Aux commandes de la start-up HMC (Hydrogen Motive Company) et de la marque Hopium se trouve Olivier Lombard, pilote de course et plus jeune vainqueur des 24 heures du Mans. Passionné d’automobile, le jeune homme est aussi un expert en hydrogène. Une technologie dont il a appris tous les ressorts en collaborant depuis 2013 avec le laboratoire Suisse GreenGT dans le cadre du développement de voitures de course à propulsion hybride (électrique et hydrogène). Pour Forbes, l’entrepreneur lève le voile sur la Māchina, le premier prototype de la marque Hopium, qui sera dévoilé en juin prochain.
Marie-Caroline Selmer : Comment est née l’idée de la marque Hopium ?
Olivier Lombard : De la rencontre de plusieurs éléments. Tout d’abord, celui d’être convaincu de la pertinence de cette technologie dont j’ai acquis au fil des années une grande connaissance. L’hydrogène est aujourd’hui une alternative mature aux voitures thermiques, qui permet d’obtenir des performances équivalentes, notamment en course. Pour porter un projet de cette envergure, il faut être crédible, et mon parcours d’ancien pilote est un atout. Enfin, je dirais qu’au-delà de l’idée, le contexte nous est favorable. Il y a aujourd’hui une véritable mouvance autour de l’hydrogène, dans laquelle s’inscrivent les grands constructeurs comme le gouvernement français.
Avec l’Hopium Māchina, vous dîtes vouloir questionner l’usage de la voiture tel que nous le connaissons aujourd’hui. De quelle façon ?
Olivier Lombard : L’ambition d’Hopium est d’être bien plus qu’un constructeur automobile à hydrogène. Nous voulons ouvrir la voie à une nouvelle façon de penser la voiture. Aujourd’hui, le véhicule est perçu comme un moyen de locomotion pour aller d’un point A à un point B. La question que nous posons est la suivante : comment investir cet espace que nous occupons par intermittence pour donner au temps que nous y vivons une nouvelle valeur ? Comment l’automobile peut-elle nous servir autrement ? La technologie est, à nos yeux, une partie de la réponse.
Justement, sur quels types de technologies travaillez-vous ?
Olivier Lombard : La conduite autonome tout d’abord, sur laquelle nous comptons positionner la Māchina au plus haut niveau, à 4 sur une échelle allant de 1 à 5. Selon les pays et les lois en vigueur, celle-ci pourra être bridée à un niveau inférieur, mais elle aura cette capacité. Nous travaillons également à une palette de fonctionnalités qui permettra au conducteur et à ses passagers de bénéficier d’un ensemble de services (musique, film, visio), et pourquoi pas de créer une connexion avec le domicile et les appareils dont il est pourvu. La Māchina sera un cocon connecté où la technologie est au service de l’homme. Nous avons conscience de la place prépondérante qu’est appelée à occuper la donnée dans l’univers de l’automobile, et de l’intérêt à sécuriser les interactions entre l’utilisateur de la voiture et son environnement. C’est pourquoi nous avons décidé d’investir dans la blockchain pour sécuriser l’ensemble de nos technologies embarquées.
La Māchina se démarque par son allure futuriste au design affûté. De quelle équipe vous êtes-vous entouré pour concevoir ce véhicule d’exception ?
Olivier Lombard : J’ai la chance d’être entouré par une équipe design menée par Félix Godard, un designer talentueux qui est passé par de belles maisons comme Porsche. Félix a un trait affûté capable de merveilles lorsqu’il s’agit de donner vie à des projets avant-gardistes comme la Māchina. Entre la première esquisse et la version finale, nous avons eu trois grosses itérations sur le design, la collaboration a été très fluide. La seule contrainte du projet était d’intégrer une grille d’aération, d’où cette calandre imposante sur le devant du véhicule, car la technologie de la pile à combustible nécessite un circuit de refroidissement conséquent. Pour le reste, il a eu carte blanche.
Vous avez choisi de vous positionner sur un segment luxe. Pour quelle raison ? A quel prix sera proposé la Māchina ?
Olivier Lombard : Le haut de gamme offre une liberté créative et technologique qui nous a paru être le plus adapté à notre proposition de valeur. Avec ce modèle, nous nous positionnons sur le segment du mix luxury, dont la fourchette s’étend de 110 000€ à 140 000€, avec un target price de 120 000€. La Māchina sera la vitrine technologique d’Hopium.
