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“Il est temps de réarmer la tech européenne”

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"Il est temps de réarmer la tech européenne”

L’instabilité politique mondiale redéfinit les priorités stratégiques des nations, et l’Europe ne peut plus se permettre d’ignorer sa dépendance technologique. La question de la souveraineté numérique devient plus pressante que jamais, notamment face à l’augmentation des risques liés à l’hébergement des données sur des serveurs étrangers.

Une contribution de René Cotton, co-fondateur de Wizishop

 

Des données stratégiques sous influence étrangère : un risque sous-estimé

 


Avec la montée des tensions géopolitiques et les récents bouleversements aux États-Unis, notamment le retour de Donald Trump au pouvoir, les incertitudes s’amplifient. Aujourd’hui, toute donnée stockée sur des serveurs américains peut être librement consultée par les agences de renseignement américaines, en vertu du Cloud Act. Si l’argument de la sécurité nationale a toujours été avancé, il ne faut pas sous-estimer la possibilité d’une extension de ces mesures à la défense économique, donnant ainsi aux États-Unis un accès sans précédent aux informations stratégiques d’entreprises européennes, sans que ces dernières en soient informées.

Heureusement, l’Europe a posé des garde-fous avec le RGPD, qui impose des règles strictes sur l’utilisation des données personnelles. Mais, ces réglementations, aussi nécessaires soient-elles, ne suffisent pas. Il est temps de prendre des décisions économiques fortes et de privilégier les alternatives européennes.

 

L’Europe a les talents, mais doit les retenir

 

L’Europe et la France disposent d’ingénieurs parmi les plus talentueux au monde. Pourtant, un problème persiste : nos meilleurs experts partent aux États-Unis où les opportunités sont plus nombreuses et mieux rémunérées.

Ce phénomène s’auto-alimente : les entreprises françaises ont du mal à rivaliser avec les fonctionnalités des outils américains. Moins d’activité économique signifie moins de financement pour la R&D locale. Les États-Unis captent ainsi les meilleurs talents et renforcent leur avance.

Ce cercle vicieux doit être brisé en soutenant massivement l’écosystème tech européen. Certes, certaines solutions françaises et européennes peuvent encore manquer de certaines fonctionnalités comparées à leurs homologues américaines, mais le choix économique et stratégique doit primer. Plus nous favoriserons notre propre écosystème, plus nos solutions évolueront et deviendront compétitives.

Aux États-Unis, le Small Business Act impose au gouvernement de réserver une part de ses marchés publics aux PME locales. En Europe, nous avons sacralisé la libre concurrence, avec des conséquences désastreuses : nos propres gouvernements stockent leurs données sensibles sur des serveurs Microsoft, Google ou AWS, au lieu de soutenir des acteurs européens compétents.

 

La souveraineté technologique : un enjeu aussi stratégique que l’indépendance énergétique

 

Pendant longtemps, la souveraineté était vue sous un prisme militaire ou énergétique. Mais avec le numérique, nous avons naïvement accepté une dépendance totale aux GAFAM.

 

Or, cette dépendance pose un double problème :

1. Perte d’emplois et de savoir-faire : en utilisant exclusivement des solutions américaines, nous affaiblissons notre industrie locale et alimentons un système qui profite à des entreprises qui optimisent leur fiscalité hors de France.

2. Risque stratégique : si demain, un gouvernement américain décidait de restreindre l’accès à certaines technologies ou d’imposer des conditions abusives, l’Europe serait dans l’incapacité de réagir rapidement, faute d’alternatives solides.

 

Nous avons vu à quel point certains pays ont mis en place des politiques protectionnistes agressives dans le numérique, notamment la Chine avec ses propres géants technologiques. Sans tomber dans un extrême, il est impératif que l’Europe adopte une posture plus offensive sur le sujet. Car la tech américaine s’aligne sur les décisions politiques de son gouvernement. Un exemple récent en témoigne : Facebook a abandonné son service de vérification des faits, favorisant ainsi la diffusion de certaines propagandes politiques sans filtre. Que se passera-t-il si demain, un gouvernement américain impose un accès direct aux bases de données de ses entreprises tech, sous couvert de défense nationale ?

 

L’urgence d’un réveil collectif

 

Nous avons en Europe toutes les cartes en main pour rivaliser avec les géants américains : des ingénieurs brillants, des entreprises innovantes et une réglementation protectrice pour les citoyens. Ce qu’il nous manque, c’est la volonté collective d’agir.

La solution est claire : il faut favoriser les entreprises françaises et européennes dans nos choix technologiques, exiger de nos gouvernements qu’ils hébergent leurs données stratégiques sur des infrastructures souveraines et enfin créer un écosystème dynamique, en soutenant nos startups tout en retenant nos talents.

 

L’Europe a prouvé que dans d’autres domaines, elle était capable de se structurer face aux géants internationaux. Il est temps de réarmer la tech européenne.

 


À lire également : Dépendance technologique : 90 entreprises européennes réclament un plan d’urgence à Bruxelles

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