Fondée en 2017 par Jean-François Déchant avec Olivier Goulay et Aymeric Molin, Elicit Plant se donne pour mission d’améliorer la résistance aux stress des plantes, notamment au hydrique, un phénomène amplifié par le changement climatique.
Elicit Plant a développé un traitement foliaire à base de phytostérols qui, entre autres, réduit la transpiration des plantes grâce à la fermeture partielle des stomates et optimise leur consommation en eau, avec un impact direct sur la résilience et le rendement des cultures. Elle est déjà présente en Europe, au Brésil, aux États-Unis et souhaite accélérer son développement international grâce à une récente levée de 45 millions d’euros. Entretien.
Forbes : Comment est né le projet ?
Jean-François Déchant : Je suis ingénieur télécom de formation et j’ai passé huit ans dans la Silicon Valley où j’ai créé plusieurs startups dans le domaine de la cybersécurité. En 2015, je suis revenu en France comme business angel, puis j’ai cofondé Elicit Plant. Ce projet est né d’une complémentarité : Olivier Goulay avait travaillé sur les phytostérols en cosmétique et il a vu le potentiel d’appliquer cette molécule en agriculture. Le tout s’est concrétisé grâce à Aymeric Molin, un agriculteur et ingénieur agronome spécialiste de l’eau, qui nous a permis de tester et affiner nos produits sur sa ferme. Son exploitation est consacrée aux grandes cultures commele maïs, le blé, l’orge ou le tournesol, et nous avons pu travailler pendant 5 ans sur le développement de produits adaptés.
Quels sont les bienfaits de votre solution pour les agriculteurs ?
J.-F. D. : Notre produit est biosourcé et basé sur des molécules naturelles issues des plantes elles-mêmes, contrairement aux molécules de synthèse traditionnelles. Les phytostérols, présents dans des aliments comme la margarine ou les crèmes cosmétiques, ont une capacité pénétrante exceptionnelle. En agriculture, appliqué en préventif, ils déclenchent des mécanismes de défenses des plantes face aux stress, les rendant plus résistantes au stress hydrique tout en augmentant leur biomasse. Résultat : moins d’eau consommée, de meilleures racines et une efficacité prouvée sur des cultures essentielles comme le maïs, le blé, l’orge et le tournesol.
Issu de rebuts et de déchets agricoles, notre produit s’intègre parfaitement dans des pratiques agricoles conventionnelles ou biologiques. Nous ne visons pas la certification bio pour l’instant, car elle est complexe et coûteuse, mais notre approche est respectueuse de l’environnement. L’objectif est d’offrir aux agriculteurs une alternative qui allie productivité et durabilité, sans les opposer.
En réalité, les agriculteurs n’utilisent pas de produits phyto pour polluer, mais pour survivre économiquement. C’est d’ailleurs ce dernier point qui les pousse encore aujourd’hui à manifester dans les rues en France. Et ce soulèvement paysan se ressent aussi à travers le monde, à mesure que l’urgence climatique crée de plus en plus d’incertitudes économiques. Nous devons leur offrir des solutions performantes et durables pour les aider à innover.
Vous avez récemment obtenu des autorisations de mise sur le marché (AMM) dans plusieurs pays. Quels sont vos objectifs pour 2025 ?
J.-F. D. : En 2021, nous avons obtenu notre première AMM en France, suivie par l’Ukraine en 2022 et le Brésil et l’Europe en 2023. Cette année, nous avons reçu l’autorisation pour les États-Unis. En 2025, notre objectif est de traiter 1 million d’hectares dans plus de 10 pays. Nous voulons aussi élargir notre gamme pour des cultures comme la vigne et la pomme de terre, tout en renforçant nos partenariats avec des acteurs majeurs comme Bayer et BASF.
Ces entreprises, historiquement spécialisées en chimie, s’engagent sincèrement dans une transition vers des solutions plus durables. Leur expertise, combinée à notre approche innovante, permet de développer des solutions mixtes, intégrant produits biosourcés et chimiques. Cela répond à un enjeu clé : réduire les intrants tout en maintenant des rendements élevés pour éviter une crise alimentaire mondiale.
Elles changent progressivement de registre pour remplacer les molécules de synthèse chimique avec des molécules biosourcées et non toxiques pour les plantes et les hommes. Cela prend du temps et nécessite des investissements massifs : on a de notre côté mis plus de 5 ans avant de pouvoir proposer un produit viable.
Pourquoi avoir choisi un fonds d’investissement allemand pour votre dernière levée de fonds ?
J.-F. D. : Ce tour de financement a effectivement rassemblé le fonds allemand Carbyne Equity Partners mais aussi Sofinnova Partners, ECBF et le fonds Ecotechnologies 2 géré par Bpifrance. Carbyne partage notre vision sur le long terme et nous apporte une expertise précieuse pour nous développer en Europe et au-delà. Ces fonds serviront principalement à l’industrialisation et à la diversification de nos produits. Nous souhaitons aussi accélérer nos recherches pour adapter notre solution aux spécificités des marchés brésiliens et américains, où les conditions climatiques et les pratiques agricoles diffèrent beaucoup de celles de l’Europe.
Quels sont les défis pour une adoption à grande échelle de vos solutions ?
J.-F. D. : Le principal défi est économique. Les agriculteurs, particulièrement en France et dans les pays de l’Est, subissent une forte pression financière. Les produits biosourcés restent perçus comme coûteux, bien qu’ils soient indispensables face aux changements climatiques. Nous plaidons pour une réglementation plus incitative et des aides publiques pour accompagner cette transition. De plus, des programmes comme le Green Deal européen doivent simplifier leurs démarches pour être véritablement efficaces.
Nous sommes convaincus que la technologie peut transformer l’agriculture en rendant les cultures plus résilientes face aux aléas climatiques. Nos produits permettent d’optimiser l’usage de l’eau, de réduire les émissions carbone et d’améliorer les rendements, tout en respectant la santé des sols et des hommes. Elicit Plant est fier de contribuer à une agriculture plus durable et innovante, car ce n’est plus un choix, mais une nécessité.
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