiales sur les abeilles mellifères à faibles coûts et à fort rendement. Cette base de données, qui utilise la solution Oracle Autonomous, l’une des toutes dernières innovations d’Oracle, permet à tous, petits agriculteurs et apiculteurs, chercheurs et scientifiques spécialistes de la pollinisation, d’avoir des informations sur la santé des abeilles et de travailler et réfléchir au lien entre la nature et la population. C’est quelque chose de gigantesque, dans la mesure où sont collectées 2 à 3 millions de données par minute ! Ces « big data » sont regroupées puis analysées dans le Cloud d’Oracle, avant d’être partagées au sein du réseau du World Bee Project.
Ce dernier est important car il touche un large public, du plus au moins averti. En dehors de l’écosystème principalement concerné et du monde de la Science, le public se compose par exemple de décideurs politiques, voire même d’écoliers dans le cadre du travail de prévention et de sensibilisation nécessaire que le World Bee Project s’efforce de réaliser avec les chercheurs.
Comment travaillez-vous avec les apiculteurs ? Sont-ils au fait de l’usage de ces technologies ? Leur proposez-vous des formations ?
Les apiculteurs connaissent le fonctionnement du World Bee Project car cela leur donne la possibilité d’obtenir une vue d’ensemble de la santé des abeilles, ce qui les aide dans leur travail de prévention. L’objectif est de pouvoir leur proposer les bons outils pour la mise en application de pratiques agricoles durables, et qui restent attractives pour eux sur le plan financier. En ce qui concerne leur formation et la sensibilisation sur l’ensemble de ces sujets, tout ceci est assuré par des professionnels directement via l’organisation du World Bee Project. Oracle, en tant que fournisseur des solutions technologiques permettant de mener à bien ce projet d’observation et de sauvegarde des abeilles via l’analyse des données les concernant, intervient pour sa part sur les formations associées à l’usage de ces technologies ; celles-ci se font via notre organisme de formation online Oracle University.
Quelles conclusions ont déjà pu être dégagées à travers ce projet sur la manière dont les abeilles travailleuses affrontent un quotidien de plus en plus difficile ?
Nous connaissons aujourd’hui la plupart des facteurs qui entraînent la disparition des abeilles mellifères. Ce que nous ignorons, en revanche, c’est l’ampleur de leur impact et le caractère de leur propagation, localisée ou généralisée. Dès que l’importance de ces facteurs néfastes et de leur étendue sera mieux connue, alors nous serons en mesure de développer des méthodes d’atténuation pertinentes pour endiguer ce déclin et œuvrer efficacement à la protection de ces pollinisateurs. Mais cela implique aussi des enjeux socio-économiques et politiques, puisque les abeilles et les autres pollinisateurs sont intimement liés à tous nos moyens de subsistance et à notre bien-être. Leur santé a donc des conséquences à grande échelle sur la santé des êtres humains, et sur notre économie. Absolument tout le monde est concerné !
De nombreuses solutions innovantes basées sur des technologies émergentes sont également étudiées, l’idée étant de travailler à la certification et à la promotion de produits ou pratiques agricoles durables qui favorisent les habitats sains pour les pollinisateurs. Il s’agit là de rendre financièrement attractive l’adoption de pratiques durables pour les agriculteurs, tout en étant capables de satisfaire les consommateurs inquiets du déclin des populations d’abeilles et soucieux de la provenance du miel et de ses dérivés qu’ils achètent. Mais vraiment, j’insiste : il s’agit là d’un problème plus grave que certains n’imaginent, et dont il faut se soucier au risque de mettre en péril l’Humanité tout entière ! Si nous souhaitons que notre espèce perdure, il faut sauver les abeilles…
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