Une contribution de Jörg Zimmer, VP EMEA Sales chez BlackBerry QNX
L’industrie automobile est au cœur d’une transformation technologique sans précédent, marquée par l’intégration de l’Internet des Objets (IoT) et de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les véhicules. Ces innovations ouvrent la voie à des voitures plus intelligentes, plus sûres et plus efficaces. Cependant, cette révolution technologique ne peut se concrétiser sans un cadre réglementaire rigoureux qui garantit la sécurité des usagers, la conformité aux normes environnementales et ce, aussi bien au niveau national qu’international. Mais quels sont les défis que posent les réglementations dans le secteur automobile ? Quelles opportunités pour les acteurs du secteur ? En quoi le Règlement Général de Sécurité (GSR, General Safety Regulation), dernière réglementation en date, est-elle un bon exemple de ce qui attend le secteur automobile en matière d’innovation, d’IA, et de réglementation ? Décryptage.
Secteur automobile et réglementations : je t’aime moi non plus
L’un des principaux défis de la réglementation dans l’industrie automobile est la rapidité d’évolution des technologies par rapport à la lenteur des processus législatifs. De manière générale, le temps nécessaire pour qu’une nouvelle loi soit introduite et adoptée dans les différents pays est souvent long. Cela peut sembler adéquat pour permettre à l’industrie de s’adapter, mais pose la question de l’efficacité à suivre le rythme de l’innovation. Les normes d’émissions établies par l’Union Européenne, (EU 6 et EU 7) ont par exemple nécessité des investissements massifs, et l’industrie a dû prendre plus de temps pour se conformer, notamment en raison des coûts élevés de développement.
En outre, l’absence d’une normalisation mondiale soulève des problématiques supplémentaires. Bien que la technologie permette aujourd’hui d’adapter certains éléments tels que les tableaux de bord aux différents marchés via des mises à jour logicielles, le coût de la personnalisation des véhicules pour chaque région reste élevé. Une standardisation internationale des principes techniques pourrait considérablement réduire ces coûts, mais reste difficile à réaliser dans le contexte politique actuel.
Enfin, la question de la confiance dans la technologie est également centrale, en particulier avec l’introduction de systèmes basés sur l’IA dans les véhicules de nouvelle génération et/ou autonomes. Les défis liés à la sécurité fonctionnelle, à la sureté, et à la responsabilité en cas de défaillance, sont conséquents. Et pour cause, comment tester de manière exhaustive une IA dans des situations de conduite imprévisibles ? Qui est responsable si un système autonome prend une mauvaise décision qui conduit à un accident ? Les régulateurs doivent non seulement encadrer l’utilisation de ces technologies, mais aussi définir clairement les responsabilités pour toutes les parties prenantes, y compris les fournisseurs de logiciels et équipementiers, et potentiellement l’IA elle-même.
La General Safety Regulation II (GSR II) : un exemple parlant
La GSR II, mise en place par l’Union Européenne, est un exemple clé de réglementation visant à améliorer la sécurité des véhicules. Cette réglementation impose l’intégration de systèmes avancés d’aide à la conduite (ADAS) dans tous les nouveaux véhicules. Ces systèmes, qui incluent des fonctions telles que l’assistance au maintien de voie et la détection des piétons, visent à réduire le nombre d’accidents de la route. Cependant, leur mise en œuvre soulève des questions complexes sur la gestion des responsabilités en cas de défaillance.
La GSR II montre également comment les réglementations peuvent influencer le comportement des consommateurs. En interdisant l’accès aux centres-villes pour les anciennes voitures thermiques, les gouvernements poussent les conducteurs à adopter des véhicules électriques ou hybrides. Cependant, le succès de telles initiatives dépend souvent de la disponibilité de subventions et d’incitations fiscales, comme on l’a vu en Allemagne, où l’intérêt pour les véhicules électriques a chuté après la suppression des dites subventions.
L’impact de l’Intelligence Artificielle et les enjeux de responsabilité
L’intégration de l’IA dans les véhicules, notamment pour des fonctions de conduite autonome, soulève des questions complexes en matière de sécurité et de responsabilité. Alors que l’IA peut potentiellement surpasser les capacités humaines dans certaines situations, elle reste imprévisible dans d’autres. Par exemple, en cas d’accident inévitable, comment l’IA décide-t-elle du meilleur choix à suivre ? Et si cette décision entraîne des conséquences graves, qui est responsable ? Ces questions sont d’autant plus pertinentes que les systèmes d’IA deviennent de plus en plus autonomes.
La difficulté d’analyser la cause racine d’une défaillance de l’IA complique encore la situation. Contrairement à un algorithme traditionnel, où les erreurs peuvent être tracées et corrigées, l’IA fonctionne souvent comme un système complexe dont le processus décisionnel est difficile à comprendre. Cela pose un défi majeur pour la réglementation et la responsabilité légale. Certains ont même suggéré la possibilité de considérer l’IA comme une entité légale à part entière, responsable de ses propres actions. Une idée qui, bien que futuriste, pourrait devenir nécessaire à mesure que la technologie évolue.
Les réglementations dans le secteur automobile sont essentielles pour encadrer l’intégration des nouvelles technologies et garantir la sécurité des usagers. Cependant, les défis restent nombreux, en particulier avec l’essor de l’IA et des systèmes autonomes, qui exigent une réflexion approfondie sur les questions de responsabilité et de confiance technologique. Il est crucial que les gouvernements, l’industrie, et les consommateurs, travaillent ensemble pour établir un cadre réglementaire qui favorise l’innovation tout en protégeant les intérêts publics. Ce n’est qu’à cette condition que l’avenir de l’automobile connectée pourra être à la fois sûr et prometteur.
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