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Quels Business Models Pour l’Internet Des Objets ?

L’Internet des Objets est une révolution. Le mantra est connu. Mais des communications « machine-to-machine », éprouvées depuis des lustres dans le monde industriel, aux gadgets connectés éphémères qui font florès à chaque CES, ses contours restent à définir. L’acquisition du pionnier français Withings par Nokia en avril dernier, comme la bataille épique que continuent de susciter les protocoles de télécommunications de ces milliards de « devices » à connecter, posent la question des business modèles de l’internet des objets : qui seront les champions de demain ? De nouveaux produits ou services peuvent-ils bouleverser la hiérarchie des acteurs technologiques en place ? Et pourquoi la France a t-elle toutes ses chances pour s’imposer durablement sur la scène IoT mondiale ?

IoT, la quatrième révolution technologique ?

L’IoT est la quatrième révolution technologique : après la micro-informatique des années 70-80 ; Internet dont l’essor date du début des années 1990 ; puis l’explosion du mobile à la fin des années 2000. Si la micro-informatique et le mobile ont été des révolutions dites « de produits », avec leurs stars d’hier et d’aujourd’hui, Apple en tête, l’IoT est comme l’Internet, une révolution d’infrastructure.

Chacune de ces révolutions a été marquée par un saut d’échelle considérable : si l’on comptait les PC par millions, on dénombre aujourd’hui plusieurs milliards de smartphones et l’on parle, selon les sources, de dizaines ou centaines de milliards d’objets connectés !

L’IoT est donc une révolution d’infrastructure bien plus large qu’internet, car elle concerne à la fois un volume d’objets beaucoup plus important, mais aussi – en fait pour la première fois dans ces révolutions technologiques depuis 40 ans – des objets « usuels » qui sortent du monde « pur » de la technologie : des montres aux ampoules connectées, des thermostats aux prises de courant, en passant par l’électroménager et surtout, d’ici peu, tous les capteurs possibles et imaginables qui se déploieront au sein de tous les secteurs économiques : que ce soit la santé, l’industrie, le tourisme, la banque, etc. Nul secteur n’y échappera. C’est à n’en pas douter, LE gros sujet des 10 prochaines années.

Qui seront les champions de demain ?

La façon la plus simple de définir cette révolution d’infrastructure est de la décomposer en 3 couches : hardware, télécommunication et software.

La couche hardware – qui est logiquement le premier étage de la fusée –  est celle que nous avons le plus vue depuis 3 ans, car elle matérialise l’objet connecté en soi.

Cette première couche a eu ses innovateurs comme Nest Labs (racheté par Google pour 3,2 milliards de dollars) ou le français Withings (racheté par Nokia pour 170 millions d’euros en avril dernier) parmi beaucoup d’autres à travers le monde et bien sûr les géants tels qu’Apple et autres Samsung qui se positionnent bien évidemment sur ce secteur.

Derrière le coté médiatique de ces acteurs d’innovations, il ne faut surtout pas oublier les fabricants de composants électroniques (comme Intel, ST Micro…) et les industriels de produits électroniques (comme Foxconn, Sagemcom…) : ce sont les principaux acteurs à cannibaliser cette couche « hardware » de la révolution IoT qui sera de plus en plus entre les mains d’une poignée de géants des technologies capables de consentir de lourds investissements.

La couche « télécoms » de la révolution IoT, n’en est pas là. La bataille fait encore rage autour de dizaines de protocoles de communications divers et variés, qui ont chacun leurs particularités en termes de consommation d’énergie, de portée ou de prix, pour permettre aux appareils intelligents de faire transiter leurs données. Si les annonces tonitruantes, de l’arrivée de tel ou tel protocole et de la mort de tel ou tel autre, se succèdent, le plus probable est que nombre de ces technologies comme LoRa ou Sigfox vont continuer à coexister encore longtemps en adressant des besoins spécifiques.

Malgré une couverture médiatique importante, cette couche télécoms est encore en devenir et sans ces technologies de communication dédiées, l’IoT ne pourra pas encore exister, car bien évidemment la promesse de l’IoT n’est pas dans un pèse-personne qui coute entre 150 à 200€ connecté en wifi à une box internet dans la maison, mais plutôt dans un capteur de mouvement, de pression, de température ou d’humidité qui va couter moins de 5€ à produire, autonome sur plusieurs années dans un environnement externe et capable en cas d’un évènement particulier d’envoyer quelques octets d’information détectable par un réseau dédié couvrant tout le  territoire et pour des coûts d’abonnement à ce réseau de l’ordre de 1€ par mois.

Nous n’en sommes clairement pas là aujourd’hui, que ce soit sur le prix de ces objets ou de l’existence de ces réseaux dédiés, mais cela est en cours et sera bientôt une réalité qui bouleversera beaucoup de choses que ce soit pour les process industriels ou dans notre vie de tous les jours.

