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Hooglee : le mystérieux projet d’Eric Schmidt, une plateforme vidéo basée sur l’IA

Hooglee
Eric Schmidt s'exprime sur scène lors de Collision 2022 à Toronto, Canada. Getty Images

Le milliardaire de la tech Eric Schmidt a récemment lancé, en toute discrétion, une start-up dédiée à l’intelligence artificielle. L’objectif affiché : « rapprocher les individus, simplifier la communication et renforcer l’engagement ».

Un article de Sarah Emerson pour Forbes US – traduit par Lisa Deleforterie

 

Eric Schmidt, ancien PDG de Google, a consacré ces derniers mois à un projet ambitieux dans le domaine de l’intelligence artificielle, ciblant le marché en plein essor de la génération de vidéos par IA. Baptisée « Hooglee », cette start-up, jusqu’ici inconnue, a vu le jour l’an dernier, selon des sources proches du dossier et des documents commerciaux consultés par Forbes. Financé et hébergé par Hillspire, le bureau familial de Schmidt, le projet est en pleine phase de développement.


Le milliardaire est devenu une figure parfois controversée dans la Silicon Valley et à Washington, oscillant entre louanges et mises en garde sur l’intelligence artificielle. Il souligne son potentiel à « doubler la productivité de chacun », la compare à des « armes nucléaires d’un nouveau genre » et avertit qu’elle pourrait un jour devenir si puissante qu’il faudrait « sérieusement envisager de la désactiver ».

Quelques mois plus tôt, M. Schmidt et un petit groupe avaient discrètement créé Hooglee LLC, une entreprise qui se donne pour mission de « démocratiser la création vidéo grâce à l’IA ». Son site web, réduit à une simple page d’accueil, ne mentionne ni le nom de M. Schmidt ni celui de ses collaborateurs. Il y est seulement indiqué que l’entreprise « développe des solutions innovantes pour rapprocher les gens, simplifier la communication et renforcer l’engagement ». M. Schmidt a refusé de commenter.

Selon une source proche de Hooglee, certains membres de l’équipe de Schmidt considèrent ce projet comme une alternative à TikTok. Pour diriger cette initiative, M. Schmidt a fait appel à Sebastian Thrun, un collaborateur de longue date et vétéran de la tech. M. Thrun a cofondé le laboratoire d’innovations « moonshot » de Google et l’unité de voitures autonomes Waymo. Il est également le fondateur de Kittyhawk, une entreprise d’aviation désormais fermée, et pilote actuellement Project Eagle, la start-up secrète de drones militaires de M. Schmidt, révélée par Forbes l’an dernier.

Hooglee compte parmi ses collaborateurs d’anciens chercheurs du laboratoire d’IA générative de Meta, ainsi que l’ancien conseiller général de Kittyhawk, d’après des documents d’entreprise et des publications liant ces individus à Hooglee et Eric Schmidt.

En octobre dernier, Bichen Wu, ancien scientifique chez Meta, a annoncé sur LinkedIn que lui et l’équipe de Centropy – une petite entreprise qu’il avait fondée pour développer des modèles de génération de vidéos à partir de texte – allaient « unir leurs forces avec celles du légendaire Eric Schmidt pour une nouvelle aventure ».

Selon les documents commerciaux, Centropy, qui ne semble pas avoir lancé de produit, a fusionné avec Hooglee. Le profil Google Scholar d’un ancien ingénieur de Centropy mentionne par ailleurs une adresse e-mail vérifiée hooglee.com. Ni Thrun ni Wu n’ont répondu aux sollicitations.

Hooglee semble être le premier projet d’intelligence artificielle que M. Schmidt a personnellement incubé après avoir investi dans un certain nombre d’entreprises d’IA, telles qu’Anthropic et la start-up d’informatique quantique SandboxAQ. Le milliardaire, dont la fortune dépasse 26 milliards de dollars selon Forbes, a également soutenu financièrement un programme de subventions d’OpenAI et l’organisation à but non lucratif FutureHouse, dédiée aux sciences de l’IA.

En septembre dernier, M. Thrun a déposé des demandes de marques au nom de Hooglee, décrivant le produit comme un logiciel de création vidéo par IA associé à une plateforme de réseautage social. Le site web de l’entreprise renforce cette dimension sociale, affirmant son ambition de « transformer la manière dont les gens se connectent grâce à la puissance de l’IA et de la vidéo ».

D’après une source proche de Hooglee, certains membres de l’équipe de M. Schmidt perçoivent le projet comme une alternative à TikTok, même si la manière dont il pourrait concurrencer l’une des plateformes sociales les plus populaires au monde reste incertaine. M. Schmidt, qui a dirigé Google pendant plus d’une décennie, a un jour évoqué l’idée d’acquérir TikTok en réponse à la possible interdiction de l’application aux États-Unis. Cependant, il a finalement exprimé sa préférence pour une réglementation fédérale plutôt qu’un bannissement.

Lors d’une conférence à Stanford l’année dernière, ses commentaires sur TikTok ont attiré l’attention. Il avait suggéré aux étudiants d’utiliser l’intelligence artificielle pour créer une application concurrente, en déclarant : « Demandez à votre grand modèle de langage (LLM) : Faites une copie de TikTok, récupérez les utilisateurs, la musique, ajoutez mes préférences, générez le programme en 30 secondes, publiez-le, et s’il n’est pas viral dans une heure, essayez autre chose. » Il a ensuite clarifié qu’il ne suggérait pas de s’approprier la musique de façon illégale.

Il sera intéressant de voir comment Hooglee réussira à se démarquer dans un secteur déjà compétitif, face à des acteurs comme Runway, pionnier avec son outil de génération de vidéos à partir de texte lancé en 2022, ou Sora d’OpenAI, disponible en version bêta depuis février avant son ouverture au public. L’an dernier, ByteDance, maison mère de TikTok, a également introduit Jimeng AI, une application de génération de vidéos par IA destinée au marché chinois. De leur côté, Meta, Google et Adobe ont récemment dévoilé des outils similaires, renforçant encore la concurrence dans ce domaine en pleine expansion.

Bien qu’il soit engagé dans un nouveau projet, M. Schmidt a tenu à souligner les dangers potentiels de certaines technologies. Lors d’une table ronde organisée par l’Institute of Global Politics en mars dernier, il a appelé l’industrie à intensifier ses efforts pour lutter contre les deepfakes, ces vidéos et images générées par IA qui imitent de manière trompeuse une personne. « Lorsque je dirigeais YouTube, j’ai appris une leçon cruciale : personne ne prête attention à ce que vous écrivez, mais une vidéo peut pousser les gens à s’entretuer », a-t-il averti, rappelant ainsi l’impact considérable des contenus visuels sur les comportements.

Dans une tribune consacrée à la désinformation électorale, publiée dans MIT Technology Review, M. Schmidt a suggéré que les deepfakes pourraient être combattus grâce aux systèmes de détection basés sur l’IA ou, de manière plus controversée, par l’ajout de filigranes. Reste à savoir si Hooglee adoptera l’une de ces mesures de protection.


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