Côté performance, la Māchina n’est pas en reste avec une puissance de 500 chevaux, une autonomie annoncée de 1000 km pour un temps de charge de 3 minutes. Des métriques qui vous placent en challenger direct de Tesla ?
Olivier Lombard : Tesla et Hopium ont pour point commun de s’adresser à une clientèle soucieuse de l’environnement et pour qui l’automobile doit être un moyen de locomotion le plus vertueux possible. L’électrique s’est considérablement développée ces dernières années, et se trouve confrontée aujourd’hui à une barrière technologique. Même avec le chargeur le plus performant, le temps de charge aura du mal à descendre en-dessous de 20 minutes. A l’inverse, l’hydrogène en est à ses prémices, et ses perspectives de développement sont exponentielles. Les véhicules équipés de cette technologie sont non seulement plus légers, mais très rapides à charger. Au-delà de ces considérations technologiques, Tesla et Hopium divergent par leur proposition de valeur. Tesla est une entreprise tournée vers le produit, tandis qu’Hopium ambitionne d’aller plus loin, de créer un nouveau lien entre l’homme et le véhicule. D’où le choix de prénommer notre berline Māchina.
Un des freins à l’essor des voitures électriques est le faible maillage du territoire français en bornes de recharges. Comment abordez-vous cet enjeu côté hydrogène ?
Olivier Lombard : Assez sereinement. Le gouvernement français s’est engagé sur un plan à 7 milliards d’euros sur dix ans pour devenir un acteur mondial de l’hydrogène à horizon 2030, tant d’un point de vue production, que dans le développement de la mobilité. La France, qui compte actuellement 35 stations, a pour objectif de créer 1000 stations de recharge d’ici à 2030. Si le maillage n’était pas suffisamment représentatif pour déployer la Māchina sur le marché français, alors nous réfléchirons à co-développer un réseau de stations avec un leader du secteur.
Quelles sont les prochaines étapes de la fabrication de la Māchina ?
Olivier Lombard : La prochaine échéance est celle de juin, où nous présenterons le prototype du véhicule, qui sera une démonstration technologique de ce que sera la Māchina en 2025. En 2022 débuteront les études d’implantation de l’usine en France, pour un lancement de production prévu en 2025, avec une mise sur le marché en 2026.
Vous avez choisi de réserver le lancement officiel au marché français. Quels sont les autres pays que vous visez et à quel horizon ?
Olivier Lombard : Notre plan de déploiement intègre des pays comme les États-Unis, et notamment la Californie qui est très en avance sur ce sujet, mais aussi le Japon, la Corée du Sud et la Chine, qui a annoncé dès 2019 vouloir concentrer ses investissements sur l’hydrogène et la pile à combustible. En termes de production, nous tablons sur un volume de 1700 à 2000 voitures vendues en 2026 avec une montée progressive les premières années pour arriver à 8000 véhicules en 2030.
Devenir le premier constructeur français de véhicules à hydrogène est un projet de grande envergure. Quels sont vos soutiens pour vous accompagner dans cette aventure industrielle ?
Olivier Lombard : A ce jour, nous avons effectué deux levées de fonds, une première de 1,7 millions et une seconde de 5 millions, pour développer la marque et fédérer autour d’Hopium des partenaires financiers qui ont une forte expérience du monde industriel. Tous ont adhéré au projet et souhaitent l’accompagner dans la durée. En tant que CEO d’Hopium, je suis fier d’être accompagné par des hommes comme Javier Gimeno, Directeur Général du groupe Saint-Gobain pour la région Asie-Pacifique, Benoist Grossmann, Managing Partner d’Idinvest Partners et d’Eurazeo Growth ou encore de Sylvain Laurent, Executive Vice President de Dassault Systèmes.
Comment voyez-vous Hopium sur le long terme ?
Olivier Lombard : Je nous souhaite d’avoir réussi à poser une empreinte, dans un secteur en pleine mutation. Hopium a vocation à faire le lien entre l’humain et la technologie pour que de cette rencontre naisse un projet unique, par la technologie qu’il développe, et qui perdure dans le temps. Mon rêve est que la Māchina puisse se transmettre de parent à enfant, dans une relation affective tournée vers l’avenir.
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