logo_blanc
Rechercher

Jaroslaw Kutylowski, fondateur de DeepL : « ChatGPT peut traduire, mais cela ne sera jamais aussi efficace que ce que nous faisons »

Jaroslaw Kutylowski, CEO et fondateur de DeepL

DeepL est un service de traduction automatique en ligne de la société DeepL GmbH, lancé le 28 août 2017. Avec une levée en mars de 300 millions d’euros, portant sa valorisation à 2 milliards de dollars, l’entreprise allemande constitue un concurrent plus que crédible sur un marché de la traduction investi par des mastodontes de la tech. Pour Forbes France, Jaroslaw Kutylowski, CEO et fondateur de DeepL, est revenu sur sa licorne et ses ambitions.

 

Comment êtes-vous parvenu à créer DeepL ?

Jaroslaw Kutylowski : Je viens du monde de la tech, à une époque où il n’existait pas de diplôme sur l’intelligence artificielle (IA). J’ai donc suivi un cursus en sciences informatiques et ce n’est que plus tard, dans le monde professionnel, que je me suis formé sur le tas.

Mais c’est assez simple quand on s’entoure des bonnes personnes avec une expertise sur ces sujets – et notamment en matière de business. Si vous restez avec une attitude d’ouverture et de curiosité pour apprendre, c’est facile de progresser de façon autonome.

Par ailleurs, quand nous avons lancé DeepL en 2017, il s’agissait simplement d’un site web, donc nous n’avions pas besoin réellement de compétences marketing ou commerciales.

Comment se différencier face à la concurrence rude du secteur ?

J. K. : Les géants de la tech ont toujours été là et il n’y avait pas de « bon moment » pour lancer notre solution. Nous ne pouvions pas avoir une confiance totale en notre projet au tout début, justement parce que la nature de notre startup était assez risquée. Mais dans le même temps, nous n’avions pas grand-chose à perdre, c’est l’intérêt de l’entrepreneuriat.

En 2017, je vous aurais répondu « probablement » sur la question de savoir si on pouvait réussir. Depuis, nous avons connu une croissance plus intense qu’espérée. Cela prouve qu’il faut parfois prendre des risques pour réussir.

Pour nous, il a toujours été question de se focaliser uniquement sur la qualité de la traduction et de faire en sorte que notre équipe de recherche soit concentrée sans relâche sur la rapidité et la robustesse de notre technologie.

C’est notre seule chance de s’imposer face aux géants de la tech : la rapidité d’exécution et de développement. Nous devons toujours avoir un coup d’avance.

L’arrivée de ChatGPT peut-elle aussi mettre en danger DeepL ?

J. K. : C’est à la fois un danger et une opportunité. ChatGPT peut traduire, mais cela ne sera jamais aussi efficace que ce que nous faisons. Trop souvent, vous obtenez une traduction mot à mot catastrophique qui ne prend pas en compte le contexte de la phrase en entier.

Néanmoins, le boom autour de l’IA générative a contribué à accélérer la prise de conscience du marché sur les cas d’usage de l’IA. De mon point de vue, DeepL a toujours été une forme d’IA générative avant l’heure, mais nous explorons aujourd’hui d’autres cas d’usage potentiels.

Qui utilise DeepL Pro en Europe et ailleurs ?

J. K. : Une grande partie de nos utilisateurs se trouve en Europe, mais aussi en Asie-Pacifique et aux États-Unis. Notre abonnement DeepL Pro intéresse des utilisateurs et des grands groupes à échelle globale. Il peut s’agir d’un moyen de mieux communiquer en interne entre des équipes de nationalités différentes ou encore pour s’adresser aux clients dans plusieurs langues. Il y a aussi certains cas d’usage dans la rédaction et la traduction de documents administratifs et légaux ou encore dans l’enrichissement de bases de données.

L’outil DeepL peut être utilisé « manuellement » – autrement dit via notre application bureau ou via extension de navigateur – mais aussi par l’intermédiaire d’une API directement intégrée dans les processus internes de l’organisation. Nous disposons d’ailleurs d’une équipe dédiée qui s’occupe de la documentation et l’intégration de notre outil.

Vous venez également de lever en mars dernier 300 millions d’euros, portant votre valorisation à 2 milliards de dollars… à quoi vont servir ces fonds ?

J. K. : Depuis le début, la plupart des fonds levés servent à soutenir notre effort en R&D. C’est encore une fois dans une volonté de maintenir notre place dans la course technologique autour de l’IA. Nous investissons aussi beaucoup dans le suivi client et les moyens de mieux comprendre leurs besoins – qui ne se résument pas simplement à de la traduction.

Est-ce que l’IA devient la nouvelle calculatrice de l’élève dans son usage des langues ? Cette dernière ayant été souvent qualifiée de menace pour le calcul mental…

J. K. : C’est le cas. J’ai moi-même deux enfants à l’école et tous les élèves interagissent avec de l’IA chaque jour. Je pense que les professeurs qui ont fait le choix de s’adapter et ne pas craindre l’IA seront ceux qui vont réussir. Cela donne un élan de motivation aux élèves, notamment dans leur compréhension de la complexité de certains problèmes.

L’IA en matière de traduction est aussi un outil pertinent, car cela peut aider à la compréhension du contexte d’une phrase et de la culture associée à la langue étrangère pratiquée.

Pensez-vous que l’IA appliquée au domaine de la traduction contribuera à combler le fossé en matière de rédaction ?

J. K. : L’IA joue déjà et continuera de jouer un rôle très important dans l’éducation. Dans le contexte de DeepL, elle est utilisée par les étudiants pour traduire leurs thèses, par exemple, ou pour les aider à mieux communiquer à l’écrit grâce à DeepL Write.

Alors que les compétences rédactionnelles restent centrales dans l’éducation, l’IA aidera les étudiants à améliorer leurs compétences en matière de communication écrite et à mieux exprimer leurs idées. Cela est particulièrement important pour les élèves qui pourraient se sentir moins à l’aise à l’écrit que leurs camarades, notamment s’ils suivent des études dans une langue autre que leur langue maternelle.

Je ne pense pas que l’IA rendra obsolètes les compétences telles que l’écriture ou les mathématiques, comme nous l’entendons parfois, mais je pense qu’elle contribuera à accélérer l’acquisition de ces compétences par les étudiants.

Prévoyez-vous de nouvelles fonctionnalités dans les années à venir ?

J. K. : DeepL est une entreprise qui accorde une place centrale à la recherche. Nous sommes donc constamment dans des phases de recherche et de test de nouvelles fonctionnalités afin de permettre à nos clients de faire tomber les barrières linguistiques grâce à la traduction ou d’améliorer leur communication écrite à l’aide de notre solution DeepL Write.

Bien que je ne puisse pas dévoiler les fonctionnalités à venir, je vous invite à suivre de près nos actualités. En effet, nous restons fidèles à notre philosophie de croissance centrée sur le produit et poursuivons nos investissements en la matière.

Vous avez aimé cet article ? Likez Forbes sur Facebook

Newsletter quotidienne Forbes

Recevez chaque matin l’essentiel de l’actualité business et entrepreneuriat.

Abonnez-vous au magazine papier

et découvrez chaque trimestre :

1 an, 4 numéros : 30 € TTC au lieu de 36 € TTC