Le 1er août 2024 restera dans l’histoire comme le jour où l’Europe a marqué un tournant dans la régulation des technologies d’intelligence artificielle. L’IA Act, premier cadre législatif dédié à cette révolution technologique, est à la fois une opportunité immense et un défi colossal. Alors que l’échéancier réglementaire se précise, il est urgent de souligner les points cruciaux pour que cette ambition ne se transforme pas en frein à l’innovation.
Une contribution de Dominique Monera, fondateur de l’IA ACADEMIE
Encadrer une révolution technologique
L’IA Act propose une classification des systèmes d’IA selon leur niveau de risque : inacceptable, élevé, limité ou minime. Cette approche vise à protéger les droits fondamentaux tout en encourageant l’innovation. Les systèmes à risque inacceptable, comme la reconnaissance biométrique en temps réel à des fins répressives, sont interdits, tandis que les systèmes à haut risque doivent se conformer à des normes strictes.
Cependant, cette classification soulève des questions. Quels critères précis définissent un système « à haut risque » ? Comment éviter que des interprétations divergentes ne créent des blocages ? Pour que ce cadre devienne une opportunité, il est essentiel que les standards harmonisés, normes techniques développées par des organismes de normalisation pour faciliter la conformité aux exigences légales, soient disponibles dès cette année
L’Europe doit ainsi concilier protection et compétitivité, sous peine de dissuader des entreprises d’innover dans un environnement perçu comme trop contraignant.
Transparence et compétitivité : trouver l’équilibre
La transparence imposée par l’IA Act, notamment sur les données utilisées pour entraîner les modèles, est une avancée importante. Elle garantit la confiance des utilisateurs et prévient les abus. Toutefois, cette exigence pourrait entrer en conflit avec la protection des secrets commerciaux, un élément clé pour préserver la compétitivité des entreprises européennes.
Le défi consiste à éviter que cette transparence n’expose les acteurs européens à une concurrence déloyale, notamment face à des entreprises non soumises à des cadres aussi stricts. Pour y parvenir, l’Europe doit mettre en œuvre des solutions comme les « bacs à sable » réglementaires. Ces environnements permettront de tester des technologies en conditions réelles tout en respectant les exigences légales.
Par ailleurs, il est crucial que les sanctions prévues – jusqu’à 35 millions d’euros ou 7 % du chiffre d’affaires mondial – soient appliquées avec discernement. Une régulation punitive risque de freiner les initiatives là où un accompagnement favorise l’adhésion et l’innovation.
Entreprises, formez-vous !
L’article 4 de l’IA Act impose une obligation de formation pour les organisations utilisant l’IA. Cette mesure, qui entre en vigueur en février 2025, est un levier essentiel pour garantir une adoption responsable et efficace de ces technologies.
Cependant, la préparation des entreprises reste insuffisante. Une formation bien conçue ne doit pas être perçue comme une contrainte, mais comme une opportunité stratégique. Elle permet d’aligner les équipes techniques, juridiques et managériales autour d’une vision commune, tout en renforçant la confiance des décideurs.
Sensibiliser aux avantages et aux enjeux du règlement est une clé pour surmonter les réticences et encourager une adoption proactive de l’intelligence artificielle.
Une gouvernance à la hauteur des ambitions européennes
Pour que l’IA Act tienne ses promesses, une gouvernance claire et efficace est indispensable. La coordination entre le Bureau européen de l’IA et les autorités nationales, prévues pour août 2025, devra éviter les doublons et garantir une application harmonisée. Cette gouvernance devra également être agile pour s’adapter à l’évolution rapide des technologies, comme les IA génératives. Ces technologies, qui peuvent être utilisées à des fins variées, posent des défis nouveaux en matière de régulation. Un cadre flexible permettra de répondre aux besoins sans freiner l’innovation.
Enfin, l’Europe doit assumer son rôle de leader mondial, non seulement en soutenant ses entreprises, mais aussi en imposant ses standards au niveau international.
L’intelligence artificielle n’est pas seulement une avancée technologique. C’est une transformation sociétale majeure qui exige une régulation capable d’inspirer confiance tout en favorisant le progrès. À nous, Européens, de prouver que réguler ne signifie pas freiner, mais guider avec ambition et pragmatisme.
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