Le logiciel, le cheval de Troie tricolore pour s’imposer dans l’IoT ?

La vraie révolution de l’internet des objets, comme pour toutes les autres révolutions technologiques résidera dans les usages que nous en ferons au quotidien.

Quand on parle d’objets « connectés », le mot « connecté » veut que dire que l’objet est bien sûr connecté à un réseau, mais il veut aussi et surtout dire que l’objet est connecté à son utilisateur dans sa capacité à lui remonter, stocker et analyser toute une série d’information que cet objet soit sur vous ou loin de vous. Plus que jamais, c’est bien l’usager de l’objet qui est au centre, professionnels ou particuliers.

Une opportunité pour les banques, assurances, et industriels de tout secteur de Véolia à Carrefour, d’établir une nouvelle relation avec son client et de monétiser de véritables services en leur nom, sans l’intermédiation (le contrôle diront certains) des GAFA américains.

Cet usage de l’objet connecté se fera avant tout par son interface logiciel et c’est pour cela que cette troisième couche logicielle est la dernière, mais aussi la plus importante dans cette infrastructure globale de l’IoT.

La prédominance jusqu’à présent de la couche matérielle fait que les acteurs « hardware » ont dû développer par eux même leur propre couche logicielle pour rendre leurs objets utilisables.

De façon similaire à ce que nous avons connu dans le monde du PC et de l’internet, la prochaine (et la troisième) couche de l’IoT sera le développement de plateformes logicielles permettant le déploiement de solutions IoT à grande échelle.

En effet la multiplicité exponentielle de ces objets connectés va pousser à la nécessité d’avoir des plateformes permettant la gestion simultanée d’un grand nombre de ces objets, quels que soient leurs constructeurs, leurs fonctionnalités, les données qu’ils traitent, le protocole de communication qu’utilisent ces objets.

A une autre époque qui parait déjà lointaine des débuts de la micro-informatique, il y a eu la bataille des systèmes d’exploitation, puis l’internet a connu la bataille des navigateurs, l’IoT va connaitre bientôt la bataille de ces plateformes logicielles.

Bien plus complexe que les « simples » OS d’antan, ces plateformes IoT devront reconnaitre des milliers d’objets connectés différents, reliés sur des dizaines de réseaux spécifiques à ces objets, devront gérer des enjeux d’authentification et de sécurisation bien plus compliqués que ceux de l’internet d’aujourd’hui et ensuite récupérer, indexer, stocker, manipuler, analyser bien évidemment dans le cloud et en temps réel des volumes d’informations considérables et enfin intégrer au cœur de tout cela l’intelligence artificielle qui sera une dimension critique s’appuyant sur la puissance de calcul des ordinateurs d’aujourd’hui pour gérer cette complexité grandissante.

Cette bataille des plateformes IoT commence à peine.
Des acteurs comme Cisco avec l’acquisition de Jasper ou PTC avec Thingworx, mais aussi IBM, Siemens et quelques autres ont déjà fait quelques pas dans cette direction, mais nous n’en sommes qu’au tout début.

Je pense que 2017 sera l’année de la maturité suffisante de ces 3 couches simultanées (hardware, télécom et logiciel) pour commencer à voir apparaitre la réalité des premières solutions IoT digne de ce nom, notamment au sein des grands groupes industriels.
La grande vague de cette nouvelle révolution de l’internet des objets va nous faire surfer vers des horizons que nous n’imaginons pas encore dans les 10 prochaines années – comme nous n’imaginions pas vraiment où nous amènerait la micro-informatique au début des années 80, l’internet au début des années 90 ou la mobilité au début des années 2000.

Il est indéniable que les Français ont déjà eu un rôle important et continueront de l’avoir sur la scène IoT mondiale : nous combinons une forte culture mathématique, d’excellents ingénieurs télécoms, et des investissements publics qui nous ont permis de développer une expertise hors pair dans les domaines de l’infrastructure et du logiciel. C’est désormais aux entreprises, quel que soit leur secteur, de s’approprier cette révolution logicielle de l’IoT pour imaginer les services de demain.

 

Article rédigé par Pierre Cesarini

En rejoignant Avanquest en tant que Directeur général du Groupe en mai 2013, l’histoire d’entrepreneur accompli de M. Cesarini et sa solide expérience d’Internet et du numérique étaient parfaits pour l’esprit d’entreprise et l’ambition de la société. Il a débuté sa carrière chez à Apple, à Cupertino, au siège central en Californie, en passant 10 ans dans la création du PowerMac. En 1998, il a fondé TempoSoft, un fournisseur d’applications intranet pour la gestion des ressources humaines et la planification – une société achetée par Oracle en 2005. En 2007, M. Cesarini est devenu le PDG de Atego, le leader mondial du logiciel intégré. Il a également été professeur de gestion à l’École des Mines Paris Tech.

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